Le texte n’a rien de normatif. Ce n’est qu’un ordre du jour adopté à l’unanimité par la Chambre des députés le 25 juillet 1919. Les services de l’Assemblée nationale de 2019 lui avaient d’ailleurs consacré une petite brochure. En avril 1919, à la suite de violences et de discriminations perpétrées dans plusieurs villes dont Saint-Nazaire ou Nice par des militaires américains contre des militaires ou des civils noirs français ou américains, le député guadeloupéen Achille René-Boisneuf dit « Boisneuf » (rad. soc.), et son collègue socialiste martiniquais Joseph Lagrosillière demandent à interpeller le gouvernement. Alors que la demande d’interpellation est déjà déposée, Saint Éloi Étilce, un passant français noirUn marin civil que la mémoire a transformé en un militaire dont on a inscrit le nom sur le monument aux morts érigé en 1932 par la commune guadeloupéenne du Port-Louis est abattu par Steve Wharton de la 266e compagnie de Military Police américaine. Malgré son insistance, Boisneuf, qui réclame justice, voit sans cesse la date de son interpellation différée sine die. Les pressions sont nettes car le cabinet Clemenceau ne veut pas d’interférences dans les discussions de la paix avec l’allié américain. Boisneuf obtient finalement de développer son interpellation après le traité signé le 28 juin à Versailles, alors que W. Wilson a déjà appareillé pour les États-Unis. Le député guadeloupéen, qui a dû promettre de prendre la parole sans même développer son interpellation, insiste sur le fait qu’il agit en tant que Français et non en tant que noir. Alors que le président de la Chambre (P. Deschanel), le presse de se rendre à sa promesse, il choisit de lire devant la ChambreIl s’agit bien de la Chambre et non de l’Assemblée nationale qui est à cette époque la réunion de l’ensemble du parlement à Versailles pour élire le président de la République ou partout ailleurs dans d’autres circonstances (Bordeaux, Vichy)… une note du lieutenant-colonel LinardLieutenant-colonel et chef-adjoint de la mission auprès de l’armée américaine cf. Benjamin Doizelet, « L’intégration des soldats noirs américains de la 93e division d’infanterie dans l’armée française en 1918 », Revue historique des armées, 265, 2011, mis en ligne le 24 janvier 2012 http://rha.revues.org/., chargé de la coopération militaire franco-américaine. Le document est à l’origine une note confidentielle prise par erreur pendant quelques heures pour une circulaire en raison de l’oubli momentané du cachet « confidentiel ». Malgré les tentatives pour récupérer toutes les copies, la note a circulé parmi des officiers noirs qui l’ont communiquée à plusieurs députés dont le Guadeloupéen Boisneuf et le Sénégalais Blaise Diagne. Ce dernier s’en est plaint au cabinet Clemenceau après l’armistice en soulignant qu’elle était contraire aux principes évoqués dans les promesses qui ont été les conditions de la mission de recrutement militaire de Diagne en 1918 en AOF. Boisneuf obtient finalement le vote par la Chambre d’un ordre du jour condamnant le préjugé de race, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. C’est à l’occasion du meurtre de Nantes, qu’un journal local proteste contre le préjugé racial des Américains par la formule « Nous qui ne cultivons par le préjugé des races », postulant l’absence en France de tout préjugé racial.
L’extrait publié ici a été allégé des notes de bas de pages qu’on trouvera dans l’ouvrage où il est cité et analysé dans un contexte qui permet de comprendre comment la seconde puissance coloniale du monde pouvait accepter qu’on votât un ordre du jour contre le préjugé de race : JORF, Débats, Chambre, 25 juillet 1919, p. 3730 sq. cité dans Dominique Chathuant, Nous qui ne cultivons pas le préjugé de race. Histoire(s) d’un siècle de doute sur le racisme en France, Paris, Éditions du Félin, 2021, p. 436-443.
« Le Président – L’ordre du jour appelle la discussion de MM Achille René-Boisneuf et Lagrosillière sur les mesures que le gouvernement compte prendre pour faire cesser les brimades, les délits et les crimes dont les citoyens ou sujets français de couleur sont depuis quelques temps, victimes sur le territoire français. La parole est à Monsieur le Ministre de l’Intérieur.
Pams, ministre de l’Intérieur – Messieurs, à l’occasion d’incidents très regrettables, qui se sont produits dans diverses bases américaines au mois d’avril dernier, MM. Achille René-Boisneuf et Joseph Lagrosillière ont demandé à interpeller le gouvernement sur les mesures prises. Je suis heureux de rendre hommage aux interpellateurs qui ont fait tous leurs efforts et apporté toute leur intelligence et leur cœur à la défense de nos frères de couleur (applaudissements). Grâce à leur concours, les démarches ont pu être facilitées entre le gouvernement français et le gouvernement américain. Mais je dois dire que nous n’avions pas attendu leur intervention pour entreprendre de régler convenablement ces incidents. Le gouvernement français a toujours présent à la mémoire la dette de la France vis-à-vis de tous ses enfants de la métropole ou des colonies qui ont versé leur sang pour la patrie commune ; les uns et les autres méritent au même titre notre affection et notre perpétuel souvenir (applaudissements unanimes). Aussi, avons-nous fait tout ce qui était en notre pouvoir pour que des difficultés aussi douloureuses qu’imméritées ne se renouvellent pas. Le gouvernement américain a déjà pris certaines sanctions, et je ne doute pas que nous n’obtenions facilement à la suite de l’intervention de M. Achille René-Boisneuf, que les cas particuliers qu’il a signalés ne soient l’objet d’une étude attentive, afin que les satisfactions dues aux familles leur soient données le plus tôt possible (Très bien ! Très bien !). Les autorités américaines n’ont pas hésité à exprimer leurs regrets dans des termes qui sont absolument satisfaisants et qui leur font honneur.
Mayéras – Pourrait-on les connaître ?
Le Ministre de l’Intérieur– Dans ces conditions, et étant donné que depuis le mois d’avril, nous n’avons eu aucun autre incident à déplorer, je crois pouvoir faire appel à la bonne volonté de M. Boisneufpour le prier de se rendre à des raisons de haute convenance et ne pas insister pour le développement de son interpellation : elle pourrait donner lieu, contrairement à son propre désir, à des commentaires fâcheux et injustes, qui risqueraient de créer de regrettables malentendus. Je crois que l’honorable M. René-Boisneuf consentira à me donner satisfaction (applaudissements).
Le Président – La parole est à M. René-Boisneuf.
René-Boisneuf– Messieurs, j’aurais mauvaise grâce – et je heurterais certainement à mon préjudice les sentiments certains que la Chambre vient de manifester par l’accueil qu’elle a réservé aux paroles de M. le ministre de l’Intérieur – j’aurais mauvaise grâce, dis-je, après la déclaration du Gouvernement, à insister pour la discussion au fond de mon interpellation. J’avais à soumettre à la Chambre un certain nombre de faits extrêmement graves qui se sont passés en France pendant ces temps derniers et dont ont été victimes des soldats ou des hommes de couleur. Je regrette que les circonstances ne m’aient pas permis de développer plus tôt mon interpellation. Mais je suis heureux de prendre acte des déclarations qui viennent d’être produits ici par le représentant du gouvernement et d’entendre proclamer par le ministre de l’Intérieur cette vérité aujourd’hui reconnue par tous, qu’il n’est plus nécessaire de formuler en France que ce pays ne fait aucune distinction entre ses enfants d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient (vifs applaudissements unanimes).
Et ce n’est certainement pas au lendemain de la guerre, au lendemain des fêtes de la victoire, où le pays a tenu à nous associer à l’hommage unanime de reconnaissance à tous ses défenseurs en acclamant de la place de l’Étoile jusqu’à la place de la République, au milieu du défilé de nos troupes glorieuses, les représentants des troupes noires, au même titre et du même cœur que les soldats de la métropole, ce n’est pas aujourd’hui que le moindre doute pourrait subsister à cet effet (nouveaux applaudissements).
Je ne puis, cependant, m’empêcher de constater ce qu’il y a d’un peu tardif – M. le Ministre de l’intérieur voudra bien me permettre de le faire remarquer en passant – dans la manifestation de la sollicitude que le gouvernement veut bien témoigner aujourd’hui à ceux dont je défends la cause. Il a fallu pour éveiller cette sollicitude, l’action tenace de nos interventions réitérées. J’aurais aimé, monsieur le ministre, que le gouvernement se préoccupât, spontanément, de prévenir ou de réprimer les faits que vous avez qualifié vous-même de profondément regrettables, et dont je voulais saisir et la Chambre et l’opinion publique. Je ne veux pas insister. J’ai entendu votre appel ; et j’y réponds, volontiers préoccupé, comme vous, de sauvegarder les intérêts supérieurs du pays. Mais les faits qui devaient faire le fond de mon interpellation, que je n’exposerai pas, que je ne commenterai pas, que vous n’avez pas su prévenir, je crois pouvoir affirmer ici qu’ils n’ont pu s’accomplir et demeurer impunis qu’avec la complicité de l’autorité militaire française (mouvements divers). Cette affirmation, je crois pouvoir la produire sans encourir le reproche de compliquer en aucune façon nos relations diplomatiques. J’ai le droit d’apprécier ici, comme il me paraît nécessaire, la conduite, les erreurs ou les fautes des autorités françaises (Très bien ! Très bien).
Je demande donc à la Chambre la permission de lui donner communication d’un document extrêmement suggestif. C’est une circulaire confidentielle, adressée, à la date du 7 août 1918, par le colonel (sic) Linard, chef de la mission militaire française près de l’armée américaine, aux officiers français pour leur dicter l’attitude à observer vis-à-vis de leurs collègues de couleur américains et vis-à-vis des soldats noirs en général. Les Américains peuvent avoir entre eux telles relations qu’ils jugent nécessaires. Quoi que nous en puissions penser, nous ne pouvons nous en mêler. Mais j’estime intolérable et abominable qu’un officier supérieur français entreprenne d’introduire dans l’armée française, des préjugés que réprouvent nos mœurs et notre civilisation, des ferments de discorde, d’antagonisme, d’antagonisme ethnique et de haine, de nous faire épouser des querelles fratricides que certains de nos alliés ont, paraît-il, élevé à la dignité de dogmes nationaux (applaudissements). Voici ce document :
– « 1° Il importe que les officiers français appelés à exercer un commandement sur les troupes noires américaines, ou à vivre à leur contact, aient une notion exacte de la situation des nègres aux États-Unis. Les considérations exposées dans la note suivante devraient donc leur être communiquées et diffusées, et il y a un intérêt considérable à ce qu’elles soient diffusées. Il appartiendra même aux autorités militaires françaises, de renseigner à ce sujet, par l’intermédiaire des autorités civiles, les populations françaises des cantonnements de troupes américaines de couleur ; 2° Le point de vue américain sur la « question nègre » peut paraître discutable à bien des esprits français. Mais il ne nous appartient pas de discuter ce que certains appellent un “ préjugé ”. L’opinion américaine est unanime sur la “ question noire ” et n’admettrait pas la discussion. Le nombre élevé de nègres aux États-Unis (15 millions environ) créerait pour la race blanche de la République un danger de dégénérescence si une séparation inexorable n’était faite entre noirs et blancs. Comme ce danger n’existe pas pour la race française, le public français s’est habitué à traiter familièrement le “ noir ” et à être très indulgent à son égard. Cette indulgence et cette familiarité blessent profondément les Américains. Ils les considèrent comme une atteinte à leurs dogmes nationaux. Ils craignent que le contact des Français n’inspire aux noirs américains des prétentions qu’ils considèrent comme intolérables. Il est indispensable que tous les efforts soient faits pour éviter d’indisposer profondément l’opinion américaine. Bien que citoyen des États-Unis, l’homme de couleur est considéré par l’Américain blanc comme un être inférieur avec lequel on ne peut avoir que des relations d’affaire ou de service. On lui reproche une certaine inintelligence, son indiscrétion, son manque de conscience civique ou professionnelle, sa familiarité. Les vices du nègre sont un danger constant pour l’Américain, qui doit les réprimer sévèrement. Par exemple, les troupes noires américaines en France ont donné lieu, à elles seules, à autant de plaintes pour tentatives de viol que tout le reste de l’armée, et cependant, on ne nous a envoyé comme soldats qu’une élite au point de vue physique et moral, car le déchet à l’incorporation a été énorme.
Conclusion.
– 1° Il faut éviter toute intimité trop grande d’officiers français avec des officiers noirs, avec lesquels, on peut être correct et aimable, mais qu’on ne peut traiter sur le même pied que des officiers blancs américains sans blesser profondément ces derniers. Il ne faut pas partager leur table et éviter le serrement de mains et les conversations ou fréquentations en dehors du service (exclamations).
– 2° Il ne faut pas vanter d’une manière exagérée les troupes noires américaines, surtout devant des Américains. Reconnaître leurs qualités et leurs services, mais en termes modérés, conformes à la stricte réalité.
– 3° Tâcher d’obtenir des populations des cantonnements qu’elles ne gâtent pas les nègres. Les Américains sont indignés de toute intimité publique de femme blanche avec des noirs. Ils ont élevé récemment de véhémentes protestations contre une gravure de la Vie parisienne intitulée « l’Enfant du Dessert », représentant une femme en cabinet particulier avec un nègre. Les familiarités des blanches avec les noirs sont, du reste, profondément regrettées de nos coloniaux expérimentés qui y voient une perte considérable du prestige de la race blanche. “ L’autorité militaire ne peut intervenir directement dans cette question mais elle peut influer sur les populations par les autorités civiles.
Signé Linard »
La Chambre ne comprendrait pas que je n’élève, non pas en tant que noir – cela n’a rien à voir ici – mais en tant que Français (applaudissements), en tant que député français (Très bien ! Très bien !) une protestation indignée contre les suggestions et les calomnies contenues dans ce papier. C’est une calomnie que d’affirmer que les soldats noirs américains, qui se sont battus en France avec le courage, l’héroïsme que vous connaissez, qui ont payé de leur sang, de leurs souffrances, de leur vie ou de leurs mutilations la défense du territoire français et de la liberté humaine, comme leurs camarade blancs américains, français ou des autres nations alliées de toutes races; c’est une calomnie abominable, dis-je, de venir affirmer que ces soldats noirs se sont livrés en France, à eux seuls, à autant de viols ou de tentatives de viols, sur des femmes blanches que tous les autres soldats américains de race blanche. Je défie qui que ce soit d’apporter ici la moindre preuve à l’appui de cette audacieuse affirmation. Je mets au défi qui que ce soit de citer des faits précis qui puissent servir d’étai plus ou moins fragile à l’abominable légende du nègre satyre, spécialement affolé de chair blanche ! Où quand – je voudrais qu’on le dise – des noirs américains se sont-ils livrés sur les femmes blanches de France à ces prétendus attentats à la pudeur, à ces prétendues tentatives de viols qui servent de prétexte au lynchage des noirs en Amérique ? (applaudissements).
En attendant qu’on l’établisse, qu’on relève ce défi, n’ai-je pas le droit de mettre en regard de ce que, jusqu’à preuve du contraire, je tiens pour une lâche calomnie, l’exemple de ce qui existe dans les pays anglais et français ? Dans les colonies anglaises ou françaises, où la population noire représente 95 % et plus de la population totale, on ne relève pas une seule poursuite, une seule condamnation pour attentat aux mœurs commis par un noir. Vous pouvez vous en convaincre facilement par la lecture des annales judiciaires et des échos de cour d’assises ou de justice de ces colonies. Il est vrai de dire que dans ces pays, la loi de Lynch n’existe pas et qu’il n’est point besoin d’inventer des prétextes pour la faire jouer (Très bien ! Très bien !).
L’invention du nègre violateur de blanche, c’est le prétexte abominable qui, en Amérique, sert à justifier le lynchage, c’est à dire l’assassinat de malheureux noirs. Cette protestation formulée, il me reste à prendre acte des déclarations rassurantes de M. le ministre de l’Intérieur. J’ai confiance en sa parole. Il a affirmé que des précautions seraient prises pour éviter le retour des brutalités dont les noirs ont eu à se plaindre de la part des Américains et que les sanctions nécessaires seraient poursuivies contre les actes coupables qui ont été commis. Nous attendrons la réalisation de cette promesse, nous réservant de ressusciter ce débat, si elle n’était pas tenue (Très bien ! Très bien !). Car il faut que le gouvernement tienne parole. Il le faut, pour que les noirs des colonies françaises qui rentrent chez eux, après avoir lutté et combattu, et vaincu le Boche, après être venus ici défendre notre territoire, le territoire de la mère patrie, défendre le patrimoine de justice et de liberté auquel ils ne sont encore qu’insuffisamment associés (vifs applaudissements) emportent le sentiment profond que le prestige de la race blanche française ne résulte pas du culte de la force brutale, mais de la supériorité de sa conception du droit humain, de son idéal de justice et de fraternité (applaudissements). Il le faut pour que les nôtres, rentrant chez eux sans le moindre regret de ce qu’ils ont pu endurer et souffrir pour que la France vive libre, qu’après avoir vaincu le Boche, la France n’est pas prête à s’incliner devant une nation quelconque, cette nation fût-elle la grande alliée américaine. Il ne faut pas que le prestige de la France soit diminué aux yeux de ses fils adoptifs.
Des incidents se sont produits, extrêmement pénibles pour notre orgueil national. Il m’est interdit de préciser ; j’en ai pris l’engagement ; Mais les victimes n’ont pas pu les ignorer. Ils en ont éprouvé des impressions, des émotions défavorables pour le prestige de la métropole. Il ne faut pas que ces impressions demeurent. Savez-vous que l’autorité militaire n’avait rien trouvé de mieux que de consigner les troupes de couleur lors de leur séjour dans certaines villes de France, sous prétexte de les soustraire aux violences et aux sévices dont ils pouvaient être victimes de la part des militaires ou de policiers américains ? (exclamations !) Cela eut lieu notamment à NiceAllusion probable à un fait survenu dans un bar de Nice en mai 1919 cf. « Blancs et noirs », Le Petit Journal, 10 août 1923. et à Saint-Nazaire. Dans ces deux villes, à la suite de l’émotion et de l’effervescence causées non seulement par les troupes françaises mais encore dans la population par certains incidents plus que regrettables provoqués par des soldats américains, l’on consigna non pas les coupables, mais les victimes, c’est à dire les troupes de couleur. Parmi ces hommes de couleur, certains avaient été l’objet de la plus odieuse et de la plus révoltante des violences ; c’étaient des mutilés glorieux ; ils portaient sur la poitrine le témoignage de leur héroïsme et la reconnaissance de la mère patrie : Croix de guerre, médaille militaire. Des Américains avaient oublié les lois de l’hospitalité jusqu’à se croire autorisés à arracher de la poitrine de ces braves les croix qui les paraient et à les piétiner (exclamations).
Comme unique mesure de protection sur cette terre de France qu’ils venaient de contribuer à libérer, l’autorité militaire imagina seulement de préserver ces héros contre les dangers de la rue, abandonnée à leurs agresseurs, en les consignant dans leur caserne ou leurs cantonnements ! Il importe qu’ils sachent que le gouvernement de la France, que le parlement national n’ont pas approuvé cette défaillance. Il faut des sanctions contre les actes dont ils ont été victimes. Il faut que toutes les réparations nécessaires soient accordées aux parents de ceux qui ont été assassinés. Il faut que justice soit faite. J’ai la parole du gouvernement. La Chambre en a pris acte. J’attends ! (vifs applaudissements)
Le Président – Voici l’ordre du jour qui m’a été remis par MM. Achille René-Boisneuf, Candace, et Georges Boussenot:
« La Chambre, fidèle aux principes immortels qui ont inspiré la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, réprouvant et condamnant tout préjugé de confession, de caste ou de race, affirme et proclame l’absolue égalité, de tous les hommes, sans distinction d’origine ou de couleur, au bénéfice et à la protection de toutes les lois du pays (applaudissements). Elle compte sur le gouvernement pour imposer à tous le respect de ses lois et, en particulier, pour poursuivre avec l’énergie nécessaire toutes les sanctions que peuvent comporter les infractions à la loi pénale commises sur le territoire national, quels que soient les auteurs ou les victimes de ces infractions et passe à l’ordre du jour » (vifs applaudissements).
Je mets aux voix cet ordre du jour (l’ordre du jour, mis aux voix est adopté).
Le Président – Je constate que le vote est acquis à l’unanimité (applaudissements). »
JORF, Débats, Chambre, 25 juillet 1919, p. 3730 sq. cité dans dans Dominique Chathuant, Nous qui ne cultivons pas le préjugé de race. Histoire(s) d’un siècle de doute sur le racisme en France, Paris, Éditions du Félin, 2021, p. 436-443.