« Le garrot se resserre de plus en plus, ils inventent constamment de nouvelles mesures pour nous briser lentement. Qu’est-ce qu’il a pu y en avoir ces dernières années, des grandes et des petites ! Et le petit coup d’épingle fait parfois beaucoup plus mal que le grand coup de massue. J’énumère ces ordonnances :
1 – Obligation de rester chez soi après huit ou neuf heures du soir.
2 – Chassés de notre propre maison (obligation de s’installer dans un immeuble où sont regroupés les juifs de la ville).
3 – Interdiction d’écouter la radio, interdiction d’utiliser le téléphone.
4 – Interdiction d’aller au théâtre, au cinéma, au concert, au musée.
5 – Interdiction de s’abonner aux journaux ou d’en acheter.
6 – Interdiction d’utiliser tout moyen de transport.
7 – Interdiction d’acheter des « denrées rares ».
8 – Interdiction d’acheter des fleurs.
9 – Interdiction d’aller chez le coiffeur.
10 – Interdiction de posséder une machine à écrire.
11 – Interdiction des fourrures et couvertures en laine.
12 – Un vélo.
13 – des chaises longues.
14 – des chiens, des chats, des oiseaux.
15 – Interdiction de quitter la banlieue de Dresde, de pénétrer dans la gare, de passer sur la rive des ministères et dans les jardins publics.
16 – 19 septembre 1941 : étoile juive obligatoire sur les vêtements.
17 – Interdiction de posséder des réserves alimentaires.
18 – Interdiction de fréquenter les bibliothèques et les restaurants.
19 – Pas de cartes d’habillement.
20 – Pas de cartes de poisson.
21 – Pas de ration spéciale telle que café, chocolat, fruits, lait concentré.
22 – Obligation de payer des impôts spéciaux.
23 – Diminution de la retraite de 2/3
24 – Restriction des achats à une heure (de 15h à 16h, le samedi de 12h à 13h).
Voilà, je crois que c’est tout. Mais, pris tous ensemble, ces (…) points ne sont rien face au danger permanent de perquisition, de sévices, de prison, de camp de concentration et de mort violente ».
V. Klemperer, Journal 1942-1945, Tome II, Je veux témoigner jusqu’au bout, Editions du Seuil, Paris, 2000.