L’Acte d’établissement (10 février 1701) règle la succession au trône d’Angleterre et complète le bill des Droits.

« Pour une plus ample provision de la succession de la couronne dans la ligne protestante, Nous, les très obéissants et très fidèles sujets de Votre Majesté, les Lords spirituels et temporels et les Communes assemblés en ce présent Parlement, supplions V. M. qu’il soit établi et déclaré par S.M. le roi que la très excellente princesse Sophie, électrice et duchesse douairière de Hanovre, petite-fille de feu notre souverain seigneur le roi Jacques Ier, soit et est par celles-ci, déclarée être la plus prochaine à la succession dans la ligne protestante à la couronne d’Angleterre, après S.M. et la princesse Anne de Danemark, et à défaut respectivement de lignée de ladite princesse Anne et de S.M. […]
Que toutes et chacune personne et personnes qui hériteront ou pourront héritier ladite couronne […], qui auront communion avec le siège ou l’Eglise de Rome ou qui se marieront à des papistes, seront sujets aux incapacités déclarées par ledit Acte […] Que quiconque viendra ci-après à la possession de cette couronne se conformera à la communion de l’Eglise anglicane, ainsi qu’elle est établie par les lois […]
Que nulle personne qui a un office ou charge de profit sous le roi ou qui reçoit une pension de la couronne, ne sera capable de servir comme membre de la Chambre des communes […]
Que les lois d’Angleterre sont les droits naturels du peuple d’icelle et que tous les rois et reines qui monteront sur le trône de ce royaume, doivent le gouverner conformément auxdites lois […] »

(Cité par François Lebrun, Le XVIIe siècle, éd. Armand Colin, coll. U, Paris, 1967, p. 291)

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Les méthodes de gouvernement de Walpole

« Il est de notoriété publique que ce ministère [=Walpole], ayant acquis une influence exclusive dans tous nos conseils publics, n’a pas seulement assumé la direction exclusive de toutes les affaires publiques mais a encore obtenu que soit destitué tout fonctionnaire qui ne voudrait pas suivre ses directives, même dans les affaires relevant de son département. Par ce moyen, il a monopolisé toutes les faveurs de la couronne et accaparé la disposition exclusive de toutes les places, pensions, titres et rubans aussi bien que de toutes les promotions civiles, militaires ou ecclésiastiques. Cela, monsieur [N.B. l’orateur s’adresse au Speaker ou président de la Chambre des Communes] constitue déjà l’offense la plus odieuse faite à notre constitution. Mais il a considérablement aggravé l’énormité de son crime. Car, ayant ainsi monopolisé toutes les faveurs de la couronne, il a tout soumis aveuglément à son autorité en temps d’élection et au Parlement… Cela est de notoriété publique telle qu’il n’y a pas besoin de preuves. De nombreux gentlemen méritants n’ont-ils pas été frustrés d’une promotion justifiée sous la simple suspicion de n’être pas aveuglément dévoués à son intérêt personnel ? Des personnes du plus haut rang et de la plus illustre réputation n’ont-elles pas été déplacées sans autre raison que leur refus de sacrifier honneur et conscience à sa domination du Parlement ?… Que dis-je ? Ce ministre ne l’a pas seulement proclamé : ne s’en est-il pas vanté ? N’a-t-il pas dit – et dans cette Maison encore ! – que, d’un ministre qui ne déplacerait pas le fonctionnaire hostile à ses mesures au Parlement, il se considérerait le collègue méprisable ?

Discours du député Samuel Sandys prononcé à la Chambre des Communes le 13 février 1741.

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La décadence du système électif

« La Chambre des Communes se compose de 558 membres, dont 200 nommés par 7000 électeurs. Il en résulte qu’une majorité de ces 7000, sans titre raisonnable à une influence prépondérante dans l’Etat, suffit, dans certaines circonstances, pour décider du sort d’une question contre l’avis d’autant de millions. Ma terre se trouvant située dans tel comté, j’ai le dix-millième d’un représentant; dans tel autre, le millième. Dans certain district, je puis être un des 20 électeurs qui nomment 2 représentants; dans un endroit encore plus favorisé, je puis jouir du droit de les nommer moi-même tous les deux. Né ou demeurant dans certaine ville, je me trouve représenté à l’assemblée nationale par 2 membres, dont l’élection me procure une part réelle et palpable dans l’exercice du pouvoir politique. Le hasard a-t-il fixé ma naissance, ma demeure ou mes occupations dans une autre ville, je n’ai plus aucun représentant, ni plus d’influence ou d’action sur le choix des hommes qui font les lois par lesquelles je suis gouverné, que si j’étais un sujet du grand Turc; et cette partialité n’a même pas la chance d’être fondée sur le prétexte ou l’ombre d’un avantage de mérite ou de fortune, pouvant justifier la préférence donnée à une localité sur l’autre. »

Londres 495.000 habitants 4 représentants
Comté de Cornouailles 165.000 habitants 44 représentants
Comté de Devon 337.360 habitants 26 représentants
Comté de Lincoln 24.340 habitants 12 représentants
Comté de Surrey 129.240 habitants 25 représentants

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L’anglophilie de Voltaire

« La Nation anglaise est la seule de la terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des Rois en leur résistant, et qui, d’efforts en efforts, ait enfin établi ce gouvernement sage où le prince, tout-puissant pour faire du bien, a les mains liées pour faire le mal, et où le peuple partage le gouvernement sans confusion. »

(Cité dans Jacques Dupâquier et Marcel Lachiver, Les Temps modernes, classe de 4e, nouvelle collection d’histoire Bordas, Paris, 1970, p. 185)

« C’est ici le pays des sectes. Un Anglais, comme un homme libre, va au ciel par le chemin qui lui plaît. »

Voltaire, Lettres philosophiques, 1733.

« Chacun peut écrire [en Angleterre] ce qu’il pense à ses risques et à ses périls; c’est la seule manière de parler à sa nation … La liberté de parler aux hommes avec la plume est établie en Angleterre comme en Pologne; elle l’est dans les Provinces-Unies, dans la Suède … dans la Suisse. »

Voltaire, A.B.C. 9e entretien, vers 1750.

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Voltaire raconte sa discussion avec un quaker, un membre d’une secte religieuse anglaise

« − Vous n’avez donc point de prêtres ? lui dis−je. − Non, mon ami, dit le quaker, et nous nous en trouvons bien. À Dieu ne plaise que nous osions ordonner à quelqu’un de recevoir le Saint−Esprit le dimanche à l’exclusion des autres fidèles. Grâce au Ciel nous sommes les seuls sur la terre qui n’ayons point de prêtres. Voudrais−tu nous ôter une distinction si heureuse ? Pourquoi abandonnerions-nous notre enfant à des nourrices mercenaires, quand nous avons du lait à lui donner ? Ces mercenaires domineraient bientôt dans la maison, et opprimeraient la mère et l’enfant. Dieu a dit : Vous avez reçu gratis, donnez gratis. Irons-nous après cette parole marchander l’Évangile, vendre l’Esprit Saint, et faire d’une assemblée de chrétiens une boutique de marchands ? Nous ne donnons point d’argent à des hommes vêtus de noir pour assister nos pauvres, pour enterrer nos morts, pour prêcher les fidèles ; ces saints emplois nous sont trop chers pour nous en décharger sur d’autres. − Mais comment pouvez-vous discerner insistai-je, si c’est l’Esprit de Dieu qui vous anime dans vos discours ? − Quiconque, dit−il, priera Dieu de l’éclairer, et qui annoncera des vérités évangéliques qu’il sentira, que celui-là soit sûr que Dieu l’inspire. Alors il m’accabla de citations de l’Écriture, qui démontraient, selon lui, qu’il n’y a point de christianisme sans une révélation immédiate, et il ajouta ces paroles remarquables : « Quand tu fais mouvoir un de tes membres, est-ce ta propre force qui le remue? Non sans doute, car ce membre a souvent des mouvements involontaires. C’est donc celui qui a créé ton corps qui meut ce corps de terre. Et les idées que reçoit ton âme, est-ce toi qui les formes ? Encore moins, car elles viennent malgré toi. C’est donc le Créateur de ton âme qui te donne tes idées ; mais, comme il a laissé à ton coeur la liberté, il donne à ton esprit les idées que ton coeur mérite ; tu vis dans Dieu, tu agis, tu penses dans Dieu ; tu n’as donc qu’à ouvrir les yeux à cette lumière qui éclaire tous les hommes ; alors tu verras la vérité, et la feras voir. »

Voltaire, « Deuxième lettre » in Lettres philosophiques, 1734.
Extrait de http://www.ebooksgratuits.com/, 2001.

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Extrait d’un pamphlet intitulé Catéchisme du Franc Tenancier (1733)

« Qui êtes-vous ? Je suis un Franc Tenancier [propriétaire] du royaume de Grande-Bretagne.
Quels sont tes privilèges à ce titre ? En tant que Franc Tenancier du Royaume, je suis plus grand, dans mes Capacités civiles, que le plus grand des Sujets d’un prince arbitraire, parce que je suis gouverné par des Lois auxquelles j’ai donné mon assentiment, et que nul ne peut s’en prendre à ma Personne, à ma liberté ou à mes biens. Je suis un homme libre.
Qui t’a donné cette Liberté ? Personne. La Liberté est un Droit naturel de toute Créature humaine. On peut l’exercer dès que l’on a atteint l’âge de Raison. De plus, cette Liberté m’est acquise, alors même que la plus grande Partie de l’Humanité en est dépourvue; c’est que la Sagesse de Dieu, et la Valeur de mes Ancêtres, les Francs Tenanciers de ce Royaume, me le permettent. »

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Alexis de Tocqueville, historien français, visitant l’Angleterre en 1856, réfléchissant à l’Ancien Régime et à l’histoire anglaise comparée à l’histoire de France, écrit ceci :

« C’était bien moins son parlement, sa liberté, sa publicité [opinion publique], son jury, qui rendaient dès lors, en effet, l’Angleterre si dissemblable de l’Europe, que quelque chose de plus particulier encore et de plus efficace. L’Angleterre était le seul pays où l’on eût, non pas altéré, mais effectivement détruit le système de la caste. Les nobles et les roturiers y suivaient ensemble les mêmes affaires, y embrassaient les mêmes professions, et, ce qui est bien plus significatif, s’y mariaient entre eux. La fille du plus grand seigneur y pouvait déjà épouser sans honte un homme nouveau. »