Roland MARX, , cdrom Encyclopædia Universalis, 3.0
Le siècle des révolutions
L’ère des Stuarts est celle du « siècle des révolutions ». Dans un XVIIe siècle généralement assombri en Europe, l’Angleterre n’a pas connu les misères de l’Empire germanique, ni le destin en dents de scie de la France. On termine au contraire sur un apogée. Mais les Anglais acquièrent alors la réputation du peuple le plus remuant et le plus sanguinaire du Vieux Continent.
Jacques Ier et Charles Ier
Les deux premiers Stuarts, Jacques Ier, de 1603 à 1625, Charles Ier, son fils et successeur, qui périt sur l’échafaud en 1649, ont uni, en leur personne, les trois royaumes d’Irlande, d’Écosse et d’Angleterre. Ils ont été des souverains désireux d’absolutisme et persuadés qu’ils devaient, paternellement, guider leurs sujets dans la politique comme dans l’accomplissement de leurs devoirs religieux. Ils ont échoué à collaborer avec des Parlements dont la docilité est devenue de plus en plus incertaine, au point de persuader Charles Ier de ne plus en convoquer entre 1629 et 1640 (la «tyrannie de onze ans»). Lors des sessions, à l’affirmation hautaine de la prérogative royale (comme en 1610), les parlementaires répondent par une mauvaise volonté évidente à voter des impôts, allant en 1625 jusqu’à dénier à Charles Ier la possibilité de lever librement des droits de douanes sa vie durant, et par l’affirmation de droits: ainsi en 1628, la pétition du Droit, en six articles dus surtout à la plume de John Pym, revendique l’habeas corpus et, pour les députés et lords, le privilège d’autoriser levée et logement des gens de guerre et de voter les taxes fiscales. Depuis 1616, due au juriste Edward Coke, la théorie du «joug normand» fait des libertés une reconquête de droits saxons qu’aucun souverain ne devrait altérer et que devraient protéger tribunaux et Parlement. Impliquée dans ce conflit d’autorité, qui a ses prolongements dans l’administration locale, toute une élite sociale, de la gentry et de la bourgeoisie, se retrouve souvent contre le roi, dont la politique économique et sociale est loin de gagner l’approbation des propriétaires (paternalisme contre les enclosures, faiblesse des ambitions coloniales, distribution-vente de monopoles, de titres, d’offices sans justification). Certains conflits sont hautement symboliques: ainsi la résistance à l’impôt illégal quand, en 1635, le ship-money , taxe destinée à équiper la flotte de guerre, est étendu arbitrairement de quelques ports et régions maritimes à tout le royaume; John Hampden, ancien député, gentleman, se laisse traîner en justice en 1637 plutôt que de payer.
L’évolution religieuse ne favorise pas non plus les souverains. Ceux-ci ont refusé l’un et l’autre de soutenir les puritains: Jacques Ier a repoussé en 1603 la «pétition des mille» (pasteurs), il persécute les sectes «dissidentes», dont le nombre s’accroît de baptistes, d’indépendants, et dont les plus menacées ont le choix entre l’exil en Hollande ou l’émigration vers l’Amérique, à l’instar des voyageurs du Mayflower en 1620; Charles Ier suit l’exemple de son père et, dans les années 1630, conseillé par l’archevêque Laud, multiplie les poursuites, faisant traduire les dissidents pour rébellion devant la Chambre étoilée, suscitant à leur encontre des peines d’emprisonnement, mais aussi d’exposition au pilori et d’essorillement. L’affirmation de plus en plus obstinée de l’autorité spirituelle des évêques conduit même à vouloir étendre le système anglican à l’Écosse, qui y trouve le prétexte d’une révolte en 1638. Dans les villes et ports, sensibles aux idées venues de Hollande, dans une gentry parfois recrutée dans le monde du commerce ou soucieuse de son avenir économique et d’un bon contrôle des sociétés villageoises, les idées séparatistes, le droit à l’autonomie des congrégations ont cheminé; les écrits puritains qui insistent sur la sainteté des individus touchés par la grâce et sauvés par leur foi renforcent l’esprit de résistance. Le catholicisme romain est laminé, réduit à ne représenter que de 2 à 5 p. 100 de la population vers 1630; il n’en continue pas moins de faire peur, d’autant que des conspirations occasionnelles confirment la menace: ainsi la conspiration des Poudres de 1605, où, sous la conduite de Guy Fawkes, des catholiques voulaient faire sauter Westminster, Parlement et roi mêlés; condamnés à toutes sortes de discriminations, les catholiques sont des boucs émissaires permanents: Charles Ier, époux de la catholique Henriette-Marie de France, a rétabli en 1635 les relations diplomatiques avec Rome, son conseiller Laud favorise dans l’Église anglicane un courant laxiste arminien et le retour à des rites romains. D’où des craintes et suspicions qui rassemblent contre le trône nombre de protestants de tous bords, encore irrités par ailleurs par les excessives pressions financières du clergé (dîmes et rentes).
Le marasme économique s’est progressivement installé à partir des années 1610, lié à un climat plus rigoureux, à la perte de marchés, à la concurrence de producteurs d’étoffes étrangers, silésiens notamment, lorsque éclate, sur le continent, la guerre de Trente Ans (1618). Aux rois on reproche de freiner l’individualisme dans les campagnes, de multiplier des monopoles stérilisants, de ne pas pousser activement la lutte sur mer contre les pirates, de ne mener que des actions sporadiques contre les Espagnols alors que les Hollandais se lancent hardiment dans l’aventure coloniale, de prélever trop de taxes et de susciter des embarras aux commerçants par leurs emprunts forcés sur les villes.
La politique extérieure ne permet pas à Jacques ni à Charles de redorer leur blason. Parcimonieux, soucieux de ne pas trop demander à des Parlements, ils sont souvent pacifiques. Leur guerre contre l’Espagne, après 1625, tourne court, l’expédition de La Rochelle au secours des huguenots, sous la direction du favori Buckingham, se termine par un fiasco, l’Angleterre est sur la marge de l’histoire qui se fait en Europe.
Les souverains ont de moins en moins pu compter sur les forces vives de leur nation, quand s’affaiblissait le pouvoir militaire de grands aristocrates: ceux-ci préservent ou reconstituent leur fortune au détriment de leurs anciennes ambitions féodales, mais aussi des forces armées de nature à aider le roi. Le mécontentement n’est pas général vers 1640, mais il est largement répandu dans les groupes de la bourgeoisie et de la gentry, vigoureux là où les mutations socio-économiques suscitent le plus d’anxiété et déstabilisent les vieilles communautés.
La Grande Rébellion (1640-1660)
Sortant de ces tensions, la Grande Rébellion naît immédiatement de la nécessité pour Charles Ier de répondre à la révolte de l’Écosse par l’appel à un Parlement censé lui voter les subsides nécessaires. En 1640, le «Court Parlement», réuni le 13 avril, est dissous dès le 5 mai; le 3 novembre, on est obligé de réunir un nouveau Parlement auquel sa longévité fait donner par l’histoire le surnom de «Long». Au fil des années, le conflit s’étoffe d’idéologies et de mouvements inédits. Jusqu’en janvier 1642, l’affrontement est pacifique. Le Parlement obtient l’exécution de Strafford, l’arrestation de Laud, deux des principaux conseillers du roi, la suppression de la Chambre étoilée et de la Haute Commission, des conseils régionaux, du ship-money. Mais, en présentant à Charles, le 1er décembre 1641, la Grande Remontrance, exposé de griefs et exigence d’un contrôle sur l’exécutif, il rend la rupture inévitable: le 5 janvier suivant, Charles tente de faire arrêter cinq députés, dont Pym et Hampden; ils s’enfuient dans la Cité, qui se révolte et contraint le roi à abandonner sa capitale et à se réfugier à Oxford.
De 1642 à 1645, le conflit tourne à l’affrontement armé, mais est marqué par l’hésitation des armées parlementaires et par une division de fait du pays entre le Sud riche, et ses ports et flottes, et un Nord et un Centre acquis de plus ou moins bon gré au camp royaliste. En 1645, inspiré par l’efficacité du régiment des Côtes de fer de Cromwell à la bataille de Marston Moor (2 juillet 1644), le Parlement organise une armée du Nouveau Modèle, de type suédois, recrutée parmi des protestants déterminés, commandée par des officiers choisis et promus pour leurs mérites, animée par des pasteurs aux armées, véritables commissaires politiques, dotée d’une cavalerie nombreuse; sous le commandement de Fairfax, cette armée remporte la victoire décisive de Naseby (14 juin 1645), et Charles Ier, livré par les Écossais, est le prisonnier du Parlement en avril 1646.
De 1646 à 1649, la révolution se radicalise. Des idéologies plus révolutionnaires se développent, en particulier à Londres et dans l’armée (où existent des conseils élus): les «niveleurs», sous la direction de John Lilburne, songent à une véritable démocratie, sans convaincre, au cours des débats décisifs de Putney, en novembre 1647, les généraux Fairfax, Cromwell et Ireton de confier le gouvernement à la «populace» et risquer ainsi des atteintes à la propriété. Les combats religieux sont aussi fort vifs: ayant adopté le système presbytérien en 1646, à la suite du Covenant passé avec les Écossais en 1643 et des colloques d’une assemblée de Westminster, le Parlement ne réussit pas à imposer son idée d’un nouveau type de monopole religieux, en particulier devant les résistances des «indépendants», dont le poète Milton et Oliver Cromwell lui-même. La solution politique se dessine mal: le roi ne sait pas profiter de la possibilité de négocier que lui confèrent les doutes de la majorité modérée du Parlement, il s’enfuit de l’île de Wight en 1648, relance la guerre, est capturé à nouveau. L’armée, devenue la force principale dans l’État, épure le Parlement, réduisant l’assemblée à un «croupion» (Rump Parliament ), exige et obtient le jugement de Charles Ier. La dignité du souverain, sa fermeté, son exécution le 30 janvier 1649 en font un martyr. La dissolution de la Chambre des lords et la décision de ne pas proclamer roi le fils du défunt entraînent la fin du régime et le passage à la république pendant onze ans d’«interrègne». La République, ou «Commonwealth et État libre», réunit les trois royaumes à la suite de dures expéditions militaires contre les Écossais et surtout les Irlandais, victimes de véritables massacres et dépossédés de beaucoup de terres remises à des colons britanniques (les «plantations»). Le système ne cesse de chercher à se définir. Après le gouvernement du Rump, on assiste en 1653 à la vaine tentative de réunir un «Parlement des saints», composé de puritains déterminés, mais surtout bavards. En décembre, Cromwell se résigne à prendre lui-même le pouvoir avec le titre de lord-protecteur, qu’il refusera constamment d’échanger contre celui de roi, mais qu’il laisse évoluer vers l’hérédité au profit de son fils Richard. Le pouvoir de l’armée rend impossible tout compromis sous la forme d’un recours à des Parlements pour assurer un fonctionnement harmonieux du législatif: ceux qui sont réunis sont promptement dissous. En 1658, la mort d’Oliver enlève au régime son seul élément de stabilité et d’efficacité. Richard, vite découragé, abdique en avril 1659, et l’anarchie militaire s’instaure. Du conflit des généraux, le vainqueur, en 1660, est Monck: il rappelle le Rump, lui fait prononcer la dissolution du Long Parlement dont il était l’émanation, fait convoquer l’ancien Parlement dans ses formes, lords inclus, et, ayant obtenu du prétendant la déclaration de Breda, fait reconnaître, le 1er mai 1660, les droits de Charles II et le retour à la monarchie.
La République a duré assez longtemps pour marquer l’histoire du pays. Déchirée entre «cavaliers», réduits à la défensive, et «têtes rondes» au pouvoir, elle s’est voulue «puritaine»: un ordre moral oppressant s’instaure, accentué par Cromwell, qui partage la vision d’une Angleterre «nouvel Israël»; les théâtres, les cabarets, les maisons de prostitution sont fermés, les danses et certaines distractions (combats de coqs, de chiens et d’ours) interdites, les dimanches réservés strictement à l’adoration divine. Compensation certaine: la tolérance la plus grande est accordée à tous les non-anglicans et non-catholiques; même les juifs sont réadmis en 1655; les sectes prolifèrent, des diggers , ou bêcheurs, auxquels Gerrard Winstanley prêche un communisme agraire et chrétien, aux quakers de George Fox en passant par les plus folles; au point d’obliger l’État à se faire le juge du recrutement des clergés paroissiaux et, en 1657, à encourager à nouveau une Église nationale non obligatoire. Révolution en partie «bourgeoise», elle accorde une pleine liberté d’entreprise, met fin à la féodalité en créant le véritable droit de propriété, met l’État au service des intérêts marchands (Acte de navigation, 1651; efforts coloniaux et acquisition de la Jamaïque, riche en sucre; vente de terres d’Église et dotation foncière à des créanciers et à des soldats en Irlande). L’anarchie finale comporte la leçon durable du refus de remettre un pouvoir politique quelconque à l’armée et de la défiance envers une grande force militaire permanente.
La Restauration
Avec Charles II de 1660 à 1685, puis avec son frère Jacques II d’York, la Restauration brise le carcan de l’ordre moral antérieur et rétablit rapidement le monopole anglican en Angleterre. Les discriminations frappent à nouveau les «non-conformistes», par ailleurs victimes d’une législation dirigée, en 1673 et en 1678, contre les catholiques: les lois du Test interdisent toute fonction publique, élective, parlementaire à celui qui n’aurait pas communié dans l’Église nationale. De même que la loi de 1661 sur les corporations (municipales) avait auparavant interdit l’exercice d’une fonction municipale aux non-anglicans. Charles II, prudent, essaye de faire bon ménage avec un Parlement qui est, un temps, plus royaliste que le roi (Parlement cavalier de 1661), mais se heurte de plus en plus fréquemment à lui: le conflit dit de l’exclusion voit un parti nouveau, les whigs , tenter de faire exclure le catholique Jacques d’York de la succession et, venant après le vote de l’habeas corpus en 1679, cette lutte convainc le roi de ne plus en réunir entre 1681 et 1685. La politique extérieure de Charles lui attire d’autres ennemis, car il est personnellement le client de Louis XIV, et il hésite toujours à prendre franchement parti contre la France, en particulier lors des guerres de Hollande; il a revendu à la France, dès 1662, Dunkerque, acquise par Cromwell en 1658.
Mais le règne de Charles est aussi le temps d’une grande «révolution commerciale», d’un élan maritime qui enrichit considérablement Londres, de valeureux efforts pour reconstruire la capitale après le grand incendie de 1666 selon les plans de l’architecte Christopher Wren, d’une floraison littéraire exceptionnelle avec la renaissance du théâtre où brillent les oeuvres de John Dryden; bien des riches sont satisfaits dont la mentalité apparaît bien dans le journal de Samuel Pepys; l’aristocratie a retrouvé son rôle; au Parlement, un fort parti tory agit contre les whigs en 1680-1681 et soutient la prérogative royale. Charles, qui n’a jamais révélé sa conversion secrète au catholicisme, meurt paisiblement. Son frère Jacques anéantit aisément la rébellion du prétendant protestant Monmouth, essaye un temps de s’entendre avec le Parlement, mais commet trop d’erreurs. Il mécontente les notables locaux en privant un grand nombre d’entre eux des fonctions de juge de paix, il s’efforce de se doter d’une armée permanente ouverte aux catholiques, multiplie à nouveau les monopoles injustifiés, a la maladresse, quand l’Angleterre protestante entière vit le drame voisin de la France, où l’on révoque l’édit de Nantes, de vouloir favoriser les catholiques: deux Déclarations d’indulgence, en 1687 et 1688, veulent leur rendre leurs droits civiques; la résistance est forte; des évêques, arrêtés sur l’ordre du roi, sont acquittés par un jury. Tories et whigs, anglicans et puritains font cause commune. Quand est annoncée, en juin 1688, la naissance d’un prince héritier immédiatement baptisé dans la foi romaine, la révolution se profile.
La Glorieuse Révolution
La « Glorieuse Révolution » naît d’une conspiration d’aristocrates et d’évêques, de leur appel à un prince étranger, Guillaume d’Orange, gendre de Jacques, qui débarque ses troupes à Torbay, dans le Devon, le 7 novembre 1688, et de la prompte désertion de la plupart des soutiens escomptés du roi. Celui-ci, arrêté, s’enfuit en France, laissant le champ libre à Guillaume: on convoque (illégalement) un Parlement, qui assimile le départ de Jacques à une abdication, adopte une Déclaration des droits qui devient le fondement de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif, proclame Guillaume (III) et Marie (II) roi et reine d’Angleterre à égalité de pouvoirs (23 février) et résout le problème religieux par l’Acte de tolérance, conférant aux protestants seuls la liberté de culte… tout en maintenant les lois du Test et la loi sur les corporations. Courte et peu sanglante, la révolution est d’autant plus populaire dans la mémoire anglaise qu’elle a eu un idéologue de génie en John Locke, qui définit en 1690 les théories du contrat, de la souveraineté populaire, des droits naturels des hommes. Seule l’Irlande, où les «jacobites» trouvent un terrain favorable, est en marge: la guerre y sévit en 1690-1691 et Guillaume doit y remporter les victoires décisives de Londonderry et de la Boyne avant d’imposer le traité de Limerick, tous événements aujourd’hui encore commémorés de manière opposée par les communautés catholiques et protestantes de l’île d’Érin. La révolution est aussi glorieuse parce qu’elle ouvre une période de plus de vingt ans d’expansion et de grandeur internationale.
Les derniers Stuarts
Le temps des Stuarts est encore, en effet, celui de Marie (morte en 1694), de Guillaume, qui lui survit jusqu’en 1702, d’Anne, jusqu’en 1714. Sous leur règne, les libertés anglaises se consolident (loi de 1693 pour la convocation obligatoire d’un nouveau Parlement tous les trois ans au moins; Acte d’établissement de 1701 exigeant un souverain protestant sur le trône), l’union avec l’Écosse est réalisée par l’Acte de 1707. Whigs et tories se disputent tour à tour le pouvoir, mais les luttes se déroulent davantage entre les clans familiaux qu’entre des partis organisés. L’ombre de Jacques II et de ses successeurs plane, faisant soupçonner à plusieurs reprises les tories de sympathies jacobites. Mais, au temps des guerres, ce sont tantôt les intérêts marchands, favorables à l’expansion maritime, tantôt les plaintes des propriétaires du sol, victimes de l’effort fiscal et plus pacifistes, qui dominent. L’attachement des tories à la prérogative royale leur vaut des faveurs et un pouvoir que les whigs, pourtant partisans des libertés et de la tolérance, se voient dénier en raison aussi de leurs ambitions personnelles et de leur avidité. Les grandes victoires sur Louis XIV et Philippe V d’Espagne, en particulier celles de Marlborough sous la reine Anne, les conquêtes et acquisitions coloniales (dont Gibraltar) et, en 1713, le victorieux traité d’Utrecht, qui donne à l’Angleterre d’immenses avantages dans l’Amérique espagnole, valent une popularité considérable à la monarchie.
Le temps des derniers Stuarts a été la suite aussi de l’essor économique amorcé sous la Restauration, le moment du développement bancaire avec la création, en 1694, de la Banque d’Angleterre, l’époque des grandes entreprises commerciales individuelles ou collectives (Compagnie des mers du Sud, 1711). Les intérêts financiers peuvent ainsi accepter la domination politique continue de l’aristocratie foncière. La pauvreté reste grande, qui aurait affecté, selon les calculs de Gregory King pour 1688, la moitié des cinq millions d’Anglais; la charité individuelle est en baisse, l’assistance publique en accusation, malgré ou à cause de l’apparition des premiers asiles de pauvres. L’atmosphère générale demeure optimiste, marquée aussi par un mouvement intellectuel vigoureux; Henry Purcell, mort en 1695, a été le plus brillant des compositeurs. À côté de Locke, l’autre grand génie mondial est le savant Isaac Newton, bénéficiaire en partie de recherches astronomiques menées en particulier par Edmund Halley, et parfois dans le cadre de l’observatoire de Greenwich fondé en 1676. Le tout sur fond d’apaisement des conflits religieux, de déclin du non-conformisme, abandonné par les élites sociales, du recul décisif des presbytériens, de l’essor relatif des baptistes et quakers, de la croissance des unitariens, qui, en rejetant le dogme de la Trinité, s’affirment de leur temps, qui est celui du rationalisme.
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