Les deux inscriptions présentées ici proviennent du sanctuaire panhellénique d’Épidaure en Argolide et peuvent être datées de la fin du IVe siècle avant notre ère.
Elles entrent dans le registre des iamata, c’est à dire des récits de guérison relatifs au dieu-médecin Asclépios (l’Esculape des Romains). Cette documentation épigraphique montre la puissance guérisseuse du dieu qui triomphe de tous les maux : les aveugles ne souffrent plus de cécité, les paralytiques remarchent et une femme enceinte pendant plusieurs années finit même par accoucher !
Les deux courts récits figurant ci-dessous offrent une vue du modus operandi du dieu : le processus d’incubation.
Le suppliant qui s’adresse au dieu s’endort sous un portique, le portique d’incubation et, durant son sommeil, le dieu lui apparaît en songe et délivre le dévot, soit directement de son mal par l’intermédiaire d’une action à caractère médicale, soit en lui donnant un conseil pour recouvrer la santé.
L’athénienne Ambrosia (texte 1) sert d’exemple aux sceptiques, puisqu’elle doute de la véracité des récits de guérisons qu’elle observe à Épidaure mais se trouve toutefois guérie en échange d’un don fait au sanctuaire.
Dans le cas de la lacédémonienne Arata (texte 2), la guérison a même lieu à distance : c’est la mère de cette femme qui vient dormir à Épidaure, qui voit le dieu opérer en rêve sa fille (il lui ôte la tête de façon à la guérir de son hydropisie) et qui, revenue à Sparte, trouve sa fille guérie !
Texte 1 : La guérison d’Ambrosia la borgne (IG, IV 1, 121)
« Ambrosia d’Athènes, borgne. Celle-ci était venue en suppliante auprès du dieu, mais, en se promenant dans le sanctuaire, elle se moquait de certaines guérisons qu’elle trouvait invraisemblables et impossibles: des infirmes et des aveugles avaient été guéris, simplement en faisant un rêve! Or, pendant qu’elle dormait, elle eut une vision : elle crut que le dieu, lui apparaissant, lui disait qu’il la guérirait, mais qu’elle devait consacrer au sanctuaire, en guise de paiement, un porc en argent, en souvenir de son ignorance; après lui avoir dit cela, le dieu lui fendit son oeil malade et y versa un médicament. le jour venu, elle sortit guérie! »
Texte 2: La guérison d’Arata l’hydropique (IG IV 1, 122, 1.1-6)
« Arata, Lacédémonienne, hydropique. Sa mère dormit pour elle, qui se trouvait à Sparte, et eût un rêve: elle crut que le dieu, après avoir coupé la tête de sa fille, suspendait son corps le cou en bas; quand il en fut sorti beaucoup de liquide, il détacha le corps et replaça la tête sur le cou. ayant fait ce rêve, elle retourna à Sparte, où elle trouva sa fille guérie, après avoir fait le même rêve ».
Source: B.Rémy, F.Kayser, Initiation à l’épigraphie grecque, Ellipses, 1999, p.69.