La joie et l’union

«Frédéric prenait la Maréchale à son bras ; et ils flânaient ensemble dans les rues. Elle se divertissait des rosettes : décorant toutes les boutonnières, des étendards suspendus à toutes les fenêtres, des affiches de toute couleur placardées contre les murailles, et jetait çà et là quelque monnaie dans le tronc pour les blessés établi sur une chaise au milieu de la voie. Puis elle s’attardait devant des caricatures qui représentaient Louis-Philippe en pâtissier, en saltimbanque, en chien, en sangsue […] D’autres fois, c’était un arbre de la liberté qu’on plantait. MM. les ecclésiastiques concouraient à la cérémonie bénissant la République, escortés par des serviteurs à galons d’or ; et la multitude trouvait cela très bien. Le spectacle le plus fréquent était celui des députations de n’importe quoi, allant réclamer quelque chose à l’Hôtel de Ville, car chaque métier, chaque industrie attendait du gouvernement la fin radicale de sa misère. Quelques-uns, il est vrai, se rendaient auprès de lui pour le conseiller, ou le féliciter, ou tout simplement lui faire une petite visite, et voir fonctionner la machine.»

Flaubert, L’éducation sentimentale, 1869.

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