Pétition pour une Union douanière
« Nous, soussignés, négociants et fabricants allemands, réunis à la foire de Francfort, accablés par la triste situation du commerce et de l’industrie, nous nous adressons au gouvernement suprême de la nation allemande, pour lui dévoiler les causes de notre détresse et pour implorer son assistance.
Dans un pays où la plupart des fabriques sont fermées ou traînent une misérable existence, où les foires et les marchés sont encombrés de marchandises étrangères, où la majeure partie des négociants ne font pour ainsi dire plus d’affaires, est-il nécessaire de prouver que le mal est à son comble ? Trente-huit lignes de douane paralysent le commerce intérieur et produisent à peu près le même effet que si on liait les membres du corps humain pour empêcher le sang de circuler de l’un à l’autre.
Les soussignés osent en conséquence supplier la Diète :
1) de supprimer les douanes à l’intérieur de l’Allemagne,
2) d’établir vis-à-vis des nations étrangères un système commun de douane fondé sur le principe de rétorsion, jusqu’à ce que des nations adoptent le principe de la liberté du commerce européen. »
Frédéric LIST, 18l9
Les conséquences économiques de la division de l’Allemagne
« Cependant le provincialisme allemand avec ses multiples législations différentes du commerce et des métiers, devait devenir une entrave insupportable à cette industrie, dont le niveau s’élevait énormément, et au commerce qui en dépendait. Tous les dix ou vingt kilomètres un droit commercial différent, partout des conditions différentes dans l’exercice d’un même métier, et partout d’autres chicanes, des chausse-trappes bureaucratiques et fiscales, souvent encore des barrières de corporations contre lesquelles aucune concession ne prévalait ! Et avec tout cela, les nombreuses législations sociales locales diverses, les limitations de droit de séjour qui empêchaient les capitalistes de jeter en nombre suffisant les forces de travail disponibles sur les points où le minerai, le charbon, la force hydraulique et d’autres ressources naturelles exigeaient l’implantation d’entreprises industrielles. La possibilité d’exploiter librement la force de travail massive du pays était la première condition du développement industriel ; partout cependant où l’industriel patriote rassemblait des ouvriers attirés de toute part, la police et l’assistance publique s’opposaient à l’établissement des immigrants. Un droit civil allemand, l’entière liberté de domicile pour tous les citoyens de l’Empire, une législation industrielle et commerciale unique, ce n’étaient plus là des rêveries patriotiques d’étudiants exaltés, c’étaient désormais les conditions d’existence nécessaires à l’industrie. »
F. ENGELS, Le rôle de la violence dans l’histoire, Éditions sociales, 1971.
Le programme du Nationalverein en 1860 par un député Libéral du Landtag de Prusse, SchutzeDelitzsch.
« Il ne nous appartient pas, dans cette grande affaire de l’unité de l’Allemagne, de fixer celle des Puissances qui manifeste le moins d’exigences pour prendre la direction du futur Etat fédéral : ce sera celle qui se manifestera comme la plus efficace. Or, si nous considérons les deux grands États allemands, il apparaît que la Prusse nous apporte une population allemande d’un seul tenant, ce dont l’Autriche est bien incapable ; et sur cela il ne peut y avoir aucune espèce de doute, Par contre nous devons reconnaître… que le gouvernement prussien ne nous facilite pas notre action en vue de réaliser l’unité allemande…
Mais, Messieurs, de même que la nécessité où nous nous trouvons, en tant que Prussiens, de devoir combattre pour nos droits constitutionnels donne toute sa valeur à notre vie politique, de même est-il dans le destin du peuple allemand de combattre pour son unité et de ne la devoir qu’à lui-même. C’est sans doute le trait marquant du XIXe siècle et ce qui le distingue du XVIIIe, que ce ne soient plus quelques monarques supérieurement doués et dépassant leurs peuples par les lumières qui tracent les voies de l’avenir, en entraînant péniblement ces peuples dans leur sillage. Non, Messieurs, les choses se présentent différemment en notre temps : ce sont les peuples qui sont à la pointe du progrès humain et politique, et ce sont les princes qui sont dans leur sillage. Je pense que nous devons avoir constamment à l’esprit ce qui suit : nous ne travaillons pas pour les dynastes allemands, ni pour les Hohenzollern, ni pour les Habsbourg, nous ne travaillons que pour nous, pour le peuple allemand… »
Dans J. Droz, La formation de l’unité allemande. Hatier 1970.
L’unité italienne se fera grâce au Piémont
« En Italie, une révolution démocratique n’a pas de chance de succès. La force réside presque exclusivement dans la classe moyenne et dans une partie de la classe supérieure. Sur des classes aussi fortement intéressées au maintien de l’ordre social, les doctrines subversives de la Jeune Italie ont peu de prise Il nous paraît évident que la précieuse conquête de notre nationalité ne peut être opérée que moyennant l’action combinée de toutes les forces vives du pays, c’est-à-dire par les princes nationaux franchement appuyés par tous les partis. Il nous suffira de citer à cet égard ce qui se passe en Piémont. Le développement donné à l’instruction primaire, l’établissement de plusieurs chaires consacrées à l’enseignement des sciences morales et politiques, les encouragements accordés à l’esprit d’association appliqués aux arts aussi bien qu’à l’industrie, et plusieurs autres mesures, sans parler des chemins de fer, attestent suffisamment que l’illustre monarque qui règne avec tant d’éclat sur ce royaume est décidé à maintenir cette politique glorieuse qui, dans le passé, a fait de sa famille la première dynastie italienne, et qui doit dans l’avenir l’élever encore à de plus hautes destinées.
(…) Si l’action des chemins de fer doit diminuer ces obstacles, et peut-être même les faire disparaître, il en découle naturellement cette conséquence que ce sera une des circonstances qui doit le plus favoriser l’esprit de nationalité italienne. Un système de communications qui provoquera un mouvement incessant de personnes en tout sens (…) devra puissamment contribuer à détruire les mesquines passions municipales, filles de l’ignorance et des préjugés (…).»
Benso comte de Cavour (1810-1861), « Des chemins de fer en Italie », Revue nouvelle, 1846.