« La chute du régime de l’Acte de Médiation laisse la Suisse sans organisme central. Les cantons s’affrontent. Par suite de leurs désaccords, les bases de la nouvelle constitution ne sont fixées qu’au Congrès de Vienne. Le Pacte de 1815 prend la forme d’un contrat par lequel la Confédération se replace uniquement sur le terrain d’une alliance d’Etats souverains, sans aucun pouvoir central. Les extraits suivants sont publiés d’après Marcel Godet, Dernières nouvelles d’il y a cent ans. La Suisse et l’Europe en 1840 , Neuchâtel, 1940, pp. 62-70 »

(cité par Michel Salamin, Documents d’Histoire suisse 1798-1847, collection Recueils de textes d’Histoire suisse, Sierre, 1969, pp. 66-68)

« Art. 1.- Les XXII cantons souverains de la Suisse, savoir : Zurich, Berne, Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Glaris, Zoug, Fribourg, Soleure, Bâle, Schaffhouse, Appenzell des deux Rhodes, Saint-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin, Vaud, Valais, Neuchâtel et Genève se réunissent, par le présent Pacte fédéral, pour leur sûreté commune, pour la conservation de leur liberté et de leur indépendance contre toute attaque de la part de l’étranger, ainsi que pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité dans l’intérieur. Ils se garantissent réciproquement leurs constitutions telles qu’elles auront été statuées par l’autorité suprême de chaque canton, conformément aux principes du Pacte fédéral. Ils se garantissent de même réciproquement leur territoire. (…)

Art. 5.- Toutes les prétentions et contestations qui s’élèveraient entre les cantons sur des objets non compris dans la garantie du Pacte fédéral seront soumises au droit confédéral. La manière de procéder et la forme de droit sont réglées de la manière suivante :
Chacune des parties choisit parmi les magistrats d’autres cantons deux arbitres, ou, si elles en sont d’accord, un seul arbitre.
Si le différend existe entre plus de deux cantons, chaque partie choisira le nombre d’arbitres déterminé.
Ces arbitres réunis cherchent à terminer le différend à l’amiable et par les voies de conciliation.
S’ils ne peuvent y parvenir, les arbitres choisiront un sur-arbitre parmi les magistrats d’un canton impartial dans l’affaire, et auquel ni l’un ni l’autre des arbitres déjà nommés ne doit appartenir.
Si les arbitres ne peuvent s’accorder sur le choix d’un sur-arbitre, et que l’un des cantons vienne à s’en plaindre, le sur-arbitre est nommé par la Diète. (…)
Dans les différends quelconques qui viendraient à s’élever entre les cantons, ceux-ci s’abstiendront de toutes voies de fait, à plus forte raison de l’emploi des armes ; ils suivront exactement la ligne de droit tracée dans le présent article, et se conformeront en tout à la décision rendue.

Art. 6.- Les cantons ne peuvent former entre eux de liaisons préjudiciables au Pacte fédéral, ni au droit d’autres cantons.

Art. 7.- Après la reconnaissance des XXII cantons, la Confédération admet qu’il n’y a plus de pays sujets en Suisse; la jouissance des droits politiques ne peut jamais, dans aucun canton, être un privilège en faveur d’une classe de citoyens.(…)

Art.12.- L’existence des couvents et chapitres et la conservation de leurs propriétés, en tant que cela dépend des gouvernements cantonaux, sont garantis. Ces biens sont sujets aux impôts et contributions publiques, comme toute autre propriété particulière. (…)

Les XXII cantons se constituent en Confédération suisse ; ils déclarent qu’ils entrent librement et de bon gré dans cette affaire, qu’ils observeront fidèlement, dans toutes les circonstances, en frères et confédérés ; en particulier qu’ils rempliront dès à présent, les uns envers les autres, tous les devoirs et toutes les obligations qui en résultent ; et afin qu’un acte aussi important pour le salut de la patrie commune reçoive, selon l’usage de nos pères, une sanction religieuse, ce Pacte fédéral sera non seulement signé par les députés de chaque Etat autorisés à cet effet, et muni du nouveau sceau de la Confédération, mais encore confirmé et corroboré par un serment solennel au Dieu tout-puissant. »

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L’adhésion du Valais à la Confédération suisse (1815)

« Vers la fin juin, la diète helvétique nous a fait part de cette admission solennelle du pays de Valais dans la Confédération suisse à titre et avec le rang de vingtième canton, comme aussi de la ratification et de la garantie de notre constitution par une lettre très honnête, où elle dit entre autres choses en parlant de la constitution dont nous sommes enfin convenus « qu’elle est l’une des plus sages que se soient donnée les cantons ».
Enfin tous les cantons ayant accepté que le Valais fût incorporé au Corps helvétique à titre de canton et qu’il y prît le vingtième rang et que ses députés aux diètes générales prissent le pas sur ceux des deux autres nouveaux cantons, Genève et Neuchâtel, on procéda, l’un des premiers jours du mois d’août, à la cérémonie de la prestation du serment solennel du Pacte fédéral (dont voyez les détails dans les gazettes suisses, allemandes et françaises). L’archiduc Jean l’honora de sa présence.
En toute la Suisse on chanta des Te Deum à l’occasion de l’acceptation solennelle du pacte fédéral; il n’y a qu’en Valais où cet heureux état des choses, qui nous élève à la dignité et au rang d’Etat souverain, membre du Corps helvétique, reste sans aucune démonstration de joie publique et sans témoignage de reconnaissance envers la Providence. C’est que les dizains [districts] allemands regardent comme un malheur pour eux ce qui fait le bonheur des Bas-Valaisans, et qu’ils sont plus humiliés d’avoir leurs anciens sujets pour frères et pour égaux qu’ils ne se trouvent honorés d’être devenus les égaux et les frères des anciens Suisses. »

Texte de Anne-Joseph de Rivaz publié dans ses Mémoires historiques sur le Valais (1798-1834).

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Carte de la Suisse des 22 cantons en 1815 – image GIF :