Les femmes dans l’Antiquité sont les grandes absentes des jeux panhelléniques. En effet, pour concourir, il faut réunir les trois conditions suivantes : être un homme, libre et grec (sauf grande exception). Par conséquent, les femmes sont donc naturellement exclues des jeux, y compris en tant que spectatrices si elles sont mariées.
Exclues des jeux ? En réalité pas complètement dans la mesure où un concours sportif leur est destiné : les Héraia (τὰ Ἡραῖα / tà Hêraîa) ou jeux Héréens. Ils sont organisés tous les quatre ans, deux semaines après la fin des jeux olympiques, dans le sanctuaire d’Olympie en l’honneur de la déesse Héra, protectrice des femmes et du mariage et épouse divine de Zeus.
Dans le Livre V de sa Description de la Grèce, Pausanias fait référence à cet événement sportif, peut-être fondé vers 580 avant JC, et réservé aux Éléennes. Il en relate les différentes origines mythologiques ainsi que l’organisation globale ainsi que le portrait-type des athlètes féminines.
Il nous reste maintenant à décrire le temple d’Héra et tout ce qu’il renferme de remarquable. Les Éléens disent que ce temple a été fondé par les Scillontiens de l’une des villes de la Triphylie, huit ans tout au plus après l’avènement d’Oxylos au trône de l’Élide. Ce temple est d’architecture dorique, il est entouré de colonnes, et celles de l’Opisthodome sont alternativement de bois de chêne et de marbre. Il a à peu de chose près soixante-trois pieds de long. On ne se souvient pas du nom de l’architecte qui l’a bâti. Seize femmes, choisies à cet effet, font tous les cinq ans un voile pour Héra ; elles sont aussi chargées de faire célébrer les jeux nommés Héraea. Ces jeux sont des courses de jeunes filles qui ne sont pas toutes du même âge : les plus jeunes courent les premières ; on fait ensuite courir celles qui sont plus avancées en âge, et enfin les plus âgées. Elles ont, en courant, les cheveux épars, la robe retroussée un peu au-dessus du genou, et l’épaule droite nue jusqu’au sein. Le stade olympique est aussi destiné à ces courses, mais on le raccourcit environ de la sixième partie. On donne à celles qui ont remporté la victoire une couronne d’olivier et une portion de la vache qu’on sacrifie à Héra ; on leur permet en outre de se faire peindre et de placer leurs portraits dans le temple. Les seize femmes qui président à ces jeux ont un pareil nombre de suivantes destinées à les servir.
On fait remonter ces courses à la plus haute Antiquité : on dit en effet qu’Hippodamie voulant rendre grâces à Héra de son mariage avec Pélops, rassembla seize femmes, et célébra pour la première fois les jeux Héraeens avec elles ; et la tradition rapporte que le prix fut remporté par Chloris, la seule des filles d’Amphion qui eût conservé la vie ; on dit qu’un des fils de ce prince avait aussi survécu, mais on a vu dans la description de l’Argolide tout ce que j’ai pu recueillir sur les enfants de Niobé. Il y a encore une autre tradition sur la réunion de ces seize femmes.
On dit que Démophon, tyran de Pise, accabla de maux infinis les Éléens. Après sa mort, comme les Pisaeens n’avaient eu aucune part aux injustices de leur tyran, les Éléens consentirent à terminer à l’amiable les démêlés qu’ils pouvaient avoir avec eux ; l’Élide se trouvant alors composée de seize villes, on choisit dans chacune, la femme la plus avancée en âge et la plus recommandable par son rang et par sa considération personnelle. Chargées de terminer ces différends, ces femmes rétablirent en effet la paix entre les Éléens et les Pisaeens, et dans la suite on leur confia le soin de présider aux jeux qui se célébraient en l’honneur d’Héra et de préparer le voile de la déesse. Ces seize femmes se forment en deux chœurs, dont l’un porte le nom de Physcoa et l’autre celui d’Hippodamie. Cette Physcoa était, dit-on, de la basse Élide ; la bourgade qu’elle habitait se nommait Orthia. On ajoute que Dionysos avait eu commerce avec elle, et qu’elle en avait eu un fils nommé Narcaeos, qui, lorsqu’il fut devenu grand, fit la guerre aux peuples voisins, devint très puissant ; et qu’après avoir fait bâtir le temple d’Athéna Narcaea il fut le premier qui rendit les honneurs divins à Dionysos. On décerna différents honneurs à Physcoa, et on donna son nom à un de ces chœurs. Les Éléens ont conservé le même nombre de femmes, quoiqu’ils n’aient plus ces seize villes, et comme ils sont divisés en huit tribus, ils en prennent deux dans chacune. Ni les Hellanodices des Éléens, ni ces seize femmes ne font aucune des cérémonies dont ils sont chargés avant de s’être purifiés avec de l’eau, et par le sacrifice d’un porc choisi à cet effet. Ces purifications se font vers la fontaine Piéra, qui se trouve dans la plaine, entre Olympie et Élis. Tout cela se pratique conformément au compte que je viens d’en rendre.
Source : Pausanias Description de la Grèce, traduction nouvelle avec le texte grec collationné sur les manuscrits de la bibliothèque du roi par M. Clavier, Paris, J.-M. Eberhart, 1821, extrait du Livre V, chapitre XV
Notes : les renvois à la ligne ont été ajoutés ici afin de faciliter la lecture.
La traduction intégrale de l’oeuvre de Pausanias est également disponible ICI