La Concession de novembre 1854

« ACTE DE CONCESSION ET CAHIER DES CHARGES POUR LA CONSTRUCTION ET L’EXPLOITATION DU
GRAND CANAL MARITIME DE SUEZ ET DÉPENDANCES

Nous, Mohammed-Saïd-Pacha, vice-roi d’Égypte,
Vu notre concession en date du 30 novembre 1854, par laquelle nous avons donné à notre ami M.Ferdinand de Lesseps pouvoir exclusif à l’effet de constituer et diriger une Compagnie universelle pour le percement de l’Isthme de Suez, l’exploitation d’un passage propre à la grande navigation, la fondation ou l’appropriation de deux entrées suffisantes, l’une sur la méditerranée, l’autre sur la mer Rouge, et l’établissement d’un ou deux ports ;
M. Ferdinand de Lesseps nous ayant représenté que, pour constituer la Compagnie sus-indiqué dans les formes et conditions généralement adoptées pour les sociétés de cette nature, il est utile de stipuler d’avance, dans un acte plus détaillé et plus complet, d’une part les charges, obligations et redevances auxquelles cette Société sera soumise, d’autre part, les concessions, immunités et avantages auxquels elle aura droit, ainsi que les facilités qui lui seront accordées pour son administration ;
Avons arrêté, comme suit, les conditions de la concession qui fait l’objet des présentes.
§ Ier .
CHARGES
Article 1er .La société fondée par notre ami M. Ferdinand de Lesseps, en vertu de notre concession du 30 novembre 1854, devra exécuter à ses frais, risques et périls, tous les travaux et constructions nécessaires pour l’établissement :
1° D’un canal approprié à la grande navigation maritime, entre Suez dans la mer Rouge et le golfe de Péluse dans la mer Méditerranée ;
2° D’un canal d’irrigation approprié à la navigation fluviale du Nil, joignant le fleuve au canal maritime susmentionné ;
4° (sic !) De deux branches d’irrigation et d’alimentation dérivées du précédent canal et portant leurs eaux dans les deux directions de Suez et de Péluse (…)
§2.
CONCESSIONS
Art.16.La durée de la Société est fixée à 99 années, à compter de l’achèvement des travaux (…).A l’expiration de cette période, le gouvernement égyptien rentrera en possession du canal maritime construit par la Compagnie, à charge par lui, dans ce cas, de reprendre tout le matériel et les approvisionnements affectés au service maritime de l’entreprise et d’en payer à la Compagnie la valeur telle qu’elle sera fixée (…). »

Extrait de LESSEPS Ferdinand, Question du canal de Suez, Paris : Henri Plon éditeur,1860. Pages 95 à 103


De Lesseps et le vice-roi (1865)

Rencontre avec le vice-roi pour parler de la construction du canal de Suez

« A cinq heures du soir, je galopai jusqu’à l’enceite et sautai de nouveau. Le vice-roi était gai et souriant. (…) Nous étions seuls. Par l’auvent de la tente, nous pouvions voir le splendide coucher du soleil dont le lever m’avait tant ému. En cet instant, alors que j’étais sur le point de poser la question dont dépendait tout mon avenir, je me sentis calme et confiant. Mes études et mes médiations sur le Canal des deux mers se présentaient clairement à mon esprit et la réalisation de mon plan me paraissait si facile que je ne doutai pas de pouvoir faire partager ma conviction au prince. J’exposai le projet sans entrer dans les détails, me basant uniquement sur les faits et arguments principaux de mon mémoire que j’aurais pu réciter d’un bout à l’autre. Mohammed Saïd écouta avec intérêt mon exposé. Je le priai, s’il avit quelques doutes, de me les dire. De fait il fit des objections judicieuses auxquelles je répondis de façon calculée pour le satisfaire. « Je suis convaincu, me dit-il enfin. J’accepte votre plan. Nous réglerons les détails des moyens d’exécution au cours du voyage. »

extrait de Charles Beatty, Biographie de Ferdinand de Lesseps, Paris : éditions Mondiales, 1957, p.79


Point de vue égyptien

« Méhémet Ali « avait bien conscience du rôle que jourait pour son pays un canal à travers l’isthme et il ne s’opposait pas ouvertement à son percement, pas plus qu’à la construction d’un chemin de fer préconisée par les Anglais, mais il hésitait, se méfiait de toutes les propositions. Il savait fort bien que l’une ou l’autre masquait une volonté d’implantation sur une route nécessaire aux besoins de l’Europe, mais dont il se considérait le seul et légitime propriétaire. » »

Extrait de Bernard Simiot, Suez 50 siècles d’histoire, Paris, Editions Arthaud, 1974, p.165