La reconquête de Jérusalem

« Saladin marcha d’Ascalon sur Jérusalem, victorieux dans sa décision, en compagnie de la victoire, traînant la gloire à sa suite, maître du poulain indompté de ses désirs et des prairies fertiles de sa richesse. Son espérance trouva un cours aisé, ses routes embaumèrent, ses dons se répandirent, son parfum s’éleva, sa puissance fut éclatante, écrasante son autorité. Son armée étincelait comme une masse liquide à travers la plaine et épanchait sur le désert ses grâces bienfaisantes. La poussière de l’armée avait étendu son manteau sur l’aurore, d’un tel nuage que les claires heures du matin semblaient retourner à l’obscurité des ténèbres. La terre gémissait, transpercée par les escadrons ; le ciel se réjouissait des amoncellements de poussière. Il marchait, et les régions voisines bénissaient son passage, se répétaient l’histoire de ses conquêtes, de la pointe des lances jusqu’aux cimes des monts : les pages de ses succès étaient incluses dans les décrets dictés par l’espérance. Des racines de la victoire montaient d’autres fruits plus doux et plus éclatants. L’Islam demandait en mariage Jérusalem, prompt à apporter des vies en cadeau de noces, des bienfaits pour la délivrer de ses malheurs, un visage heureux pour chasser les faces couronnées. En réponse au cri de douleur poussé par le Rocher qui appelait au secours contre l’ennemi, résonnait un écho rapide qui allait faire briller à nouveau les lampes dans son ciel, ramener la foi dans la ville devenue étrangère à sa patrie et la restituer à sa tranquille demeure en chassant d’al-Aqsâ ceux que Dieu allait chasser avec sa malédiction. On marchait pour passer la bride à Jérusalem devenue rebelle; pour y faire taire le bruit des cloches chrétiennes et retentir l’appel islamique à la prière, pour que les mains de la foi en chassent celles des Infidèles, pour la purifier des salissures de leur race, des ordures de cette humanité inférieure, pour réduire leur esprit au silence en rendant muets leurs clochers. La nouvelle vola jusqu’à Jérusalem ; le cœur des occupants sursauta d’effroi. »

lmâd ad-Dîn, 47-69. Extrait de F.Gabrieli, Chroniques arabes des croisades, Sindbad, 1977