Face aux rumeurs persistantes qui circulent en Allemagne quant au sort des Juifs à l’Est, la Chancellerie du Reich prend pour la première fois position en octobre 1942. Le texte est adressé sous forme de lettre aux Gauleiters et aux Kreisleiters. La lettre ne dément pas les rumeurs et tend plutôt à justifier les massacres en cours.
« Dans le cours des travaux de la Solution finale de la question juive, on entend depuis peu dans la population de diverses régions du Reich des déflexions sur les « mesures très dures » contre les Juifs, en particulier dans les territoires de l’Est. Il a été établi que de tels récits ont été rapportés, la plupart sous une forme dénaturée et exagérée, par des permissionnaires des diverses unités déployées à l’Est qui ont eux-mêmes eu l’occasion d’observer de telles mesures.
On peut penser que tous nos compatriotes ne sont pas à même de faire preuve de la compréhension suffisante quant à la nécessité de telles mesures, en particulier la partie de la population qui n’a pas eu l’occasion de voir par elle-même le spectacle des horreurs bolcheviques. (…) Puisque la prochaine génération n’aura plus de contact avec cette question et ne pourra plus la considérer avec assez de clarté en se fondant sur les expériences passées, et que l’affaire en cours tend vers un assainissement, c’est à la génération actuelle qu’il revient de régler le problème dans son ensemble. Par conséquent, l’expulsion totale, voire l’élimination des millions de Juifs installés dans l’espace économique européen est un commandement incontournable dans la lutte pour garantir l’existence du peuple allemand.
En commençant par le territoire du Reich, puis en passant aux pays européens impliqués dans la Solution finale, les Juifs sont transportés actuellement dans de grands camps, certains déjà disponibles, d’autres restant à construire, d’où ils sont soit mis au travail, soit déplacés encore plus loin à l’Est. Les Juifs âgés ainsi que ceux présentant de hautes distinctions militaires (…) sont actuellement réimplantés dans la ville de Theresienstadt, dans le Protectorat de Bohême-Moravie. Il est dans la nature des choses que ces problèmes parfois difficiles puissent être réglés avec une impitoyable dureté dans l’intérêt de la sécurité définitive de notre peuple. »
Cité par Peter Longerich. « Nous ne savions pas. » Les Allemands et la Solution finale. 1933-1945. Paris, Editions Héloïse d’Ormesson, 2008, pp. 328.