Alexis de Tocqueville se promène dans Paris le 25 février 1848
«Deux choses me frappèrent surtout : la première ce fut le caractère, je ne dirai pas principalement, mais uniquement et exclusivement populaire de la révolution qui venait de s’accomplir. La toute-puissance qu’elle avait donnée au peuple proprement dit, c’est-à-dire aux classes qui travaillent de leurs mains, sur toutes les autres. La seconde, ce fut le peu de passion haineuse et même, à dire vrai, de passions vives quelconques que faisait voir dans ce premier moment le bas peuple devenu tout à coup seul maître de Paris […]
Durant cette journée, je n’aperçus pas dans Paris un seul des anciens agents de la force publique, pas un soldat, pas un gendarme, par un agent de police ; la Garde nationale avait disparu. Le peuple seul portait les armes, gardait les lieux publics, veillait, commandait, punissait […]
[…] il semblait que du choc de la Révolution, la société elle-même eût été réduite en poussière et qu’on eût mis au concours la forme nouvelle qu’on allait donner à l’édifice qu’on allait élever à sa place ; chacun proposait son plan, celui-ci le produisait dans les journaux ; celui-là dans les placards, qui couvrirent bientôt les murs ; cet autre en plein vent, par la parole.»
Extrait de A. de Tocqueville (1805-1859), Souvenirs (op. cit.), in J. Michaud, La formation du monde moderne, Hachette, 1966.
Voir aussi Alexis Clérel, de Tocqueville, Souvenirs, éd. Robert laffont, coll. «Bouquins», 1986, p. 766-769.
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