Alliance des Trois Cantons avec Lucerne, 7 novembre 1332.

Un intérêt économique commun rapprochait la ville principale des bords du Lac des Quatre-Cantons et les Waldstätten. De plus un parti bourgeois dans la cité souhaitait sortir du giron des Habsbourg. Ainsi fut conclu cette alliance perpétuelle, quoique, dans l’immédiat, Lucerne resta sujette des Habsbourg.

« Au nom de Dieu, amen ! Comme la nature humaine est faible et éphémère, il arrive que ce qui devrait être durable et perpétuel est bientôt facilement livré à l’oubli. C’est pourquoi il est utile et nécessaire que les choses qui sont établies pour la paix, l’utilité, la commodité et l’honneur des hommes, soient mises par écrit et rendues publiques par des actes authentiques. Ainsi nous tous, Schultheiss [avoyer du Lucerne], conseils [assemblée des bourgeois], bourgeois de Lucerne, en commun, habitants d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald, faisons savoir à tous ceux qui liront ou entendront cette charte que, prévoyant et attendant des temps difficiles et rigoureux, et afin de pouvoir mieux jouir de la liberté et du repos, protéger et conserver nos corps et nos biens, nous nous sommes mutuellement promis, de bonne foi, et par serment, de nous assister à jamais de nos conseils, de nos secours et de nos biens, selon tous les droits et tous les devoirs, tels qu’ils sont inscrits ci-dessous.

Premièrement, nous avons, nous précités de Lucerne, d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald, réservé nous-mêmes les droits concernant notre sérénissime seigneur, l’Empereur (1) (et ceux concernant) le Saint Empire Romain, droits que nous devons leur reconnaître selon une antique et bonne coutume. Ensuite, nous, précités de Lucerne, avons réservé pour notre ville et pour les conseils, toutes leurs juridictions et toutes leurs bonnes coutumes envers les bourgeois et envers les étrangers, telles que nous les avons reçues des anciens temps. Nous, précités d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald, réservons également pour nous-mêmes et chacun des « cantons forestiers », dans leur « marche » et leurs frontières, leurs juridictions et leurs bonnes coutumes comme nous les avons reçues des anciens temps. Nous, précités, bourgeois de Lucerne, envers les « Waldleute » et nous, précités, habitants d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald, envers les bourgeois de Lucerne, seront satisfaits de ces droits précités, sans réserve.

S’il arrivait, ce qu’à Dieu ne plaise, que quelqu’un nous contraignît, attaquât ou causât du dommage à l’intérieur ou à l’extérieur, à ce sujet, ceux qui seront endommagés doivent le reconnaître sous serment, si on leur a fait tort et, si la majorité d’entre eux reconnaît qu’ils ont subi un tort, ils doivent sommer [demander l’aide] les autres ; nous, citoyens de Lucerne, sommerons les « Waldleute » , et chaque « canton forestier » en particulier et nous « Waldleute » et chaque « canton forestier » en particulier sommerons les bourgeois de Lucerne. En outre, nous, les bourgeois de Lucerne et nous tous, nous devons nous aider les uns les autres contre les seigneurs et tout le monde avec nos corps et nos biens. Nous, citoyens de Lucerne, devons assister les « Waldleute » et nous, « Waldleute », devons assister les bourgeois de Lucerne, à nos frais, en tout bien et toute fidélité, sans réserve. Si une contestation ou une guerre s’élevait ou se produisait parmi nous, Confédérés précités, alors les plus sages et les meilleurs parmi nous devraient venir apaiser la querelle et les contestations, et les terminer à l’amiable ou selon le droit; si une partie s’y refuse, les Confédérés doivent aider l’autre partie, à l’amiable ou selon le droit, et en défaveur de la partie qui a désobéi. Dans le cas où les trois cantons auraient des querelles entre eux, et que deux d’entre eux seraient d’accord, nous devrions nous aussi, citoyens de Lucerne, aider ces deux cantons, nous joindre à eux et nous devrions aider et influencer le troisième canton pour qu’il tombe d’accord avec les deux autres, pourvu que nous, citoyens précités de Lucerne, n’y trouvions rien qui, selon l’avis des deux autres, soit meilleur et plus raisonnable. Nous sommes tous d’accord pour que ni nous, bourgeois précités de Lucerne, ne soyons mis en gage pour les campagnards précités d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald – ni nous, campagnards précités – pour les citoyens de Lucerne, et que personne parmi nous, Confédérés précités, ne s’allie par des serments particuliers ou des promesses particulières, à personne ni à l’intérieur ni à l’extérieur sans que les Confédérés tous ensemble le veuillent et le sachent. Aucun Confédéré parmi nous ne doit en « saisir » un autre pourvu qu’il ne soit caution ou du moins qu’il le fasse après sentence ou jugement. Si un Confédéré en résistant à la sentence ou en désobéissant, causait ainsi du tort à un autre par sa désobéissance, il devrait être forcé par les autres Confédérés à réparer le tort causé.

Si l’un des Confédérés est condamné à mort par la sentence du tribunal, et si cela est annoncé à l’autre tribunal, par lettre patente et cachetée, du canton ou de la ville de Lucerne, on devra, selon le même droit, publier la sentence de la même manière, et celui qui donnerait l’hospitalité, à boire ou à manger au condamné, celui-là encourrait la même peine, sauf qu’il ne perdrait pas la vie, sans réserve. Enfin, nous sommes unanimement d’accord pour que celui des Confédérés qui n’observerait pas ces choses précitées, en tout ou en partie ou enfreindrait ces lois, soit reconnu parjure et infidèle sans réserve, afin que tout cela, en tout et en partie reste inébranlable et inviolé par nous tous et par chacun de nous, et telles qu’elles sont expressément expliquées ci-dessus, nous avons pour cela, nous avoyer, Conseils, et citoyens de Lucerne, appendu le sceau de notre Communauté et chacun des cantons précités, son sceau particulier à cette charte en vrai et authehtique témoignage des choses précitées.

Donné à Lucerne, au samedi avant la St-Martin, de l’année treize cent trente-deuxième après la naissance du Sauveur. » [7 novembre 1332]

Antoine Castell, Les chartes fédérales de Schwyz, Einsiedeln, 1938, pp. 53-56.

Note 1 – Problème de traduction : le texte original en allemand dit « dien hochgebornen unsern herren, dien herzogen von Österrich » « notre seigneur bien-né, le duc d’Autriche » qui est un Habsbourg, Albert II le Sage, et non l’Empereur, Louis IV de Bavière. Aurait-on voulu dans cette ancienne traduction occulté l’importance des Habsbourg à Lucerne ? Cette hypothèse nous semble plausible.
Patrice Delpin

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Alliance avec Zurich (1er mai 1351)

A la suite d’une révolution interne, le chevalier Rodolphe Brun devient en 1336 bourgmestre à vie de la puissante cité zurichoise avec l’appui des corporations. Mais ces adversaires le harcelaient et en appelaient aux Habsbourg, dont les territoires encerclaient la cité (rappelons que les Habsbourg sont originaires de l’Argovie toute proche). Finalement, après avoir ménagé les Habsbourg, Rodolphe Brun se rapprocha des 4 Cantons et signa cette alliance perpétuelle, tout en se réservant le droit de conclure d’autres alliances. En automne, la guerre éclata et Zurich avec l’aide de ses nouveaux alliés soutint victorieusement un siège imposé par le duc Albert d’Autriche.

« Au nom de Dieu, amen ! Nous, bourgmestre, conseils et bourgeois de la ville de Zurich, nous tous, Schultheiss, conseils et bourgeois de la ville de Lucerne, nous tous ammann et habitants des pays d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald, faisons savoir (…) que nous avons convenu et que nous nous sommes promis une alliance et une amitié perpétuelles (…).

(…) Aucun laïque de cette alliance ne doit en citer un autre pour une dette d’argent devant un tribunal ecclésiastique, mais chacun doit citer les autres à l’endroit, selon le droit et devant le tribunal du lieu où l’accusé est domicilié, et auxquels il appartient. (…)

Ensemble, nous avons nous-mêmes réservé et convenu que si tous, ou une de nos villes ou l’un de nos pays voulions nous unir et nous protéger en nous alliant à des seigneurs ou des villes, nous pouvons le faire, à condition cependant que nous conservions éternellement toujours et solidement cette alliance avec tout ce qu’elle contient et tout ce qui y est écrit. Si quelqu’un devait porter atteinte ou préjudice au seigneur Rodolphe Brun qui est maintenant bourgmestre de Zurich, ou à celui qui sera bourgmestre, aux conseils, aux corporations, ou aux bourgeois de cette ville, ou porter préjudice à leurs tribunaux, à leurs corporations, à leurs lois, tels qu’ils les ont faits et tels qu’ils sont compris dans cette alliance, et que nous, précités de Lucerne, d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald, soyons requis à cause de cela (…), nous devons, sans retard et selon notre serment, les aider et les conseiller afin que bourgmestre, corporations et Conseils restent au pouvoir (…). Nous, précités de Zurich, avons nous-mêmes réservé et excepté les services que nous devons à notre maître le roi et au Saint-Empire romain, selon une antique et louable habitude. (…) Nous précités de Lucerne, Uri, Schwytz et Unterwald, nous avons nous-mêmes excepté les promesses et les alliances que nous avons faites autrefois entre nous et qui doivent aussi passer avant cette alliance-ci. Nous avons aussi réservé et excepté les services que nous devons rendre à notre sérénissime seigneur le roi, et au Saint-Empire, selon une antique et louable habitude. (…) »

Antoine Castell, Les chartes fédérales de Schwyz, Einsiedeln, 1938, pp. 61, 65-67.

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Alliance avec Glaris (4 juin 1352)

Au cours de la guerre (hiver 1351), les Confédérés occupèrent Glaris et Zoug qui étaient soumis aux Habsbourg. La communauté paysanne de Glaris, très proche des Waldstätten, s’allia facilement à eux, mais pas à égalité de droits puisque Glaris devait aider ses alliés sans réserve, alors que ceux-ci décideront s’ils veulent aider Glaris en cas de besoin. Une alliance, sur pied d’égalité, fut aussi faite avec Zoug, petite cité sur la route de Schwytz à Zurich. En 1355, la paix avec les Habsbourg fut signée et Glaris et Zoug furent rendues. Zoug reprit sa place dans la Confédération en 1365 et Glaris en 1388.

« Au nom de Dieu, amen ! Moi, Rodolphe Brun, chevalier, bourgmestre, et nous, conseils et bourgeois de la ville de Zurich, moi Jean d’Attingenhusen, chevalier, landammann, et nous les habitants d’Uri, et nous les magistrats et habitants de Schwytz et d’Unterwald, des deux côtés de la forêt de Kerns, et nous ammann et habitants de Glaris, faisons connaître à tous ceux qui verront cette lettre et l’entendront lire, que, en raison du grand besoin que nous en avons, et pour une paix heureuse de toutes les villes et pays et pour la sécurité et la protection de nos corps et de nos biens, nous avons conclu ensemble, promis et juré une alliance éternelle et une amitié fidèle pour nous aider les uns les autres, et nous conseiller selon les chapitres et les articles qui sont écrits ci-après.

Nous stipulons d’abord, nous de Zurich, Uri, Schwytz et Unterwald que si quelqu’un cause illégalement aux habitants de Glaris, à l’un des leurs, à l’intérieur de leur marche , un dommage, une destruction ou une attaque dans leurs corps ou dans leurs biens, ils doivent se déclarer là-dessus par serment et si dans leur conseil l’unanimité ou la majorité déclare avoir besoin d’aide, ils doivent nous requérir par des lettres, des messages dignes de foi aux Conseils de nos villes et de nos pays. Et si nous étions requis par vous, nous devons vous aider sans retard dans votre marche , avec nos corps, nos biens, et à nos frais, jusqu’à ce que le dommage illégalement causé soit réparé. Si un dommage ou une attaque les atteint subitement, nous devons sans retard et sans avoir été requis leur envoyer un secours honorable, selon notre possibilité, les aider avec nos corps, nos biens, et les conseiller jusqu’à ce que le tort soit complètement réparé, sans réserve. Si les Confédérés de Zurich, Uri, Schwytz et Unterwald estiment tous ensemble, à la majorité, et sous serment que cette plainte ou cette affaire pour laquelle nous avons été requis est injuste et déloyale, ils doivent là-dessus nous obéir sans retard, afin qu’eux et nous ne soyons pas amenés à une grande guerre et à de grands frais pour une mauvaise et injuste affaire.

En compensation, nous tous, ammann et gens de Glaris, nous promettons et jurons par serment que si quelque dommage ou attaque illégale arrivait à nos Confédérés précités de Zurich, Uri, Schwytz et Unterwald, à tous ou à l’un d’eux, dans leurs corps ou dans leurs biens, et que nous en ayons été requis par des messagers ou des lettres de la ville ou des pays où l’attaque s’est produite, après que les Conseils ou la communauté de la ville ou du pays se sont reconnus par serment de l’unanimité ou de la majorité, avoir besoin de nous requérir, nous voulons leur envoyer sans retard un secours honorable, les aider de nos corps et de nos biens, et les conseiller dans tous les lieux d’où ils nous ont requis, jusqu’à ce que cette attaque et ce dommage, à cause desquels ils ont réclamé notre secours, aient été réparés, et ces services et ces secours nous devons les rendre à nos propres frais et sans réserve. Si une attaque subite devait arriver, et qu’un secours immédiat était nécessaire, nous devons aussi sans retard et sans avoir été requis, selon le serment que nous avons juré, leur envoyer notre secours, les assister de nos corps et de nos biens, en toute diligence, jusqu’à ce que le dommage soit réparé et l’attaque éloignée. Nous avons aussi convenu que nous, gens de Glaris précités, nous ne devons nous fortifier d’aucune façon, par des alliances ni maintenant ni plus tard, ni avec des seigneurs, ni avec des villes, ni avec des pays, à moins que ce soit avec le consentement des Confédérés précités de Zurich, Uri, Schwytz et Unterwald, le sachant et le voulant. Mais, ceux-ci, nos Confédérés, tous ensemble ou en particulier, peuvent à l’avenir se fortifier par des alliances avec qui ils veulent, et nous ne devons pas les en empêcher, nous de Glaris, maintenant ou plus tard, en aucune façon, sans réserve. Et celui avec qui ils s’allient, nous devons aussi nous allier avec lui, sans réserve, et sans opposition, dans le cas où ils exigeraient cela de notre part, sans réserve. Si, nous précités Confédérés de Zurich, Uri, Schwytz et Unterwald, nous avons convenu unanimement de marcher pour assiéger une ville ou une forteresse, et que nous ayons requis nos Confédérés de Glaris, nous devons supporter notre part des dommages et des frais causés par cette entreprise et ses participants, sans réserve. Dans le cas où nous, gens de Glaris, en arrivions à un conflit, pour une cause quelconque, avec nos Confédérés précités, nous devons nous réunir en diète à Einsiedeln et liquider l’affaire selon les articles et les conditions, comme nos Confédérés l’ont prescrit dans leurs vieilles alliances entre eux. Si, nous de Glaris, en venions à une querelle avec l’un des Confédérés précités, en particulier, nous devons aussi nous réunir à ce sujet en diète avec ceux de Zurich à Pfäffikon, au bord du lac de Zurich, avec ceux de Schwytz au Bergern (Pragel), avec ceux d’Uri à Merchern (Urnerboden), avec ceux d’Unterwald à Brunnen. Et les autres Confédérés doivent avoir tout pouvoir pour trancher les conflits que nous pouvons avoir avec l’un d’eux. Et nous, gens de Glaris et ceux qui sont en conflit avec nous, doivent se soumettre, sans réserve, à la sentence qu’ils auront prononcée à l’unanimité ou à la majorité, à l’amiable ou selon le droit, et dont les deux parties auront eu connaissance, sans réserve, et ainsi nous devons nous laisser empêcher de faire la guerre. (…) »

Antoine Castell , Les chartes fédérales de Schwyz, Einsiedeln, 1938, pp. 70-73.

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Le 6 mars 1353, Berne, puissante cité du plateau suisse, scelle une alliance perpétuelle avec les trois Waldstätten, les deux partis se réservant leurs anciennes alliances et le droit d’en faire de nouvelles. En fait il s’agit du renouvellement d’une alliance entre eux de 1323. En 1339 déjà, les Waldstätten avaient secouru Berne, attaqué par une vaste coalition , à la bataille victorieuse de Laupen.
Traditionnellement, on date de 1353 la formation de la Confédération des 8 Cantons. Les « trois pays », surtout Schwytz, formaient le centre indispensable de ce réseau d’alliances. C’est pour cette raison que le nom de « Schwyz » ou « Schweiz » (en allemand, donnant Suisse en français bien plus tard) fut appliqué au territoire confédéré.
En 1361, l’empereur Charles IV, de la famille de Luxembourg ennemie des Habsbourg, conclut un pacte avec Zurich qui dit expressément que les alliances entre Zurich, Berne, Lucerne, Uri, Schwytz et Unterwald doivent passer avant la sienne. Ainsi l’empereur approuve ces liens confédéraux.

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