Saladin et les templiers et les hospitaliers
« Au matin du lundi 17 rabî II, deux jours après la victoire, le sultan fit rechercher les templiers et les hospitaliers qui étaient prisonniers, et dit : « Je purifierai la terre de ces deux races impures. » Il promit donc cinquante dinars à toute personne qui lui en amènerait un ; aussitôt l’armée en amena des centaines. Il ordonna de les décapiter, aimant mieux les tuer que les réduire en esclavage. Il y avait auprès de lui toute une troupe de docteurs et de sûfi et un certain nombre de dévots et d’ascètes : chacun réclama l’honneur d’en tuer un, dégaina son épée et se retroussa la manche. Le Sultan était assis, le visage radieux, tandis que ceux des Infidèles étaient sombres ; les troupes se tenaient en rang, les émirs tout droits en double file. Il y en eut qui fendirent et coupèrent net : ils en furent loués ; d’autres se récusèrent ou manquèrent leur coup ; on les excusa ; d’autres firent rire d’eux-mêmes et on dut les remplacer. J’en ai pu voir certains qui souriaient et tuaient, qui parlaient et agissaient : que de promesses tenues, que de mérites acquis, que de récompenses éternelles obtenues par le sang versé ! Que d’œuvres pies assurées par une tête coupée ! Que de lames teintes de sang après la victoire tant rêvée, que de lances brandies contre le lion capturé, que de blessures guéries par la blessure d’un templier ! Le sultan, insuffla énergie aux chefs qu’il a renforcés ; il a déployé ses drapeaux pour dissiper les malheurs, il a terrassé l’Infidélité pour revivifier l’islam ; il a détruit l’associationnisme pour construire le monothéisme ; il s’est engagé entier pour dégager la communauté des croyants et il a abattu les ennemis pour défendre les amis. »
lmâd ad-Dîn. Extrait de F.Gabrieli, Chroniques arabes des croisades, Sindbad, 1977