Combat près du lac Tchad – Afrique
Combats au Kanem (1901).

Nous avons a signaler un engagement malheureux pour nos armes qui a lieu au Kanem le 9 novembre dernier. Le lieutenant-colonel Destenave avait envoyé en reconnaissance, au nord-est du lac Tchad, le capitaine Millot, de l’infanterie coloniale, avec un détachement de 200 hommes. Au cours de cette reconnaissance, le capitaine Millot fut attaqué avec une extrême vigueur par de nombreuses bandes de Senoussis qu’on croyait dispersées depuis la mort de Fad El Allah, fils de Rabah.
Malgré le nombre des assaillants, notre colonne opposait une résistance énergique, la retraite s’effectuait en bon ordre depuis cinq jours déjà, sous le feu de l’ennemi, lorsque arrive a un endroit appelé Mao le capitaine Millot jugea nécessaire de se donner de l’air. Au moment ou il faisait lui-même le coup de feu à l’arrière-garde il fut atteint en pleine poitrine et succomba immédiatement; un tirailleur fut tué à ses cotes, et six blesses furent relevés, parmi lesquels le médecin de la colonne et deux sergents blancs.

Le capitaine Millot, à peine âgé de 35 ans, était le fils du général de ce nom mort en 1887, il avait déjà deux fois fait campagne au Soudan en 1894 et 1896; dans cette dernière expédition, dont le but était l’exploration de la boucle de la Volta, il avait été très grièvement blessé par une flèche empoisonnée. C’est en octobre 1900 qu’il demanda et obtint de faire partie de la mission du lieutenant-colonel Destenave au Chari, ses brillants états de service lui avaient valu la croix de la Légion d’honneur; nous ne pouvons que déplorer la perte d’un officier aussi distingué. Pour perpétuer sa mémoire, le lieutenant-colonel Destenave vient de donner au poste français de N’Gouri (Kanem) le nom de Fort-Millot.

La situation de nos troupes dans le Kanem était depuis quelque temps menacée par les Touareg et les mahdistes qui avaient établi d’importants retranchements à Biramani. Leur attitude devenait d’autant plus agressive qu’ils avaient reçu de sérieux renforts en armes et en munitions. Le colonel Destenave jugea qu’il y avait lieu de prendre contre eux l’offensive et le 20 janvier, il leur livra combat à Biramani. Les retranchements ennemis furent enlevés, l’adversaire battu et dispersé après avoir subi des pertes énormes, tant en hommes qu’en armes (100 fusils à tir rapide et munitions). La poursuite de l’ennemi a été des plus vives, et la mise en fuite des Touareg permet de considérer le Kanem comme dégagé.

Nous avons eu, au cours de cet engagement, à déplorer la mort de M. Pradier, lieutenant de l’infanterie coloniale, et de quatre indigènes. Le lieutenant Avon, des spahis, a eu le bras fracturé. On voit que nos succès ont été chèrement payés, nous avons perdu le lieutenant Pradier, l’un des vaillants officiers de la colonne Destenave, et le lieutenant Avon, fils du général Avon, commandant la 1ere brigade à Lille et membre de notre Comité d’Etudes, a été blessé. Comme le cablogramme adressé par M. Grodet ne contient aucun détail au sujet de cette blessure, nous espérons apprendre bientôt qu’elle ne présente pas trop de gravité et que le blessé est en bonne voie de guérison.

Extrait du « Bulletin de la société de géographie de Lille ». Avril 1902. Rubrique « Bulletin mensuel colonial ».
Auteur: Joseph Michel VILA jose-michel.vila@wanadoo.fr