Pausanias  dit le Périégète est né probablement en Asie Mineure à Magnésie du Sipyle (Lydie, actuelle Turquie de l’Ouest) vers l’an 115, et meurt à Rome aux alentours de l’an 180. Pausanias est avant tout connu pour être l’auteur d’une Description de la Grèce ou Périégèse.

Grand voyageur, Pausanias parcourt  la Grèce, la Macédoine, une partie de l’Asie et de l’Afrique avant de se fixer à Rome vers 174. Entre 150 et 175 après J.C., il rédige alors une Description de la Grèce, ouvrage relevant d’un genre pratiqué depuis l’époque hellénistique, la périégèse ou guide de voyage. Ouvrage en 10 volumes dans desquels il décrit les régions, territoires et sites qu’il a parcourus, Pausanias mêle parfois/souvent mythologie et réalité en livrant des détails souvent confirmés par l’archéologie.

C’est ainsi que dans le Livre V, Pausanias s’attarde sur les Jeux olympiques (fondés en 776 av JC) et en décrit les origines et l’organisation.


Extrait n°1 : les origines mythologiques des Jeux

Les Éléens qui veulent remonter à ce qu’il y a de plus ancien, disent au sujet des jeux Olympiques, que Cronos fut le premier qui régna dans le ciel, et que les hommes de ces temps-là, nommés la race d’Or, lui érigèrent un temple à Olympie. Zeus étant venu au monde, Rhéa le donna en garde aux Dactyles, qui sont aussi connus sous le nom de Curètes ; ils étaient venus du mont Ida de l’île de Crète, et on les nommait Héraclès, Pœonæos, Épimèdes, lasios, et Idas. Héraclès, qui était l’aîné, proposa en s’amusant, à ses frères, de s’exercer à la course, en disant qu’il couronnerait le vainqueur avec une branche d’olivier sauvage ; il y avait en effet dans cet endroit une si grande quantité de ces oliviers, qu’on amassait leurs feuilles vertes pour se faire des lits. Les Éléens disent qu’Héraclès avait apporté cet arbre dans la Grèce du pays des Hyperboréens qui est au-dessus du vent Borée. Olen de Lycie, dans son hymne à Achaeïa, a dit le premier que cette Achaeïa était venue à Délos du pays des Hyperboréens. Mélanopos de Cumes fit ensuite sur Opis et Hécaergé une ode, où il assure qu’elles étaient venues auparavant dans l’Achaïe et à Délos ; Aristéas de Proconnèse a aussi parlé des Hyperboréens ; et il est possible qu’il en eût appris quelque chose de plus que les autres, par le moyen des Issédons chez qui il avait voyagé, à ce qu’il dit dans ses vers. L’honneur de la première institution des jeux Olympiques appartient donc à Héraclès Idaeen, et ce fut lui qui leur donna ce nom ; il ordonna qu’on les célébrât tous les cinq ans, parce qu’ils étaient cinq frères. Il y en a qui disent que Zeus y lutta avec Cronos pour savoir à qui resterait l’empire du monde ; suivant d’autres, Zeus fit célébrer ces jeux après ses victoires ; et parmi ceux qui furent couronnés, on nomme Apollon qui vainquit Hermès à la course, et Arès au pugilat : c’est pour cela, dit-on, qu’on joue sur la flûte l’air pythique pendant l’exercice du saut qui fait partie du pentathle, cet air étant consacré à Apollon, et ce dieu ayant remporté des victoires aux jeux Olympiques.

Chapitre VII

 

Extrait n°2 : la tenue des premiers jeux et les premières épreuves

Dans la suite des temps, environ cinquante ans après le déluge de Deucalion, Clyménos, fils de Cardys, et descendant d’Héraclès Idaéen, étant venu de l’île de Crète dans la Grèce, fit célébrer des jeux à Olympie, et érigea, dit-on, un autel  aux Curètes et particulièrement à Héraclès l’un de ses ancêtres ; il donna à cet Héraclès le surnom de Parastate. Endymion, fils d’Aéthlios, détrôna Clyménos, et proposa ensuite à Olympie son royaume pour prix de la course à ses trois fils. Une génération s’était à peine écoulée, quand Pélops fit célébrer des jeux en l’honneur de Zeus Olympien avec plus de solennité que tous ceux qui l’avaient précédé. Les fils de Pélops ayant abandonné l’Élide pour se disperser en divers lieux du Péloponnèse, Amythaon fils de Créthéos, et cousin germain d’Endymion du côté de son père (car on dit qu’Aéthlios était aussi fils d’Aeolos, quoiqu’il passât  pour fils de Zeus ), fit célébrer les jeux Olympiques ; après lui Pélias et Nélée donnèrent la même fête à frais communs, ces jeux furent aussi célébrés par Augias, et ensuite par Héraclès, fils d’Amphitryon, lorsqu’il eut pris Élis. Iolas y remporta le prix de la course des chars avec les chevaux d’Héraclès ; car anciennement il était permis de concourir avec les chevaux des autres, et nous voyons dans Homère, qu’aux jeux qui furent célébrés pour les funérailles de Patrocle, Ménélas attela Æthé, jument d’ Agamemnon, avec un de ses propres chevaux. Iolas, au reste, conduisait ordinairement le char d’Héraclès ; il eut donc le prix de la course des chars, et Iasios Arcadien celui de la course à cheval. Castor, l’un des fils de Tyndare, fut vainqueur à la course, et Pollux au pugilat ; et on dit qu’Héraclès lui-même remporta le prix de la course et du pancrace. Oxylos fit aussi célébrer ces jeux; mais ils furent interrompus après lui jusqu’à Iphitos qui les rétablit comme je l’ai déjà dit. A l’époque de leur rétablissement, on ne se souvenait plus de la manière dont ils se célébraient autrefois ; on s’en ressouvint peu à peu, et à mesure qu’on se rappelait quelque exercice, on rajoutait aux précédents ; en voilà la preuve : en remontant à l’époque depuis laquelle la liste des olympiades n’est plus interrompue, on voit que le prix de la course fut le premier qu’on proposa, et qu’il fut remporté par Corabos Éléen qui n’a cependant pas de statue à Olympie, mais dont le tombeau existe sur les frontières de l’Élide.

Le prix du Diaulos, ou de la course du double stade, fut ajouté dans la quatorzième olympiade, il fut remporté par Hypénos de Pise, et à l’olympiade suivante, par Acanthos de Lacédémone. On se ressouvint du pentathle et de la lutte en la dix-huitième olympiade ; le prix du premier de ces exercices fut décerné à Lampis, et celui de la lutte à Eurybate, tous deux aussi Lacédémoniens.

On rétablit le prix du pugilat en la vingt-troisième olympiade : il fut remporté par Onomastos de Smyrne, ville qui était déjà dans la confédération Ionienne. A la vingt-cinquième olympiade on admit parmi les jeux la course des chars attelés de chevaux ayant acquis toute leur force, et Pagondas le Thébain y fut victorieux. Le pancrace et la course à cheval furent mis au nombre des jeux en la trente-troisième olympiade : le cheval de Crauxidas, Crannonien, passa tous les autres ; et tous ceux qui se présentèrent pour le pancrace furent vaincus par Lygdamos le Syracusain, dont le tombeau se voit à Syracuse, près des Carrières. Ses compatriotes disent qu’il était aussi grand qu’Héraclès le Thébain ; j’ignore si cela est vrai. Quant aux combats entre les enfants, on n’en trouve aucune trace dans les anciens temps, et c’est de leur propre mouvement que les Éléens les ont institués. On établit pour les plus jeunes athlètes le prix de la course et celui de la lutte dans la trente-septième olympiade. Hipposthènes de Lacédémone fut vainqueur à la lutte, et Polynice Éléen à la course. On admit, en la quarante-unième olympiade, le pugilat des enfants; et Philétas de Sybaris vainquit tous ses antagonistes. La soixante-cinquième vit des courses de gens armés ; exercice introduit, je crois, pour accoutumer au métier des armes. Démaratos d’Hérée surpassa en vitesse tous ceux qui couraient ainsi avec des boucliers. La Synoris, ou course de deux forts chevaux attelés à un char, fut instituée en la quatre-vingt-treizième olympiade, et le prix fut remporté par Évagoras Éléen. On imagina dans la quatre-vingt-dix-neuvième, d’admettre aussi au concours des chars attelés de poulains, et la couronne fut décernée à Sybariades, Lacédémonien. Les chars attelés de deux poulains (synoris), et les courses de poulains portant un cavalier (célis), furent ajoutés plus tard. Bélistiché, Macédonienne du voisinage de la mer, remporta le prix de la Synoris de poulains en la cent vingt-huitième olympiade ; Tlépolème de Lycie, celui de la Célis, en la cent trente et unième. Enfin, on institua dans la cent quarante-cinquième un prix de pancrace pour les enfants ; et le vainqueur fut Phoedimos, Éolien de la ville de Troade.

Chapitre VIII

Extrait n°3 : l’organisation des jeux

Les Éléens instituèrent aussi quelques combats que dans la suite ils jugèrent à propos de supprimer. Le pentathle des enfants fut établi dans la trente-huitième olympiade, et Eutélidas Lacédémonien fut couronné ; mais les Éléens ne crurent plus devoir faire combattre les enfants au pentathle. La course de l’Apéné et celle de la Calpé furent établies, la première dans la soixante-dixième olympiade, et la Calpé dans celle qui suivit ; mais dans la quatre-vingt-quatrième, les Éléens firent proclamer qu’à l’avenir elles n’auraient plus lieu ni l’une ni l’autre. Thersias Thessalien avait été vainqueur lors de la première course de l’Apéné, et Pataecos de Dymé en Achaïe, à celle de la Calpé. La Calpé était une jument ; celui qui la montait sautait à bas vers la fin de la course, et se passant la bride autour du bras, courait avec elle jusqu’au bout de la carrière, comme le font encore ceux qu’on nomme Anabatae, avec cette différence que les Anabates ont des signes distinctifs et se servent de chevaux. Quant à l’Apéné, elle n’avait en sa faveur ni l’antiquité de son invention, ni même aucun prétexte spécieux ; c’était un char attelé de deux mules (synoris), et, par l’effet de quelque imprécation, on n’élève point de mules en Élide.

L’ordre observé maintenant dans les jeux veut qu’on fasse les sacrifices à Zeus après le combat du pentathle et les courses des chevaux. Les exercices des hommes et les courses des chevaux se faisaient auparavant toutes le même jour ; mais il arriva cette année que les pancratiastes furent rejetés à la nuit, n’ayant point été appelés à temps à cause des courses des chevaux, et surtout parce que le prix du pentathle fut longtemps disputé. Cela n’empêcha pas Callias Athénien d’être vainqueur au pancrace ; mais on s’arrangea de manière que ni le pentathle ni les chevaux ne fussent à l’avenir un obstacle au pancrace. Quant à la présidence des jeux, elle ne se régla plus de la même manière que dans les commencements. En effet, Iphitos les présida seul, et il en fut de même des descendants d’Oxylos, qui les firent célébrer après lui.

Dans la cinquantième olympiade, la direction des jeux fut confiée à deux Agonothètes, choisis au sort parmi tous les Éléens, et leur nombre fut ainsi fixé à deux pendant très  longtemps. Dans la quatre-vingt-quinzième olympiade, on créa neuf Hellanodices ou juges des jeux, dont trois devaient présider aux courses de chevaux, trois au pentathle, et trois aux autres exercices. En la seconde olympiade on ajouta un dixième juge ; en la cent troisième, les Éléens se trouvant divisés en douze tribus, on tira un Hellanodice de chacune d’elles ; mais ayant eu du désavantage dans une guerre contre les Arcadiens, et le nombre de leurs tribus se trouvant réduit à huit par la perte d’une partie de leur territoire et des bourgs qui s’y trouvaient situés, ils réduisirent pareillement à huit le nombre des Hellanodices ; cela arriva en la cent quatrième olympiade. En la cent huitième ils revinrent au nombre de dix, qui est demeuré tel jusqu’à présent.

Chapitre IX

 

Source : Pausanias Description de la Grèce, traduction nouvelle avec le texte grec collationné sur les manuscrits de la bibliothèque du roi par M. Clavier, Paris, J.-M. Eberhart, 1821, extraits du Livre V

Notes : les renvois à la ligne ont été ajoutés ici afin de faciliter la lecture.

La traduction intégrale de l’oeuvre de Pausanias est également disponible ICI

 

Stade d’Olympie – Photo : Cécile Dunouhaud, 2014