Ce document, intitulé « Lettres portants provisions de la charge de gouverneur de la Province du Languedoc et de Guienne, pour Me Jean Le Meingre, dit Boucicaut, mareschal de France », est daté du quatre février 1412. Le personnage dont il s’agit, qui fut un des grands de la cour du roi Charles VI, est Jean (II) Le Maingre, dit Boucicaut, né vers 1365. Il était comte de Beaufort et vicomte de Turenne. Il fut prit à la fameuse bataille d’Azincourt, en 1415, et mourut en captivité en Angleterre, au mois de mai 1421. Il est aussi connu par un livre d’heures qu’il commanda vers 1405, intitulé « Heures de Boucicaut » :
Charles, par la grace de Dieu Roy de France, à tous ceux que les présentes lettres verront, Salut. Comme après ce que, par très grande et meure délibération de conseil, nous eumes ordonné estre reprins et remis en nostre main et gouvernement, nos pays de Languedoc et Duché de Guyenne, delà la rivière de Dourdonne, avec toutes les citez, villes, chateaux, forteresses et autres lieux, et les revenus d’iceux, que par avant avoit eu et tenu par nostre voulance et octroy nostre très cher et très amé oncle le Duc de Berry, Nous y avons envoyé nos amez et féaux chambellans Guillaume de Duyenne, seigneur de Saint-George et de Sainte-Croix, Régnier Pot, seigneur de la Peugne et gouverneur du Dauphiné, chevaliers, et maistre Pierre de Marigny, nos conseillers pour les choses dessusdites et autres qui concernoient le bien et bon gouvernement desdits pays, mettre à effet et exécution, et pour d’iceux prendre et avoir pour et de par Nous le gouvernement et administration, leur ayons donné plein pouvoir, autorité et mandement espécial de faire ces choses devant dites et autres qui touchoient le bien et bon gouvernement desdits pays, leurs circonstances et dépendances, toutes choses à ce appartenans, à moy qu’il leur sembleroit estre expédient et convenable pour le bien de Nous et de nosdits pays, en quoy ils se seroient notablement gouvernez, dont Nous sommes très contents d’eux, lesquels Seigneur de Saint-George et Régnier Pot, Nous ayant depuis souvente fois, tant de bouche comme par lettres, requis et fait requérir que pour plusieurs grands charges et affaires qu’ils ont à faire et supporter, touchant leurs propres faits et autrement, Nous les vueillons descharger de la charge et commission dessusdites;
Scavoir faisons que Nous, tant pour considération de ces choses comme pour ce que Nous avons intention de les employer en certaines nos autres affaires qui grandement Nous touchent, et pour certaines autres causes et considération à ce Nous mouvans, iceux nos chambellans, conseillers et commissaires, avons déchargé et déchargeons du tout, par ces présentes, des commissions et charges devant dites, et pour ce qu’il est besoin et nécessaire pour le bien et gouvernement desdits pays et pour iceux tenir en seureté, d’y envoyer aucune personne sage et loyalle, qui ait bonne puissance et autorité de Nous pour faire toutes choses à ce appartenans, et pouvoir et obvier à tous inconvéniens si aucuns y entrevenoit que Dieu ne vueille;
Nous, ces choses considérant, et confiant à plein des grands sens, loyauté, vaillance, preudhommie et bonne diligence de nostre amé et féal chevalier, conseiller et chambellan Jean Le Mengre, dit Boucicaut, maréchal de France, d’iceluy, par grande et meure délibération de conseil de plusieurs de nostre sang et lignage, et autres de nostre grand conseil, avons commis et ordonné comme Nous ce ordonnons, et luy avons donné et donnons plein pouvoir, autorité et mandement espécial, par ces présentes, d’aller et soy transporter en nosdits pays de Languedoc et Duché de Guienne, outre ladite rivière de la Dourdonne, et d’iceux pays ensemble desdites citez, villes et chateaux, forteresses et autres lieux, prandre et avoir, pour et de par Nous, ce gouvernement et administration, d’enquerir et soy informer en sa personne ou par ses commis députez ou à imputer, de l’estat de toutes icelles villes, citez, chateaux et forteresses et autres lieux, tant de celles qui nuement appartiennent à Nous comme de celles de nos vassaux et sujets d’iceux pays, et les visiter sçavoir si et comment elles sont et seront fournies de gens, vivres, harnois et autres habillemens nécessaires à fait de guerre et à deffense de places, d’y pourvoir et faire pourvoir par ceux, et ainsy qu’il appartiendra et verra estre affaire, pour le bien desdits pays et la seure garde et deffense d’icelles forteresses, et suspendre tous officiers desdits pays, soient sénéchaux, baillis, prévosts, viguiers, capitaines, chatellains, trésoriers, clavères, receveurs, grènetiers, controoleurs et maistres de ports et passages, et autres quelconques, tant de justice et du domaine comme des aides, au cas toutes fois qu’ils auroient commis ou commettoient fautes et qu’ils ne seroient proufitables à Nous, ne idoines ausdits offices, et de y commettre en ce cas autres bonnes et souffisantes personnes au lieu d’eux, par manière de provision, et jusques à ce que par Nous en soit autrement ordonné, de faire faire ouverture desdites villes, citez, chateaux et forteresses;
Item et de ses gendarmes de trait et autres de sa compagnie, armez ou désarmez en quelconque nombre qu’ils soient, de iour et de nuit, toutes fois et si souvent que bon luy semblera, et que par luy, ses commis ou gouverneurs de ses dites gens en seront requis d’entendre et vacquer diligemment au bon gouvernement, seureté, tuition et deffense desdits pays, de procéder en ce à main armée et par puissance s’il trouve aucuns que se vueillent esforcer de gréver et dommager iceux pays ou autres contredisans et désobeissans, et de assembler pour ce gens d’armes et de trait, tant et en tel nombre comme il verra estre à faire, et pour ce mander, commander et requérir par ces lettres, messagers et autrement, à tous nos vassaux et sujets sous grosses peines, prier et requérir nos amez alliez et bienvueillans, de venir ou envoyer devers luy ou ailleurs, en tel lieu que mieux il verra estre a faire, et de taxer et faire payer gages, estatz, salaires et autres frais ausdites gens d’armes et gens de trait et autres gens de guerres, de maneuvres et autres nécessaires à tous faits de guerre, ainsy qu’il luy semblera estre expédient et convenable pour le bien de Nous et seureté et deffense de nosdits pays, et appeller avec luy toutefois que bon luy semblera, tant et tels de nos justiciers, conseillers et autres officiers de justice de nosdits pays, comme mestier sera, pour aviser, conseiller et délibérer sur les choses susdites, leurs circonstances et dépendances, et autres touchant le bien et bon gouvernement desdits pays, ce qui a faire sera pour le bien et utilité de Nous et de nosdits pays et sujets, et généralement de faire ces choses dessusdites et chacune d’icelles, leurs circonstances et dépendances, tant en de paix que de tournez comme de guerres, toutes autres choses, expéditions et appartenances à ce, jaçoit ce qu’elles fussent de plus grand regard, et que celles requissent mandement plus espécial,
Si donnons en mandement par ces présentes à notredit maréchal que, tantost et sans delay, il se transporte ez dits pays, et à l’entérinement des choses dessusdites et de cette Notre ordonnance, procède, vacque et entende diligemment; donnons aussi en mandement par ces mêmes présentes aux sénéchaux de Toulouse, de Beaucaire, de Carcassonne, de Rouergue, de Quercy, de Bigorre et d’Agennois, aux juges, viguiers et baillis desdites sénéchaussées, au gouverneur, recteur et baille de Montpellier, aux maistres des ports et passages desdites sénéchaussées, à tous chatellains, capitaines et gardes des villes, citez et forteresses, et à tous esleus, receveurs, clavaires, trésoriers, grènetiers, controolleurs, visiteurs de gabelles et autres, nos justiciers, officiers et sujets qui à présent sont et seront pour le temps advenir, et à chacun d’eux, prions et requérons nos amis, alliez et bienvueillans, que à notre dit maréchal et à ses commis et députtez, en faisant les choses dessusdites, leurs circonstances et dépendances, ils obéissent et entendent, et fassent obéir et entendre chacun en droit soy diligemment comme ils feroient à Nous mesmes, et à luy et à sesdits commis et députez, prestent et donnent, et fassent prester et donner aide, conseil, confort et faveur, si mestier est et requis en sont, et ainsy l’avons ordonné et ordonnons, et Nous plaist, et voulons qu’il soit fait, nonobstant quelconques oppositions, apellations, allégations, ordonnances, mandemens ou deffenses et lettres subreptices impétrées ou à impétrer à ce contraire. En témoin de ce nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes lettres.
Donné à Paris le quatriesme jour de février, l’an de grâce Mil quatre cens et douze, et de nostre règne le XXXIIIe. Par le Roy en son grand conseil, auquel nosseigneurs les Ducs de Berry et de Bourgongne, Loys, Duc en Bavière, les comtes de Vertus et Deu, le connestable, vous, l’évesque de Tornay, le maréchal de Lougny, le grand maistre d’Hostel, le maitre des Arbalestriers, l’admiral, les sires de Croy et de Blaron, de Lomoy, de Beaumingrer, de Montenay, de Dours, de Savoysy et de Robois, le chancelier de Guyenne, le prévost de Paris, le Borgne de la Heure, maistre Eustache de Laistre, le gouverneur d’Arras, messire Jean de Courcelles, maistre Raoul le Sage, Nicole Dorgemont, Guillaume Leclerc et Nicole de Viencourt, et plusieurs autres étoient. P. Rantion.
Source : Archives Départementales de l’Hérault, A 1, folios 279 v° à 283 r°.
Auteur de la transcription : Jean-Claude TOUREILLE jctou@arisitum.org