Il s’agit d’une méthode originale d’analyse géopolitique proposée à des élèves de 4e du Collège de Saussure à Genève (= terminales de Lycée) en avril-mai 2002.

Sommaire

ÉLÉMENTS THÉORIQUES POUR COMPRENDRE UNE SITUATION GÉOPOLITIQUE
OBJECTIFS.
CADRE THÉORIQUE.
MODÈLE D’ANALYSE D’UNE SITUATION GÉOPOLITIQUE
MODÈLE D’ANALYSE D’UNE SITUATION GÉOPOLITIQUE – Résumé (aide-mémoire)
Exemple de sujets géopolitiques actuels en lien avec la question des minorités

ÉLÉMENTS THÉORIQUES POUR COMPRENDRE UNE SITUATION GÉOPOLITIQUE

OBJECTIFS.

–> Exercer une démarche permettant de concevoir, d’analyser et de comprendre une situation géopolitique actuelle telle qu’elle se présente dans un espace géographique donné.

–> Apprendre à traiter une certaine masse d’informations selon un questionnement géographique et historique afin de rendre intelligible cette situation géopolitique.

–> Développer le discernement quant à la qualité des sources d’informations utilisées.

CADRE THÉORIQUE.

–> Une situation géopolitique

C’est un ensemble de relations de pouvoir que des groupes humains tissent entre eux en fonction de leurs représentations et qui s’exprime dans l’espace.

–> Le pouvoir

C’est le contrôle et la domination des hommes et des choses en fonction de représentations, de valeurs, de motivations ou d’intérêts spécifiques.

–> L’acteur

Un acteur existe lorsque plusieurs individus qui partagent les mêmes valeurs ou les mêmes représentations géopolitiques, qui s’identifient aux mêmes référents socio-culturels ou qui visent les mêmes objectifs politiques et économiques, décident de les défendre ensemble en développant une action commune ayant une incidence sur une portion d’espace géographique et les autres acteurs. Autrement dit, on peut appeler acteur tout groupe constitué doté du pouvoir de mettre sa puissance au service de ses représentations.

Suivant les situations rencontrées, un acteur peut se trouver dans des relations de réciprocité ou de domination (dominant/dominé) avec les autres acteurs. Comme les actions peuvent se déployer dans des espaces à diverses échelles, il est nécessaire de faire appel à des niveaux spécifiques d’analyse pour les identifier.

–> Le territoire

Un territoire existe comme représentation mentale d’un groupe humain appelé acteur et comme aménagement spécifique d’un espace. Plus précisément, le territoire est une portion d’espace géographique qui est territorialisée (socialisée) et qui fait l’objet d’une appropriation physique et/ou symbolique. Autrement dit, un territoire a une existence objective et subjective : il est, d’une part, un espace valorisé explicitement donc revendiqué et, d’autre part, le résultat d’actions humaines (aménagement, organisation, exploitation ou mise en valeur). Lorsqu’un espace devient un enjeu pour plusieurs acteurs, il en résulte un territoire qui est le produit de leurs interactions.

–> Les ressources, les aménagements et les populations

Ce sont les éléments du territoire qui conditionnent la portée des actions. Ce sont les enjeux économiques, politique et/ou sociaux-culturels des relations entre les acteurs.

–> Les dimensions spatiales

Une situation géopolitique, outre le territoire directement concerné, s’articule très souvent en dimensions d’étendues variables. Pour reconnaître ces dimensions, il faut mobiliser plusieurs niveaux de lecture. En effet, le choix de la bonne échelle est une condition indispensable pour identifier les éléments qui expliquent la situation.

Nous pouvons retenir les six échelles suivantes : locale (20’000 km2), régionale (200’000 km2), macro-régionale (2’000’000 km2), continentale (20’000’000 km2), intercontinentale et mondiale. Les chiffres ne sont que des indications très approximatives.

–> Les dimensions temporelles

Une situation géopolitique est marquée par des événements ponctuels (crises, guerres, tensions ou phases d’accalmie, conférences, traités de paix) et des changements durables qui s’articulent sur des temps plus ou moins longs. Reconnaître les ruptures, les transformations, les progressions ou les régressions qui marquent les sociétés humaines dans leur histoire sont des indicateurs précieux pour mesurer l’importance des valeurs sur lesquelles se construit l’identité des acteurs, la force de leurs revendications et la nature de leurs stratégies. Comprenons par là que les événements ponctuels ne sont souvent que des catalyseurs de dynamiques de longue durée. Ils ne peuvent pas expliquer à eux seuls la transformation d’une situation géopolitique.

MODÈLE D’ANALYSE D’UNE SITUATION GÉOPOLITIQUE

I. – TERRITOIRE

–> De quel type de territoire s’agit-il ?

Partie d’un État, État, espace inter-étatique, ensemble d’États, espace international.

–> Où se situe-t-il ?

Localisation géographique, voisinage (espaces adjacents), etc.)

–> Quelle est sa configuration présente et passée ?

Espace unifié, émietté, en archipel, enclavé, ouvert, etc.

–> Quelles sont ses dimensions présentes et passées ?

Longueur, largeur, surface.

–> Quelles sont ses caractéristiques géographiques ?

Relief, climat, végétation.

–> Quelles sont les caractéristiques présentes et passées de son peuplement ?

Importance numérique et densité de la population, population concentrée/dispersée.

–> Quelles sont ses ressources disponibles et potentielles ?

Ressources énergétiques, minérales, hydriques, agricoles, végétales, spatiales (espace libre), etc.

–> À quel niveau de développement se situent ses infrastructures et ses équipements ?

Communications, ports, aménagements matériels publiques et privés, industries, etc.

II. – ACTEURS

–> Quels sont les acteurs en présence ?

–> Où vivent-ils et quelle est la taille des groupes ?

Localisation et taille de leur population.

–> Qui sont-ils ?

Valeurs et référents identitaires (identité nationale, ethnique, religieuse, culturelle, linguistique, etc.

–> D’où viennent-ils ?

Formation des groupes et évolution.

–> Quelle est leur situation sociale, économique et politique, présente et passée ?

Conditions sociales, niveau de développement économique, statut politique.

–> Quelles sont les alliances ?

Alliances conjoncturelles (temps courts) et liens structurels (temps longs).

–> Quels sont les camps en présence ?

Acteurs ou groupes d’acteurs qui s’opposent, se combattent.

III. – REVENDICATIONS ET OBJECTIFS

–> Que demandent les acteurs explicitement ?

Revendications, protestations.

–> Que veulent-ils réellement ?

Intentions, projets, souhaits, convoitises.

IV. – ENJEUX TERRITORIAUX

–> Quelles sont les dimensions économiques de la conflictualité ?

Les enjeux matériels : ressources, infrastructures, équipements, activité économique des populations.

–> Quelles sont les dimensions politiques de la conflictualité ?

Les enjeux géostratégiques : contrôle de l’espace et des populations pour se protéger, augmenter sa puissance ou empêcher un autre acteur de s’emparer de cet espace (crêtes de montagnes, cols, détroits, embouchures, sources ou rives des fleuves, etc.).

–> Quelles sont les dimensions humaines de la conflictualité ?

Les enjeux identitaires : le territoire perçu comme référent historique ou lieu d’ancrage ethnique, national, religieux, etc. ; le territoire vécu comme lieu d’ancrage d’un mode de vie, d’une culture, etc.

V. – STRATÉGIES ET ACTIONS

–> Comment les acteurs cherchent-ils à arriver à leurs fins ?

Combat politique (création de rapports de forces dans les négociations, recours aux organisations internationales, etc.) ; usage de la force (actions militaires, guérilla, terrorisme, etc.) ; utilisation et manipulation des médias (information, propagande, fausses justifications, désinformation, etc.).

–> À quelles échelles spatio-temporelles opèrent-ils ?

Grandes échelles et petites échelles (locale, régionale, macro-régionale, continentale, intercontinentale, mondiale) ; temps courts et temps long (court, moyen et long terme).

VI. – ÉVOLUTION ET BILAN DE LA SITUATION

–> Quels sont les changements qui apparaissent ?

Restriction ou augmentation de l’accès aux ressources, reconfiguration spatiale, gains ou pertes territoriales, pertes humaines, destructions matérielles, transformation du mode de vie des acteurs, modifications ou renversements d’alliances, victoire ou défaite politique, aboutissement ou rupture des négociations, etc.

–> Les acteurs ont-ils atteint leurs objectifs ?

–> Quelles difficultés rencontrent-ils ?

–> À cours terme, quel est le futur probable de cette situation ?


MODÈLE D’ANALYSE D’UNE SITUATION GÉOPOLITIQUE – Résumé (aide-mémoire)

I. – TERRITOIRE –> OÙ ? QUAND ?

–> Situation géographique ?

–> Dimensions spatiales ?

–> Caractéristiques physiques et humaines ?

–> Niveau de développement ?

II. – ACTEURS –> QUI ?

–> Acteurs ?

–> Identité ?

–> Situation présente et passée ?

–> Relations ?

III. – REVENDICATIONS ET OBJECTIFS –> QUOI ?

–> Demandes ?

–> Intentions ?

IV. – ENJEUX TERRITORIAUX –> POURQUOI ?

–> Enjeux matériels ?

–> Enjeux géostratégiques ?

–> Enjeux identitaires ?

V. – STRATÉGIES ET ACTIONS –> COMMENT ?

–> Méthodes ?

–> Opérations ?

VI. – ÉVOLUTION ET BILAN –> POURQUOI ? COMMENT ?

–> Changements ?

–> Objectifs atteints ?

–> Difficultés ?

–> Futur probable ?

Exemple de sujets géopolitiques actuels en lien avec la question des minorités

1 Indiens du Chiapas / Mexique

2 Kurdes / Turquie et Irak

3 Tibétains / Chine

4 Tchétchens / Russie

5 Tamoules / Sri Lanka

6 Arménien du Haut-Karabakh / Azerbaïdjan

7 Chypriotes / Turquie et Grèce

8 Timorais / Indonésie

9 Tutsis et Hutus / Rwanda

10 Yorubas / Nigéria

11 Sahraouis / Maroc

12 Mouvements de guérilla en Colombie

13 Basques / Espagne

14 Irlandais / Grande-Bretagne

Chaque sujet est traité par un groupe de 2 élèves. Ceux-ci mènent une recherche de documents sur Internet et recoivent une base textuel sur leur sujet tirée du livre de Balencie, Jean-Marc. De La Grange, Arnaud. 1999 : « Mondes rebelles », Paris : éd. Michalon.
Leur travail a duré 6 semaines à raison de 3 fois 45 minutes par semaine. Ils ont rendu leur analyse sous forme d’un tableau synthétique sur une page A3 qui fut évalué, distribué et discuté en classe.

Cette activité a été conclue sur une épreuve finale écrite qui avait comme sujet la situation géopolitique des Touaregs au Mali et au Niger dans les années 1990.