Deux extraits des déclarations faites par les capitaines, enquêtes, certificats, attestations, pour accidents survenus en mer : retards, escales forcées, tempêtes, avaries, poursuites ou attaque par les corsaires, jet de marchandises en mer, bris et naufrages, vols, échouements, etc.
12 JUILLET 1742: Attaque, par un vaisseau anglais armé de 54 pièces de canons, de la tartane, polacre ou pinque « St-Jean-Baptiste », devant Palamos.
Equipage : François Ostruy (52 ans), d’Agde, premier patron « depuis plus de 20 ans reçu au grand cabotage »; Jean Reynaud, d’Agde, second patron, propriétaire du bâtiment; Jean Alliès, 29 ans, écrivain ; Antoine Laurent, 20 ans, contremaître; Raymond Alliès, 22 ans; Louis Monginon, 23 ans; Guillaume Cassen, 25 ans; Bernard Lombard, 27 ans, et 6 autres , tous d’Agde.
Cargaison : 180 pièces de dentelles de fil, 14 caisses de soie et de vin muscat, 4 caisses de vin rouge, 10 caisses de cartes espagnoles à jouer, 12 paires de bas de soie, 1 jupon brodé « en or en bas », etc.
Itinéraire : « Le 8 juillet, un vaisseau portant pavillon d’Angleterre, qu’on disoit estre dans le port de Cadaquès, l’a prise dans le port de palamos en Espagne après avoir tiré sur elle plusieurs coups de canon, et fait plusieurs décharges de mousqueterie, ce qui a obligé le patron et son équipage de se sauver en terre et d’abandonner le bâtiment et la cargaison, même leurs hardes, n’ayant pu emporter ny marchandise ni aucun papiers. Une bordée de canon à boulets, la chaloupe et le canot du bâtiment s’approchent, et luy ayant demandé qui ils étoient, ils n’eurent pour toute réponse que 3 décharges de fusils à bale de 80 hommes ou environ qui montaient lesdites chaloupes et canot ; rentré dans le port de palamos où ils croyaient estre en seuretté, un des consuls ou regidors de lad. ville portant son chaperon vint à son bord et luy déclara qu’il ne voulait point qu’il restat dans le port, où il auroit peu estre à l’abry du canon, ce qui l’obligea de sortir du port et de se tenir au large à cause des menaces dud. consul et des gens qui l’accompagnoient, qui amarrèrent même son bâtiment à la plage. Dès que son battiment fut amarré à lad. plage, il vit venir à luy le vaisseau qui l’avoit attaqué et 3 battiments à rames, avec double équipage : ledit vaisseau se posta à la portée de demy coup de canon à la traverse, pour defendre les 3 battiments à rame qui venoient à bord ». Finalement, il abandonne son navire à la nage, avec son équipage, sous les fusils, et gagne le lendemain, en barque de pêche, le port de Collioure.
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23 AOUT 1754 : Capture, par un corsaire salétin sur les côtes de Barbarie de la tartane « St-Antoine-de-Padoue » du patron François Joly, 41 ans, de Collioure.
Equipage : Ant. Gerbal, 24 ans, écrivain ; Laur. Coste, 50 ans; Vincent Frances, 48 ans; Joseph Anquine, 30 ans; Laurent Coste, 14 ans, tous de Collioure; Jos. Cabainnes, 40 ans; Barthélemy Remus, 20 ans; Raimond Cabainnes, 10 ans, mousse, tous Catalans, restés à Oran; J.-B. Lance, 30 ans, Catalan.
Intéressés : Pierre Aragon, directeur des vivres pour les troupes d’Oran (ou de Carthagène).
Cargaison : blé de Carthagène.
Itinéraire : « Le 16 mai, avoit fait voile du port de Collioure à droiture pour Cartagène avec J. Cabagnes, sobrecarg. Où il aboit chargé 1600 faucques de bled pour porter à Oran à la consignation de Pierre Aragon, directeur des vivres pour les troupes au cette place. Fait voile le 27 juin dernier pour la cotte de Barbarie et directement pour la plage d’Aragon, ribière de Tremessen, pour y faire un chargement de bled ou d’autres danrées du même pais et se rendre ensuitte dans son département, où ayant jetté l’ancre, 3 jours après ils avoient veu benir sur eux une galiote portant pavillon d’Alger, armée d’enbiron 90 h. d’équipage, de sorte que se méfiant que ce ne fut quelque galiote de Salé, comme en effet elles étoit de Tétouan. Cabagnes, sobrecarg, avoit dit, en voyant la galiote : allons pescher pour porter et donner au cay quelque poisson qu’il m’a demandé pour envoyer au Bey, et, s’étant embarqués dans la chaloupe et séparés de la tartane, ledit Capitaine Joli avoit crié et dit à luy de retourner incessamment et sans perdre de tems à bord de la tartane s’ils voyoient que la galiote tournait de bord du cotté des terres ; où étant arrivés, il étoit monté sur une hauteur pour voir et observer le mouvement de la galiote, tandisque les mariniers étoient à la pesche ; qu’environ 1 h. et demi après ayant veu et reconnu que la galiote tournoit de bord, il étoit descendu de la montagne et avoit appellé les matelots, étant allé avec eux chez le gouverneur ou cay, tant pour luy porter partie du poisson qu’ils avoient pris que pour savoir de luy ce qu’ils devoient faire et observer ; que ledit gouverneur leur avoit dit de retourner incessamment et sans perdre de temps à bord de la tartane et de s’approcher avec elle le plus près de terre, qu’il leur seroit possible, et du moins de sauver leur fonds et tout ce qu’ils pourroient emprter avec la chaloupe. Qu’en attendant il alloit envoyer des Mores à bord du bâtiment pour le défendre en cas que ce fussent des Salétins. Luy déclarant, avec tout son équipage, s’étoient sauvés à terre avec la chaloupe, emportant avec eux en argent comptant le fonds qui devoit servir pour l’achat du chargement, où étant arrivés, le cay ou gouverneur du lieu les avoit très bien reçus et mis sous sa protection ; que dans même instant, ledit cay ayant pris la chaloupe d’un vaisseau anglois qui se trouvait à la charge, il y avoit fait embarquer environ 25 Mores pour aller reconnaître ladite galiote et savoir si elle étoit d’Alger, ou de Salé, portant toujours le même pavillon ; de manière qu’étant arrivés à bord, ils reconnurent qu’ils étoient Salétins, et dirent à ces Salétins, d’ordre du gouverneur, qu’ils alloient à bord de la tartane et que, d’ordre du même, ils ordonnoient à la galiote, s’ils étoient Salétins, de se retirer, attendu qu’il n’avoient rien à faire dans les ports dépendens du roy d’Alger ; que nonosbtant cette défense les gens de la galiote étoient entrés dans la tartane, et qu’après en avoir fait lever les ancres par la chaloupe et mariniers du même vaisseau anglois, ils avoient mis à la voile, portant toujours pavillon d’Alger, et emmené ladite tartane. Les Mores, pour les consoler et soulager de leur disgrace, leur avoit envoyé tous les jours qu’ils restèrent à terre pain et viande gratis, de sorte qu’après avoir resté encore six jours, luy capitaine et tout l’équipage dans la rivière de Tremezen, ils se sont embarqués sur la polacre angloise commandée par le capitaine Et. Fontane Larose de Gibraltar, pour cette place d’Oran, où ils étoient arrivés le 15 de ce même mois, n’ayant sauvé que le fonds, leurs hardes, et la chaloupe de la tartane. »
Congé de l’Amiral de France (cachet de cire rouge).
Source : Archives départementales des Pyrénées-Orientales, Inventaire analytique de la sous-série 3 B (Amirauté de Collioure 1691 – 1790)
Auteur : Joseph Michel VILA jose-michel.vila@wanadoo.fr