Incontournable sur les tables de fête, le champagne reste la boisson alcoolisée synonyme de célébration et de fêtes par excellence. Les origines du champagne restent floues tandis que la légende attribue à un certain Dom Pérignon son invention au cours du XVIIème siècle. Depuis, son usage et sa présence sur la table ont été l’objet d’attentions multiples.
Nous vous proposons ici un extrait de l’ouvrage du cuisinier Urbain Dubois, né le à Trets dans les Bouches-du-Rhône, dans une famille modeste.
Après avoir fait son apprentissage au sein de la famille Rothschild sous la direction de Louis Haas, il travaille successivement dans plusieurs établissements parisiens dont le Café Tortoni et le Café Anglais. Puis, en 1855, il quitte Paris pour Varsovie où il sert chez le comte Uruski. En 1856, avec Émile Bernard, également cuisinier à Varsovie, Urbain Dubois publie un premier manuel de cuisine grâce auquel il fait connaître et popularise en France le service dit « à la russe » qu’il adapte. L’ouvrage connaît un tel succès qu’une seconde édition voit le jour en 1876. En parallèle, en 1864, Urbain Dubois rentre au service de Guillaume 1er, roi de Prusse puis empereur d’Allemagne. Mais, en 1870, dans le contexte de la guerre, Urbain Dubois quitte son service pour rentrer en France. C’est à cette occasion qu’il publie en 1871 un autre ouvrage destiné cette fois aux cuisinières, dont est extrait ce texte consacré au champagne.
Il est à remarquer qu’en France, le champagne est rarement servi dans les conditions voulues. Ce vin, par sa nature, exige d’être servi bien froid, c’est-à-dire frappé avec de la glace salée, car ce n’est qu’alors qu’il a subi le contact et l’action de la glace, qu’il donne toutes ses qualités réelles, et qu’on peut en apprécier l’exquise délicatesse.
En quelle occasion qu’on présente le vin de Champagne, il faut donc absolument le faire frapper avec plus ou moins de vigueur, mais du moins toujours le frapper, car offrir du champagne qui n’est pas à la température voulue, ce n’est pas seulement dénaturer un produit excellent, c’est aussi faire bon marché des soins prévenants qu’on doit à ses invités.
Pour frapper le vin de Champagne, la bouteille doit être placée dans un seau dont le fond est masqué d’une couche épaisse de glace concassée et salée, avec la sixième partie de son poids de sel de cuisine, pilé mais pas trop fin. La glace doit arriver aux trois quarts de hauteur de la bouteille : dans ces proportions, le vin se trouve frappé à point au bout de 40 minutes ; il est frappé sans excès.
Les Russes, grands amateurs de Champagne, aiment que le vin soit frappé à ce point où toute sa partie aqueuse se trouve congelée dans la bouteille. C’est un goût particulier qui ne fait pas règle, car en frappant le vin à ce degré extrême, on augmente sa force sans augmenter ses qualités. C’est en doublant la dose du sel qu’on obtient ce résultat. Si le champagne doit être frappé dans les conditions premières, il n’est pas rigoureusement nécessaire de déboucher la bouteille, si au contraire le vin doit être frappé avec excès, il faut absolument la déboucher avant.
Source : Urbain Dubois École des cuisinières, méthodes élémentaires, économiques : cuisine, pâtisserie, office (2ᵉ édition), Paris, Dentu, 1876 pour la seconde édition, pages 598-599


