Les lettres qui suivent ont été données à Paris le 10 août 1413 par Charles VI. Elles s’intitulent « Lettres contre les routiers et soldats qui couroient sans congé le pays du Languedoc et pilloient partout ». Elles concernent ces hommes d’armes professionnels qui, n’étant plus employer pour « faire la guerre » sous la bannière d’un prince, d’un roi ou d’un grand du royaume, poursuivaient alors, pour leur propre compte, des actions militaires contre la population urbaine et rurale. Le cas le plus connu de ce type de rassemblement est la « Grande Compagnie » qui s’étant formée en 1361, dans la Champagne, ravagea pendant quatre longues années une bonne partie de la France :
Charles, par la grace de Dieu Roy de France, au sénéchal de Toulouse ou à son lieutenant, Salut. Il est venu à notre connoissance que depuis peu de temps en ça plusieurs gens darmes, archiers, arbalestiers, gens de compagnie, routiers et autres gens de guerre sans avoir sur ce congé et licence de nous par nos lettres, ne autrement, deuement se sont tenus et tiennent en plusieurs lieux et villages de notre Royaume pour eux traire vers nostre ville de Paris et y pillent et robent notre povre peuple, vivent sur iceluy et gastent leurs biens et y font plusieurs autres grands dommages, maux et outrages dont notre dit peuple, qui a esté moult opprimé en autres manières, tant pour la guerre comme pour la mortalité grande qui n’a guères y a esté, seroient désert du tout et s’en pouroient ensuir très grands et irréparables inconvéniens à Nous et à notredit royaume, si hastivement n’y estoit pourveu;
Et, pour ce, Nous, voulans y pourvoir et préserver et garder à notre pouvoir notredit peuple desdites roberies, dommages, maux et inconvéniens, comme tenus cy sommes, et mesmement que l’en est sur apointement de bon accord des débas et descorde qui ont esté entre aucuns de nostre sang et lignage, et l’entendons a mettre à fin et conclure au playsir de notre Seigneur, vous mandons, commettons et enjoignons estroitement qu’incontinent ces lettres, veues toutes excusations cessans et autres choses arrière mises, vous, tant par cas et publications à haute voix et son de trompe comme autrement, faites faire en tous les lieux accoutumez à faire, cris et publications par tous les lieux de votre sénéchaussée et ressort d’icelle que vous verrez estre à faire commandement, de par Nous, à tous les viguiers, prévosts, capitaines, gardes, bourgeois et habitans de villes, châteaux, forteresses, ports, passages, jurisdictions et détroits des mettes de votredite sénéchaussée et ressort, que sur quanque ils se peuvent meffaire envers Nous, ils ne souffrent, ne laissent aucunes des dites gens d’armes, archiers, arbalestiers, compagnies, routiers et autres gens de guerre entrer, ne passer par lesdits lieux, et semblablement, que vous fassiez commandement à icelles gens d’armes, archers, arbalestiers, compagnies, routiers et autres gens de guerre, estans ez termes d’icelle séneschaussée et ressort, et aussy à toutes autres gens d’armes quelconques qui y viendront ou s’y assembleront, sans avoir sur ce mandement, licence ou congé de Nous, dont il appert par Nos lettres patentes passées en notre grand conseil et de date subséquent ces présentes, que sur peine de forfaire corps et bien, et sur quanques ils se peuvent méfaire envers Nous, ils s’en départent tantost après ledit commandement, sans y séjourner aucunement, ne y retourner, ne eux y assembler en quelque manière que ce soit, et s’il y aucunes desdits gens d’armes qui ayent pris ou occupent aucunes villes, châteaux et forteresses ez termes de votredite sénéchaussée et ressort, que vous leur faites ou faites faire commandement, de par Nous comme dessus, qu’ils s’en départent et le vous rendent et baillent par Nous, tantost et sans délay, à ce qu’elles soient gardées de par Nous, en commettant par vous à la garde d’icelles telles personnes que vous verrez estre à faire jusques à ce que, par Nous, en soit autrement ordonné.
Et en cas que les dessusdits seroient, des choses devant dites, refussans, délayans ou en demeure, que vous les prenez ou faites prendre prisonniers pour en estre faite par vous telle punition qu’au cas appartiendra, et aussy en prenant réalment lesdites villes, châteaux et forteresses qu’ils occuperont, et les faisant garder de par Nous comme dit est, en procédant pour ce estre les dessusdits, et à chacun d’eux, à force et puissance d’armes, se mestier est, et par toutes les autres meilleures voyes qu’il se pourra faire en convoquant et apellant pour ce avec vous, se mestier est, de nos sujets nobles et autres de votredite sénéchaussée et ressort, et d’ailleurs environ, et, de ce, faites tant que la force en soit nostre et vous en demeure, ausquels, nos sujets, Nous mandons par ces mesmes lettres que, pour faire ce que dit est, ils voisent avec vous, si tost qu’ils en seront requis, et, pour ce, se arment et assemblent de tout leur pouvoir et vous aident à entériner et accomplir les choses dessusdites, et s’il avenoit qu’en ce faisant, iceux gens d’armes ou aucuns d’eux, se voulussent mettre a deffense ou rebeller, par quoy il convinst procéder et contreux par voie de fait, et il en y avoit aucuns morts ou mutilez, Nous ne voulons qu’il puist tourner à aucun préjudice aux dessusdits nobles, ne à autres qui seroient en votre compagnie et à votre aide, mais voulons qu’ils en soient et demeurent à toujours quittes, et leur pardonnons dès maintenant pour lors, en tant que mestier seroit, et aussy voulons et ordonnons que si lesdits désobéissans ou rebelles avoient chevaux, harnois et autres biens quelconques, ilssoient employez et convertis au défrayement et dépayement de ceux qui, ainsy, les auront subjuguez, pris et emprisonnez, et avec ce, voulons et donnons congé, licence, autorité et mandement espécial à tous nosdits sujets, qu’ils puisent rescorré à icelles manières de gens leurs biens, s’ils s’efforçoient de les vouloir, prendre et emporter et garder, que ces choses dessusdites n’aient aucun deffaut; de ce faire nous donnons et aussy à vos commis et députez en cette partie plein pouvoir, autorité et mandement espécial, mandons et commandons à tous nos justiciers, officiers et sujets que, à vous, et à vosdits commis et députez, en faisant les choses dessusdites, obéissent et entendent diligemment, et, à vous, prestent et baillent conseil, confort, aide, secours et présence, se mestier est, et requis en sont.
Mandons, outre ce, à nos amez et feaux gens tenans et qui tendront notre Parlement à Paris, les maistres des requestes de Notre hotel, les gens tenans les registres de Notre palais à Paris, à vous, sénéchal, et à tous nos autres justiciers, officiers, commisaires et sergens, ou à vos lieutenans, et à chacun de vous, si comme à luy appartiendra, par toutes les causes, querèles, debtes, biens et possessions quelconques des dessusdits nobles et autres qui, ainsy, seront en votre compagnie, pour le fait dessus toucher, vous tenez et faites tenir en estat du jour qu’ils partiront pour y aller jusques à quinze jours après leur retour, sans faire ne souffrir estre fait ou attenté cependant aucune chose, au contraire aller contre d’eux, leurs pleiges ou autres pour eux obligez, mais si fait estoit, le remettez ou faites remettre sans délay à estat deu, car ainsy Nous plaist il, et voulons estre fait par la teneur de ces présentes, au vidimus desquelles fait sous seel royal, pour ce que ce présent original ne poura pas par aventure estre exhibé et monstré par tout il seroit besoin. Nous voulons estre adjoutée pleine foy pareillement de qu’à ce dit présent original.
Donné à Paris le Xe jours d’aoust, l’an de grâce mil quatre cens et XIII, et de nostre règne le XXXIIIe.
Par le Roy en son grand conseil ou messieurs les ducs de Guyenne, de Berry, de Bourgongne et de Bar, le duc Louis en Bavière, vous et autres estoient. Perron.
Source : Archives Départementales de l’Hérault, Série A1, folios 326 v° à 329 r°.
Auteur de la transcription : Jean-Claude TOUREILLE jctou@arisitum.org