Échanges culturels et commerciaux


Charte accordée à Tudela

« Le roi d’Aragon a autorisé les musulmans de rester dans les maisons qu’ils ont à l’intérieur de la ville du Tudela pendant un an ; l’année écoulée, ils devront s’en aller dans les faubourgs avec leurs meubles, leurs femmes et leurs enfants. La mosquée principale restera en leurs mains jusqu’à leur départ. Celui qui voudra quitter Tudela pour aller soit en terre musulmane, soit ailleurs, qu’il soit libre d’aller en sécurité. Les musulmans conserveront leurs lois. On ne convoquera pas de force un musulman à la guerre, ni contre les musulmans, ni contre les chrétiens. Aucun chrétien n’entrera de force dans la maison ni le jardin d’un musulman. »

« Nous assistâmes, (…) à cette époque, [septembre 1184] à la sortie de Saladin, avec toute l’armée des musulmans, pour aller attaquer la forteresse d’al-Karak. (…) Barrant la route du Hijaz [et donc du pèlerinage] et interdisant aux musulmans le passage en terre ferme, elle est située à une journée ou à peu près de Jérusalem. C’est le point crucial de la Palestine, un lieu d’importance. Vaste, elle est entourée d’une région habitée, dont on dit qu’elle comprenait jusqu’à quatre cents villages. Le sultan vint l’assiéger et la serra de près, au cours d’un siège qui fut fort long. Cependant, les allées et venues des caravanes de l’Egypte, à Damas, en territoire chrétien, n’étaient pas plus interrompues que celles des musulmans allant de Damas à Saint-Jean-d’Acre. Aucun des marchands chrétiens n’était arrêté ou vexé.

Les chrétiens font payer, sur leur territoire, aux musulmans, une taxe qui est appliquée en toute bonne foi. Les marchands chrétiens, à leur tour, paient en territoire musulman sur leurs marchandises ; l’entente est entre eux parfaite et l’équité est observée en toute circonstance. Les gens de guerre sont occupés à la guerre ; le peuple demeure en paix ; et les biens de ce monde vont à celui qui est vainqueur. Telle est la conduite des gens de ce pays, dans leur guerre. »

Ibn Jobayr, Voyages (1145-1217) in M. Bergé, Les Arabes, Ed. Lidis, 1983


Les échanges et la guerre

Lettre d’al-Abbas, vizir du calife fatimide al-Zâfir aux Pisans (1154)
« Et maintenant nous vous concédons privilège pour l’or et l’argent et toutes vos affaires à Alexandrie, et vous autorisons à habiter dans votre fundûq d’Alexandrie. Tout ce que vous aurez à vendre, une fois payés les droits à la douane, vous pourrez les porter où vous voudrez dans notre royaume, et aussi bien les remporter chez vous si vous le voulez, à l’exception du bois, du fer et de la poix puisque ces trois denrées sont achetées par notre douane au prix de l’heure. (…)

Nous vous concédons aussi un fundûq à Babylone [Le Caire], et l’exemption des droits sur l’argent. Et votre ambassadeur a demandé que si un Pisan se rendait au Saint-Sépulcre sur un navire qui ne soit pas de bandits, et soit pris par notre flotte, au reçu de votre lettre nous vous le libérions avec ses biens. Nous autorisons vos marchands à venir au Caire quand ils voudront, et vos marchands doivent être bien traités dans tout notre royaume (…). »

Claude Cahen, Orient et Occident au temps des croisades, Paris, Aubier-Montaigne, 1983
du commerce avec les Infidèles

Interdiction pontificale du commerce avec les Infidèles

« Certains hommes sont pris d’une cupidité meurtrière : se glorifiant d’être des chrétiens, ils n’en livrent pas moins aux Sarrasins des armes, du fer, du bois de construction pour leurs galères, au point de les égaler, voire de les dépasser en malignité, puisqu’ils leur fournissent armes et matériaux indispensables pour combattre les chrétiens. Il en est de même que la cupidité a poussé à assumer la charge de commandant ou de pilote sur les galères et sur les navires pirates des Sarrasins. De tels hommes méritent d’être retranchés de la communion de l’Église et frappés d’excommunication pour leur iniquité ; d’être privés de leurs biens par les princes catholiques et les magistrats des cités ; de devenir les esclaves de ceux qui les auront capturés, s’il leur arrive de l’être. Nous enjoignons qu’en toutes églises des villes maritimes on fulmine et renouvelle souvent contre eux l’excommunication solennelle. »

Présenté et traduit par R. Foreville, dans Histoire des conciles œcuméniques, t. IV, Paris, L’Orante, 1965

Le roi de Castille octroie une charte aux chrétiens mozarabes

« Au nom de Dieu et par sa grâce. Moi, Alphonse, par la grâce de Dieu empereur, je fais cette charte de donation et liberté pour vous tous, les chrétiens mozarabes, que j’ai arrachés avec l’aide de Dieu à la domination des Sarrasins et fait venir dans les terres des chrétiens. J’ai décidé, volontiers et spontanément, pour l’amour de Dieu et de la sainte chrétienté, et parce que vous avez abandonné, au nom du Christ et pour l’amour de moi, vos maisons, et vos propriétés, pour venir peupler mes terres, de vous donner de bonnes coutumes dans toute ma terre ; vous y résiderez en toute liberté et franchise, vous, vos fils (…), avec tous les autres hommes qui feront ces peuplements avec vous, avec tout ce qui vous aurez pu peupler et travailler et défricher dans les localités et finages que je vous aurai donnés et confiés ; et vous, Mozarabes, vous ne paierez pas de redevance dans toutes mes terres pour aucune des marchandises dont vous y ferez commerce ; vous ne me devrez pas de service d’ost et chevauchée contre des chrétiens, ni vous ni votre descendance… »

O. Guiyotjeannin, Archives de l’Occident, I, Le Moyen Âge, Fayard, 1992