Justification d’Hitler

Lettre d’A. Hitler à B. Mussolini, 21 juin 1941.

« L’élimination de la Russie signifie, en même temps, un immense soulagement pour le Japon dans l’Est asiatique, et en conséquence, la possibilité, par l’intervention du Japon, d’une menace beaucoup plus forte sur les activités américaines. Etant donné ces circonstances j’ai décidé de mettre fin à l’attitude hypocrite du Kremlin. (…) Je ne doute pas une seconde que ce ne soit un grand succès. J’espère par dessus tout pouvoir nous assurer une base de ravitaillement en Ukraine.

En conclusion, laissez-moi vous dire encore une chose, Duce. Depuis cette décision, je me sens à nouveau l’esprit libre. L’association avec l’Union soviétique me paraissait à bien des égards en contradiction avec mon origine, mes conceptions et mes obligations antérieures. Je suis maintenant heureux d’être délivré de cette torture mentale. »


Causes d’une nouvelle guerre selon un commentateur suisse, René Payot

« Malgré les documents officiels – ou plutôt à cause d’eux – les milieux bien informés savaient que, depuis huit jours, la guerre entre le Reich et l’U.R.S.S. était inévitable. Il y a quelque temps, une haute personnalité alle­mande avait déclaré que le Reich devait, par n’importe quel moyen, résoudre avant la fin de l’été le problème russe, car la reconstruction de l’Europe ne pouvait pas s’effectuer avec un État dont on n’était pas sûr et que l’utilisation rationnelle des ressources russes était nécessaire pour faire face à la menace américaine. En même temps qu’il poursuivait des conversations d’ordre économique le gouvernement du Reich, inquiet de l’attitude équivoque de l’U.R.S.S., concentrait des troupes tout le long des frontières de l’est. De nom­breuses divisions quittèrent la France à destination de Pologne et de la Prusse orientale ; il y a 15 jours on signalait que le dispositif d’attaque était en place et que le maréchal von Bock, assisté par les généraux von Falkenhorst et Kluge, en assumait la direction. D’autres indices provenant aussi bien de Finlande que de Roumanie confirmaient que le Reich avait négocié avec ces deux États afin de les associer à une action éventuelle et que tous deux désireux de reprendre les territoires qui leur avaient été enlevés, s’étaient hâtés de promettre leur concours. La signature du traité d’amitié germano-turc fut l’acte diplomatique final. Il protégeait le flanc droit du front allemand. Dès lors, on ne douta plus à Ankara que le conflit fût imminent.
Il est l’aboutissement d’une longue série d’incidents qui, malgré le silence gardé par l’Allemagne, marquèrent le refroidissement graduel des relations entre les deux États et amenèrent le Führer à la conviction que Staline, par ses marchandages et ses exigences dans les questions politiques et économiques, ne cherchait qu’à s’assurer des avantages, à renforcer sa puissance et à prolonger la guerre. Le Reich, occupé à d’autres tâches, ne réagit pas, mais le dossier de ses griefs s’accrut. Les Soviets s’approprièrent une partie de la Pologne plus gran­de que celle qui avait été prévue dans les conversations des états-majors : la prise des pays baltes, et principalement de la Lituanie, mécontenta les milieux allemands ; celle de la Bessarabie les fâcha ; la réprimande adressée à la Bulgarie, l’appui moral donné à la Yougoslavie, les exaspéra. Malgré cela, ils continuèrent de garder le silence et les correspondants de Berlin qui parlèrent d’une tension grandissante reçurent de sévères avertissements. Mais il était évident que la politique de l’U.R.S.S. évoluait dans un sens défavorable, impérialiste, et que Staline cherchait à susciter des difficultés au Reich afin de l’empêcher de profiter de ses victoires.
Cela n’a rien d’étonnant, car Staline savait qu’il ne garderait pas ses conquêtes si l’Allemagne gagnait complètement la guerre. Son dessein secret était de favoriser le belligérant le plus faible dans l’espoir d’affaiblir le plus fort et de provoquer ainsi un épuisement général qui l’aurait rendu maître des destins de l’Europe. Il a pratiqué depuis deux ans une politique de balancements calculés qui, en fin de compte, devait se retourner contre lui. L’excès de subtilité l’a perdu. L’Allemagne s’est inquiétée de cette menace latente sur ses frontières orientales et, irritée par les embarras constants qu’elle rencontrait, elle a voulu créer une situation nette.
En 1939, renouvelant la politique bismarckienne, elle avait conclu avec l’U.R.S.S une sorte de traité de réassurance afin d’éviter la guerre sur deux fronts. Le cauchemar des coalitions l’avait déterminée à faire un acte qui, au fond, ne répondait pas aux sentiments intimes du chancelier [Adolf Hitler]. Nous avons toujours pensé que cet arrangement ne pouvait être que temporaire, parce qu’il n’était dicté que par des raisons d’opportunité : le jour devait arriver où, fatalement, sous la pression des motifs permanents, le Reich et l’U.R.S.S. devaient entrer en conflit. Quels que soient les régimes, les intérêts des États ne changent pas. Les pays baltes furent la première zone de friction, les Balkans devaient faire éclater l’antagonisme traditionnel. Le pacte de 1939 avait perdu toute raison d’être ; il n’avait plus d’utilité pour les deux contractants ; il s’était vidé de son contenu. Ce qui apparaissait, en revanche, c’était les germes des disputes qui eurent toujours lieu, lorsque le germanisme et le slavisme se trouvèrent en présence dans le sud-est de l’Europe. Les documents que vient de publier le gouvernement allemand révèlent la lutte sourde et serrée qui se livra dans cette région et les efforts tentés par les Soviets pour miner l’influence du Reich et l’empêcher d’y consolider sa situation économique. (…)

Mais on ne peut isoler l’attaque contre la Russie ; il faut, pour la comprendre, la placer dans le cadre de la guerre qui prend, par la force des choses, un caractère mondial. Exposée à soutenir une très longue lutte, l’Allemagne a besoin de l’appui du continent. Non point dans le domaine militaire, mais dans l’ordre économique. Pour résister, elle doit pouvoir compter sur toutes les ressources de l’Europe, sur ses richesses agricoles et sur sa production industrielle. Dans cet ensemble de pays, l’U.R.S.S. tient une place prépondérante ; or l’U.R.S.S. non seulement n’avait aucun désir de collaborer, mais toute sa politique tendait à contrecarrer le plan germanique. Les Allemands auraient voulu obtenir une meilleure utilisation de ses ressources, la mise en valeur de ses mines et un rendement plus effectif de ses usines. Ils n’ont pu faire admettre leurs suggestions ; et ce fut pour eux une raison de plus de résoudre par les armes un problème qui est d’une importance vitale.
On est à Berlin très exactement informé de la valeur de l’armée soviétique et l’on sait que, malgré sa force numérique, elle n’est pas très grande. La tiédeur de l’appel adressé par Molotoff au peuple russe montre que, dans les milieux dirigeants de l’U.R.S.S., on ne désirait point le déclenchement immédiat des hostilités ; on ne s’attendait pas à une attaque aussi rapide. Staline avait besoin de nombreux mois pour améliorer un instrument qu’il avait lui-même émoussé. Les Allemands espèrent qu’en quelques semaines ils auront atteint leur but ; ils acceptent les inconvénients économiques résultant de l’arrêt des exportations soviétiques parce qu’ils sont persuadés que cette interruption momentanée sera largement compensée par les bénéfices futurs. Ils sont aussi convaincus que, la question soviétique résolue, la situation du Reich sera meilleure et qu’à ce moment il pourra convoquer une conférence de tous les États européens afin de constater la pacification et l’unité du continent. »

René Payot, Journal de Genève, 24 juin 1941, numérisé sur http://www.letempsarchives.ch/, copié en V 2016

Des informations sur l’auteur ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Payot