Les Lettres Patentes qui suivent, « touchant les désordres et violance commises en la personne des Princes du sang par les séditieux de Paris », datent du 18 septembre 1413. Elles décrivent les actes commis contre la famille royale par les « Cabochiens » (proches du parti Bourguignon) – voir aussi le document intitulé Accords entre les grands du Royaume de France :
Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut.
Pour ce que depuis certain temps en ça, plusieurs merveilleuses entreprises et cas énormes et détestables forfaits, crimes et délits sont avenus et ont esté commis et perpétrez en notre bonne ville de Paris par gens séditieux, troubleurs de pays, rebelles et coupables de crime de Lèze Majesté, lesquels pouroient estre notifiez et publiez par le monde en divers et plusieurs lieux, et par espécial ez bonnes villes de notre royaume, autrement que les dessusidtes entreprises, crimes et cas aucuns n’ont esté commis et perpétrez par les délinquans, par quoy plusieurs dommages, escandes et inconvéniens irréparables se pouroient ensuivre en maintes manières contre Nous et contre Notre Royalle Majesté, et contre tous autres roys et princes terriens qui ont peuple à gouverner, Nous, voulans la vraye vérité des choses dessusidtes estre claire et manifeste à un chacun, afin d’obvier et remédier aux choses dessusdites, faisons sçavoir et signifions à tous par la teneur de ces présentes la vérité des entreprises et cas énormes dessudits estre telle que:
Nous estant et faisant notre résidence en notredite bonne ville de Paris, et avec Nous notre très chère et très amé compagne, la Reyne, nos très chers et très amez fils aisné, Louis, Duc de Guyenne, et Oncle de Berry, et plusieurs autres de notre sang et lignage, et de nos conseillers et serviteurs, comme accoutumé avons le temps passé, advint que le vendredy après Pasques XXVIIIe jour du mois d’avril dernièrement passé, Elion de Jacqueleuille, Robert de Mailly, Charles Guillaume Barrau, lors notre secrétaire, un chirurgien nommé Mestre Jean de Troyes, ses enfans, Thomas Le Gouers et ses enfans, Garnot de Saint Yon, bouchers, Simonnet le Coustelier, dit Caboche, Estour Theur, Bandes Desbordes, André Roussel, Deniset de Chevinont et plusieurs autres, leurs complices adhérens, fauteurs, confortans et aydans de plusieurs et divers estats, professions et conditions, ceux hommes séditieux, rumorieux, rebelles, troubleurs de paix et coupables de crime de Lèze Majesté, après plusieurs assemblées, secrètes conspirations et monopolles par eux faits en notredite bonne ville, en divers lieux, de jour et de nuit, vinrent entres grand et excessif nombre, tous armez à étendart déployé et par manière d’hostilité et de puissance desordonnée, passèrent pardevant notre hostel de Saint Pol, sans notre sçeu et à notre très grand déplaisir et déshonneur, et allèrent droit à l’hostel de notredit fils, le Duc de Guyenne, auquel hostel ils s’efforcèrent d’entrer et, de fait, rompirent les portes en grand esclande et deshonneur de Nous et de notredit fils, et eux autres en iceluy hostel allèrent en sa chambre par force et violence moult terrible et épouvantable, jaçoit que par notredit fils et par notre très cher et féal cousin germain, le Duc de Bar, Louis, Duc en Bavière, frère de notredite compagne et plusieurs autres nobles hommes, chambellans et autres officiers de Nous et de notredit fils, plusieurs deffenses, prières et requestes leur fussent faite au contraire, et quand ils furent en la chambre de notredit fils, ils prirent de fait violemment et par force notredit cousin germain, le Duc de Bar, et le chancellier pour lors de notredit fils et plusieurs autres nobles hommes, nos chambellans, conseillers et autres serviteurs de Nous et de notredit fils, pour laquelle fureur et convocation de peuple notredit fils de encourir une très griève maladie, et iceux emmenèrent de fait en prison là où bon leur sembla, et les mirent prisonniers en plusieurs et divers lieux ou ils les ont tenus et fait tenir par moult long temps et tant qu’ils ont pu, et, outre ce, par leur fureur et conspiration dessudite, prirent aucuns nos serviteurs et les meurtrirent inhumainement, et autres emmenèrent en prisons particulières et reçellées, et puis par menaces et paour de mort, les rançonnèrent à très grandes et excessives sommes d’argent;
Et après ces choses, à une autre journée, en persévérant en leur mauvais et détestable propos, vinrent devers Nous, en notredit hostel de Saint Pol, et là, proposèrent ou firent proposer, en notre présence, ce que bon leur sembla, en disant pleinement et absolument qu’ils vouloient avoir certaines personnes qu’ils avoient en écrit en un certain roolle qu’ils portoient, lesquels estoient en notre compagnie, dont ledit Louis, Duc en Bavière, frère de notredicte compagnie, estoit l’un, et plusieurs autres nobles, conseillers et chambellans, maistres de notre Hostel et autres, nos serviteurs, de plusieurs et divers estats et offices, et, par force et violence manifeste contre nostre voulonté, les emmenèrent en prison, là où bon leur sembla, comme avoient fait les autres;
Et non contens des excés et violences dessusdites, allèrent semblablement à très grand tumulte en la chambre de notre dite compagne, la Royne, et illec en sa présence et contre son gré et sa voulonté, prirent plusieurs damoiselles dont les aucunes estoient de nostre lignage et de celuy de notredite compagne, et icelles emmenèrent très vilainnement prisonnières comme devant, duquel outrage notredite compagne eut et prit en soy telle terreur, déplaisance et couroux qu’elle en fut en péril de mort ou de maladie très griève;
Et puis procédèrent, iceux malfaiteurs, contre les dessusdits prisonniers, hommes et femmes innocens de fait et à leur voulonté, envers les uns par très durs tourmens de gènes et tyrannie merveilleuse, et autrement, contre toute forme de droit et non accoutumée, et aucuns autres gens, de noble lignée, de grand estat, tuèrent en la prison, et firent publier partout contre vérité qu’eux mesmes s’estoient tuez, et puis les firent décapiter et mener au gibet, et autres firent meurtrir tellement ez lieux où ils les avoient mis en prison, et les gitèrent en la rivière; et les dessusdits dames, damoiselles par eux prises et emmenées comme dessus et dit, traitèrent très inhumainement, jaçoit ce qu’ils fussent souvent requis moult instamment qu’ils voulissent soufrir que la voye de justice fust ouverte aux personnes par eux prises et détenues comme dit est, et que notre cour de Parlement en eust la connoissance comme raison estoit, à laquelle requeste raisonnable ils ne voulurent en aucune manière obtempérer, ne condescendre, mais qui plus est, firent faire et écrire fausses Lettres Patentes à leur voulonté, lesquelles, par force et contrainte, ils firent seeller de notre grand seel en notre chancellerie, en contraignant Nous et notredit fils de les signer de nos signes manuels, et de approuver et avoir agréables tous leurs faits pour avoir chancellier à leur poste et de leur bande, pour avoir leurs lettres d’illec en avant séellées à leur voulonté, firent par force de frauduleuse malice et violence, mettre hors de l’office de chancelier nostre amé et féal chancelier Arnault de Corbie, chevalier, qui par avant longuement Nous avoit servy, et en son lieu, firent mettre et instituer Eustace de Laitre, par lesquelles lettres contre toute vérité estoit dit et affermé, que tout ce qu’ils avoient fait ça en arrière et ce qui s’en estoit ensuy avoit esté fait par notre voulonté et ordonnance et de notredit fils le Duc de Guienne, pour le grand bien de Nous et de notre royaume, et icelles fausses lettres ont envoyées en plusieurs et diverses parties, villes et citez de notre dit royaume, et aussy y ont envoyé lettres de par eux, par tout où il leur a plu, diffamatoires et contre l’honneur de notredit fils, pour attraire et induire les autres villes et populaces à leurs faultes, déloyalles et mauvaises intentions, et attenter aux personnes prochaines de notre sang et contre Nous et notre seigneurie, pour extirper, détruire et faire mourir toute noblesse, clergé, chevalerie et bons bourgeois, marchands et autres gens d’honneur et d’estat, et, à eux, attribuer le gouvernement de la seigneurie de notre royaume, ausquelles fausses et desloyales voulontez, propos et intentions, ils pussent estre parvenus, veües la grand multitude qu’ils estoient en cette fausse et déloyalle entreprise, et le port et faveur qu’ils avoient d’aucuns susciteurs de guerre et violence de paix, comme il a apparu clairement, car ils ne soufroient que nul osast parler de paix pour les menaçes qu’ils notorioient à tous ceux qu’ils pensèrent, qu’ils voulsissent pourchaser la paix, et aussy par la grand désobéissance qu’ils ont fait et faisoient à notre Cour de Parlement, à nostre Prévost de Paris, en perturbant toute voye de justice pour empescher de tout leur pouvoir la bonne paix, laquelle toute bonne créature doit désirer de tout son coeur;
De laquelle paix Nous sommes venus, par la grâce de Notre Seigneur qui en est vray acteur, et par le grand sens, prud’hommie, loyauté et prudence de plusieurs de nos bons parens et amis, de notre fille université de Paris, et des bons bourgeois et autres, nos loyaux sujets de notre bonne ville de Paris, qui l’ont voulue et prouvée de leurs loyaux pouvoirs, et par leurs bons amis et moyens, se sont mis ensemble à un certain jour, en grand nombre, les bourgeois de Paris, et sont venus devers notredit fils, le Duc de Guyenne, et devers notredit oncle, le Duc de Berry, dire tous à une voix qu’ils vouloient la paix, et que s’il leur plaisoit monter à cheval, ils iroient en leur compagnie pour vivre et mourir avec eux pour tenir la paix qui avoit esté accordée et jurée;
Aussy les bons bourgeois de Paris avoient moult grand désir de Nous oster de la subjection et servitude en laquelle Nous avoient mis et tenoient les dessusdits nommez crimineux, et à donc iceux nos filz et oncle et leurs gens et serviteurs, le 4e jour d’aoust dernier passé, montèrent à cheval et, en leur compagnie, lesdessusdits voulans la paix, et allèrent par la ville, premièrement ez lieux où estoient les prisonniers et personnes dessusdites, et iceux délivrèrent pleinement, entre lesquels estoient notredit cousin, le Duc de Bar, auquel baillasmes dès lors la garde de notre chastel du Louvre, que lesdits malfaiteurs occupent par avant, et à Louis, Duc en Bavière, baillasmes la garde de notre chastel ou bastide de Sainte Catherine, sous notre très cher et très amé fils, le Duc de Guienne, qui pour Nous y fut établi, et à notre très cher et très amé oncle, le Duc de Berry, le gouvernement et capitainerie de notre bonne ville de Paris, et est vérité que les dessusdits crimineux, véans ces choses, et que nosdits fils de Guienne et oncle de Berry entendoient et vacquoient à ladicte paix ferme et à mettre sus la justice et la police et gouvernement de notredite ville, connoissant la profondeur des maux où ils étoient boutez, comme désespérez de notre grâce et miséricorde, se rendirent fuitifs de notredite ville, et, néanmoins, en ont avant esté prins, ausquels justice a esté faite, et à autres on fera raison, ainsy qu’au cas appartiendra;
Et depuis ces choses ainsy avancées, sont arrivez devers Nous, en notredite ville de Paris, nos très chers et très amez cousins, fils et neveu, le Roy de Sicile, les Ducs d’Orléans et de Bourbon, les Comtes d’Alençon, d’Eu et de Ceretroville, par le conseil et bon avis desquels notre fille université de Paris et de nos bons et loyaux conseillers et sujets, Nous gouvernerons dorénavant à l’ayde de Dieu, Nous et notre royaume, en bonne paix et tranquillité moyennant bonne justice, et pour ce qu’aucunes lettres ou raports ont esté ou pouroient estre envoyées ou faits contre vérité, au contraire des choses dessusdites, lesquelles sont véritables, Nous mandons et commandons au sénéchal de Toulouze et à tous nos autres officiers, justiciers et sujets de ladicte sénéchaussée, prions et requérons nos amez et bienvueillans, que nul n’y vueille adjouster aucune foy ou créance, et s’il avenoit qu’aucun des dessusdits crimineux ou de leurs complices, adhérens, fauteurs, conseillans ou confortans, venoient ou se retraroient en ladicte sénéchaussée ou en aucuns des pays, seigneuries, jurisdictions ou puissance de nos alliez et bienvueillans, ou que vous trouvez qu’en iceux pays, jurisdiction ou puissance en eust aucuns résidens et résidens qui sceussent de la fausse et déloyalle voulonté ou entention des dessusidts, vous tous, iceux prenez ou faites prendre comme traitres, meurtriers, rebelles envers Nous et coupables de crime de Lèse-Majesté, contre leur naturel et souverain seigneur, et les Nous envoyez pour punir selon raison, sy que tous autres y prennent exemple, et ces présentes nos lettres faites crier et publier solemnellement par tous lieux ou l’on a accoutumé faire criz à son de trompe, et, avec ce, faittes la copie d’icelles, collationnée à l’original, ficher ez values et portes des églises afin que nul n’en puisse prendre ignorance, ne avoir cause d’écrire le contraire, et garder qu’en ce n’ait aucune faute sur ce que vous, nos officiers, justiciers et sujets, doutez encourir notre indignation perpétuelle, et vous, nos alliez, amis et bienvueillans désirez nous faire playsir; en témoin de ce, Nous avont fait mettre notre seel à ces présentes.
Donné à Paris le XVIIIe jour de Septembre, l’an de grâce mil IIIIc et XIII, et de notre règne le XXXIIIIe. Par le Roy en son conseil, auquel le Roy de Sicile, nosseigneurs les Ducs de Berry et d’Orléans, de Bourbon et de Bar, les Comtes d’Alençon et de Verbuz, d’Eu, de Richemont et de Tantarville, le connétable, vous, les Archevesques de Sens et de Bourges, les Evesques d’Auxerre, de Noyon et d’Evreux, le grand Maistre d’Hostel, les chanceliers de Guienne et d’Orléans, et plusieurs autres grands seigneurs, barons, conseillers et chambellans et autres estoient. Pontin.
Source : Archives Départementales de l’Hérault, Série A 1, folios 334 v° à 339v°.
Auteur de la transcription : Jean-Claude TOUREILLE jctou@arisitum.org