Sous la Troisième République, la question de l’obligation vaccinale pour lutter contre la variole devient un thème récurrent dans les débats parlementaires. En 1882, Jules Ferry tente ainsi d’imposer la double obligation scolaire et vaccinale, en vain. Mais l’idée, selon laquelle seule une loi plus globale reposant sur l’intérêt public qui permettra de vaincre les résistances, fait son chemin.

En 1897, Victor Cornil [1837-1908], médecin, professeur de médecine et sénateur de l’Allier, est rapporteur pour le Sénat d’un projet de loi relatif à la santé publique dont il est un spécialiste.

Après un exposé assez long et chiffré sur les effets des mesures d’hygiène publique et la  nécessité de les généraliser pour lutter contre la propagation des maladies, il finit par revenir sur la question de la vaccination obligatoire dont il est un partisan. Il évoque notamment la question de la liberté individuelle et de l’autorité du père de famille (jugée sacrée par les opposants à la vaccination) confrontées à la santé publique et à l’intérêt commun. Il s’agit alors d’affirmer les droits de la collectivité sur ceux de l’individu.


« […] Et ne croyez pas qu’il s’agisse là d’atteinte portée à la liberté personnelle ! La liberté personnelle n’est pas en jeu ici. Vous n’avez pas le droit de donner à votre voisin une maladie dont il mourra ; vous n’avez pas le droit de communiquer une maladie pestilentielle à toute une cité ou à tout un pays. Il faut évidemment lutter contre cette manière de voir qui prétendrait empêcher une loi de cette importance en se basant sur la liberté individuelle. Nous n’avons pas plus la liberté de propager les maladies épidémiques que nous n’avons celle de condamner nos enfants à une ignorance absolue. Sans cette loi, en effet, les meilleures dispositions des municipalités et de l’État resteraient absolument stériles. On ne peut pas là aujourd’hui vacciner un enfant malgré volonté de ses parents. Et cependant, il est bien certain qu’en vaccinant tous les enfants, on les préserve de la variole dans l’immense majorité des cas. Aujourd’hui, un enfant peut n’être pas vacciné ; son père peut dire : « Je m’oppose à ce qu’il soit vacciné » et il ne le sera pas. On ne l’admettra pas, il est vrai, dans l’école ; on lui refusera l’entrée de certains établissements scolaires ; quand il arrive à l’armée, il est vacciné, un peu par force, par l’autorité militaire ; mais il n’est qu’une partie de la population qui puisse bénéficier d’une telle mesure. Il en est de même, messieurs, pour les déclarations des maladies épidémiques ; il faut que le devoir de les déclarer soit inscrit dans la loi et n’incombe pas seulement au médecin, mais encore aux parents, aux logeurs, aux hôteliers, aux personnes qui ont donné des soins aux malades ».

Source :

Extrait de la 1ère délibération sur le projet de loi relatif à la santé publique, exposé de Victor Cornil, rapporteur de la commission du Sénat, séance du 2 février 1897 , Journal Officiel – Débats parlementaires du Sénat, 1897, p. 74.