Le document qui suit, intitulé « Littera accordii dominorum de francia de prosapia Regia », et daté du 10 août 1413, concerne l’accord intervenant entre le Roi de France Charles VI et les grands du Royaume, suite à la conférence de Pontoise (au cours de laquelle fut arrêté le projet de convention dont il est parlé ici), et au moment ou la capitale était confrontée à Caboche et à ses amis de la Grande boucherie (mouvement insurrectionnel, appelé des « cabochiens », proche du parti Bourguignon) – voir aussi notre document intitulé Des actes des cabochiens contre la famille royale (1413) :
Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, au sénéchal de Toulouze ou à son lieutenant et aux bourgeois de ladite ville, Salut. Sçavoir faisons que pour occasion de la prise et emprisonnement indeuement et sans cause fait des personnes de nostres chers et très amez cousins germain et frère en loy, les ducs de Bar et en Bavière, et d’aucuns de nos officiers de notre très cher et très amée compagne la Reyne, et de nostre très cher et très amé fils aisné le duc de Guyenne, et aussy d’aucunes dames, damoiselles et femmes de l’hostel de nostredite compagne, nos très chers et très amez cousins et neveu le Roy de Sicile, les ducs d’Orléans et de Bourbon, et les comtes d’Alençon et de Eu, eux dolens de ce, de la manière de ladite prise et du courroux et déplaisance que nostredit fils avoit en ce pris et de plusieurs autres choses, par avant aucunes en Nostre bonne ville de Paris, sont naguerres venus en la ville de Verneuil, auquel lieu Nous avons envoyé nos ambassadeurs notables et avec ce eux aucuns des gens de nos très chers et très amez oncle et cousin, les ducs de Berry et de Bourgongne, et après iceux nos oncle et cousin de Berry et de Bourgongne, avec eux les ambassadeurs dessus envoyez, comme dit est, audit Verneuil et aucuns bourgeois et habitans de notredite ville de Paris, sont allez et ont esté, par notre ordonnance, à Pontoise, et nosdits cousin et neveu le Roy de Sicile, les ducs d’Orléans et de Bourbon, les Comtes d’Alençon et de Eu, sont allez et ont esté en la ville de Vernon, et d’illec ont envoyé leurs messagers et ambassadeurs audit lieu de Pontoise exposer et signifier à nos dits oncle et cousin, les ducs de Berry et de Bourgongne, et autres de notre conseil et de notredite villedeParis, estans en leur compagnie, les causes de leur complainte et montrer les périls et inconvéniens de guerre et autrement qui, pour ce, estoient en aventure d’ensuir brièvement, et après plusieurs paroles et conseils, eux, sur ce, d’une partie et d’autre, ont esté faits et avisez pour paix et union avoir en Notre royaume et provision, mettre ausdits inconvéniens aucuns articles contenus et déclarez en une cédule, dont la teneur est telle:
Premièrement entre les seigneurs du sang du Roy sera bonne amour union, et promettront et jureront estre bons et vrays parens et amis et, de ce, feront les uns aux autres lettres et sermens, et aussy a greigneur confirmation, le jureront et promettront les serviteurs principaux desdits seigneurs du sang du Roy qui ont envoyé leurs messages et ambassadeurs, feront cesser toute voye de fait et de guerre, et ne feront aucuns mandemens de gens d’armes, encore se aucuns en ont fait les annulleront et feront cesser;
Item qu’ils feront tout leur loyal pouvoir de faire vuider et de partir le plus hastivement que faire se pourra les gens des compagnes qui sont avec Cliquet, Boiscedan et autres, leurs adhérens, par toutes voyes et manières a eux possibles et se les prédites gens de campagne ne le vouloient faire, lesdits seigneurs s’employeront au service du Roy pour les faire départir et détruire, et tous autres ennemis du Roy ou qui voudront gréver son Royaume;
Item, promettront que ces choses avenues à Paris, ils ne porteront aucunes rancunes, maltalent ou dommage à la ville ne a aucuns particuliers d’icelle; ils s’offrent de la aider et pourchassier de leur pouvoir;
Item, que les seigneurs promettront et jureront par les sermens faits sur la vraye Croix et sur les sains Evangiles de Dieu, en parole de Prince et sur leur honneur de faire et faire entériner et accomplir loyalement les choses dessusdites sans aucune fraude ou mal engin, et en bailleront au Roy leursdites lettres séellées de leurs seaux;
Item, parmy les choses faisant requerant lesdits mesages et ambassadeurs que le Roy contremande et fasse contremander tous mandemens de gens d’armes et de trait et fasse cesser toute voye de fait et de guerre, excepté allencontre des dites gens de compagne et autres, ses ennemis, au cas qu’ils ne se partiront et vuideront par la manière que dit est;
Item, semblablement il fasse ceser et mettre au néant tous mandemens n’a guères donnez pour mettre en sa main aucuns châteaux et forteresses d’en dépoincter les capitaines, de promettre autres au lieux d’iceux capitaines, ou au lieu des seigneurs à qui les dits châteaux et forteresses appartiennent et fassent remettre les choses au premier estat, quant à ce, et que la commission par luy donnée puis certain temps pour le fait d’aucuns prisonniers et d’autres apellez ou à apeller à ban soit convoquée, et qu’on les fasse punir par la justice du Roy ordinaire et accoutumée, sans ce que aucuns commissaires particuliers s’en meslent aucunement;
Item, que le Roy et la Reine de Monseigneur de Guyenne, les choses dessus dites entérinées et accomplies, soient hors Paris à certain jour, auquel lieu soient lesdits seigneur, tant d’un côté comme d’autre, pour ferme, bonne union entr’eux, et pour entendre aux besongnes du Roy et aviser aux choses nécessaires au bien de luy et de son royaume, et se aucun faisoit douté que lesdits seigneurs ou aucuns d’eux voulsissent réduire le Roy, la Roine ou Monsieur de Guienne a aucune haine ou vangeance contre la ville de Paris ou aucuns des habitans, ou a en prendre gouvernement ou attraire avec eux le Roy ou Monsieur de Guyenne, ou que l’en fist aucune autre doute à ladite assemblée, lesdits seigneurs sont prests d’en bailler toute seureté possible que l’en pourra aviser, et nosdits oncle et cousin de Berry et de Bourgongne avec ceux qui envoyez ont esté audit lieu de Pontoise, retournez en nostredite ville de Paris le mardy premier jour de ce présent mois;
Fut l’ambascadeur exposer et le contenu de ladite cédule leue pardevant Nous, en notre grand conseil, en pleine audiance, en présence de notredit fils de Guyenne, de nosdits oncle et cousin de Berry et de Bourgongne, de notre conseil et autre, en grand nombre, et icelle leue par Nous, apointée que ladite cédule seroit baillée la copie en nostre très chère et très amé fille l’université de Paris, à notre cour de Parlement, aux gens des Comptes, au collèges des églises de nostredite ville de Paris et à icelle ville de Paris, pour avoir sur ce avis, et que le jeudy prochain en suivant, IIIe jour de ce dit présent mois, ils vinssent par devers Nous pour en dire chacun son opinion ou délibération, en suivant lequel appointement, ladite cédule fut diligemment faite et envoyée ez lieux dessusdits, et combien que le contenu en icelle cédulé, tout veu et considéré, ait semblé estre juste, sain et raisonnable pour le bien de paix, d’union et de concorde, à ladite université, en notredite cour de Parlement, à nosdits gens des Comptes, ausdits collèges et aux bons bourgeois et habitans de notredite bonne ville de Paris, et qu’ils feussent tous prests d’en dire et raporter ledit jeudy, par devers Nous, leur délibération et opinion, par la manière dessudite, néanmoins, aucunes gens de petit estat et faculté, lesquelles par cy devant, par leur entreprise, ont eu la plus grande partie du gouvernement de nostredite ville de Paris, et qui, en icelluy gouvernement, estant pour continuer la guerre et division qui longtemps a esté en notre royaume afin d’avoir toujours la domination, ont, par faux donné à entendre, voulu induire plusieurs grands seigneurs de notre sang et lignage et autres, à la guerre, doutans que punition ne fust faite d’eux, des pilleries, meurtres, roberies et d’autres délits par eux faits en maintes manières, sous ombre de l’entreprise dudit gouvernement, firent tant et pourchassent en persévérant en leurs mauvais propos et par leurs faux donnez à entendre, qu’accordé leur fut ladite journée du jeudy, seroit continuée jusques au samedy en suivant, 6e jours de ce présent mois, afin que cependant ils empechassent la paix par horribles et damnables voyes, et dont au playsir de Dieu on saura brièvement la vérité;
Mais Dieu voulant, pourvoyant à ce, la dite université assemblée, les cours de nosdits Parlemens et chambres des Comptes, les collèges des églises et les prudhommes, bourgeois et habitans de notredite ville des plus notables, en très grand nombre, non contens de ce, doutans l’inconvénient et péril éminent qui, pour occasion dudit délay, se pourroit ensuir, désirans de tout leur coeur la bonne paix et union d’entre ceux de notre sang et lignage maintenir et justice régner à l’honneur et confermation de Nous et de notredit royaume, et voulans obvier aux entreprises damnables des empeschans ladite paix, vinrent après disner devers Nous, Nous estans en notre hostel à Saint Pol, et Nous requirent avoir audiance pour le bien de paix, ce que leur octroyans libéraument, et ce fait, nous exposèrent les biens de la paix, les maux et inconvéniens de la guerre et la nécessité et besoin qu’il estoit de procéder à l’exécution de ladite cédule, en nous requérant dudit samedy estre anticipée au vendredy précédent, avec aucunes provisions à la seureté de notredite ville de Paris;
Auquel jour de samedy, les dessusdits, voulans et désirant la paix se cuidèrent assembler en la maison de notredite ville en grève, et illec attendre l’un et l’autre pour venir devers Nous, en notredit hostel de Saint Pol, mais ils trouvèrent empeschement que lesdits empeschans la pais qui, comme dessus est dit, sont gens de petit estat et ennemis de paix, estoient en ladite maison de notredite ville, avec eux aucuns varlez arrivez, venus sous ombre de l’autorité et gouvernement qu’ils avoient en notredite ville de Paris, pour laquelle cause, lesdits prudhommes voulans la paix se assemblèrent en la place Saint Germain Auxerrois, à Paris, et illec environ entres grand et notable nombre, tous d’un courage et voulanté quant à ce, et se persforcèrent lesdits empeschans de la paix, par deux moyens, de rompre et empescher l’assemblée desdits notables hommes voulans ladite paix, a quoy ne fust aucunement obtempéré, car ordinairement partirent de Saint Germain pour venir devers Nous, en notredit hostel de Saint Pol, si comme appointé avoit esté ledit jeudy précédent, et eux venus en iceluy lieu de Saint Pol, en la présence de nosdits fils, oncle et cousin, les ducs de Guyenne, de Berry et de Bourgongne, et de plusieurs autres de notre conseil, fut par Nous la paix accordée, et que ladite cédule mise à exécution, et que punition desdits empeschans la paix seroit faite par justice, dont nosdits bons et loyaux sujets furent moult joyeux et incontinent par notre ordonnance et voulanté, montèrent à cheval nosdits fils, oncle et cousin de Guyenne, de Berry et de Bourgongne, et allèrent desprisonner nosdits cousin et frère les ducs de Bar et en Bavière, du Louvre ou ils avoient longuement esté, et plusieurs chevaliers et officiers de noz et de notre compagne et de notredit fils, de nostre palais et de nostre chastelet, à Paris, ou avoient pareillement et longuement esté emprisonnez et detenus par la puissance et voulanté desdits empeschans la paix, lesquels empeschans véans bon gouvernement mettre sus et justice commencer à régner, se denvassièrent et abstentèrent, et encore n’ont pu estre trouvez, ne appréhendez, dont est à douter encore que par leurs inductions et fausses mensonges par lesquels ils pouroient aucuns faire à leur entreprise et voulanté, aussy comme au temps passé ont fait pires inconvéniens que devant n’en ensuivent, à quoy besoin est de y obvier soigneusement à l’aide de notre seigneur, mesmement que ladite paix qui tant est bonnement proufitable, et pour laquelle nosdits neveu et cousins, le Roy de Sicile, les ducs d’Orléans et de Bourbon, les comtes d’Alençon et d’Eu, ont depuis tout ce que dit est, envoyé et fait venir à Paris leurs ambassadeurs qui, chacun jour, entendent et besongnent diligemment à l’exécution de ladite cédulle, en ayant agréable et approuvant ce qui par Nous a esté fait pouroit estre rompu, qui seroit la destruction de Nos et de notredit royaume, et de tous nos bons et loyaux sujets;
Si vous mandons et très étroitement enjoignons qu’à l’entérinement des choses dessusdites, lesquelles Nous vous signifions estre vrayes et telles que dessus sont spécifiées, ne à quelconques faux et mauvais raports qui, au contraire, seroient faits par lesdits empeschans la paix, vous ne croyez ne adjoutez foy en quelque manière que ce soit, et que vous ne recueillez, ne ne souffrez demeurer en notredite ville de Tholouze, ne au pays d’environ, iceux empeschans la paix, ne leur donnez faveur en quelque manière que ce soit, mais les faites prendre et emprisonner par justice et les nos envoyez pour en faire faire telle justice, raison et punition, comme il appartient en tel cas, et aussy vous, sénéchal, faites ces choses publier, tenir et accomplir pareillement par toutes les bonnes villes et autres lieux de votredite sénéchaussée, et requerez avec ce, de par Nous, à toutes les églises, collèges et autres qu’il appartiendra de votredite ville, qu’ils fassent et fassent faire processions et prières dévotes pour ladite paix, à ce que Notre Seigneur, par sa grâce, la vueille toujours entretenir et garder bien chacun de vous endroit soy, que ces choses dessus dites n’ait faute, car ainsy Nous plaist et voulons estre faict.
Donné à Paris le Xe jour d’aoust, l’an de grâce mil quatre cens et treize, et de notre règne le XXXIIIe.
Collation faite, à l’original de la cédulle cy dessus, par le Roy en son grand conseil auquel Mesieurs les ducs de Guyenne et de Berry, le maréchal de Lougny et autres estoient. J. de Castel.
Source : Archives Départementales de l’Hérault, Série A1, folios 329 v° à 334 v°.
Auteur de la transcription : Jean-Claude TOUREILLE jctou@arisitum.org