La conscience nationale vient de s’éveiller et refuse la libération par une aide étrangère.

« Peut-être après tous, attendez-vous que la liberté nous soit donnée par un des souverains étrangers ? Mon Dieu ! Jusques à quand, ô Grecs, resterons-nous dans une erreur aussi inconsidérée ? Pourquoi ne tournons-nous pas une fois les yeux vers le passé, afin de comprendre plus facilement le futur ? Qui ignore que le principal dessein des souverains étrangers est d’essayer de servir leurs intérêts propres aux dépens des autres ?
Et quel homme sensé peut croire que l’un quelconque des souverains étrangers veut défaire l’empire ottoman, vaut nous laisser libres ? ô erreur fatale ! Ne soyez pas, mes frères, d’une telle naïveté […].
Pourquoi, mes frères, vouloir changer de souverain, alors qu’à noua seuls nous pouvons nous libérer ? Pensez-vous que serait plus léger le joug d’une puissance étrangère ? Ne pensez- vous pas que c’est encore un joug ? […]
Alors vous, mes amis, les jeunes d’aujourd’hui, mes chers Grecs, […] acceptez de préparer le redressement de nos compatriotes. La gloire vous attend, tenant en ses mains les lauriers de la victoire, et les bras. »

Extrait d’un livre grec du début du XIXe s. cité sur http://francoib.chez-alice.fr/hgm/chap4_c4.htm


L’enthousiasme des intellectuels européens pour la Grèce

 

« En Grèce! en Grèce! Adieu vous tous! Il faut partir!
Qu’enfin, après le sang de ce peuple martyr,
Le sang vil des bourreaux ruisselle!
En Grèce, ô mes amis! Vengeance! Liberté!
Ce turban sur mon front! Ce sabre à mon côté!
Allons! Ce cheval, qu’on le selle! »

« Enthousiasme », poème de Victor Hugo, publié en 1829

 


Le protocole de Londres (3 février 1830)

« Protocole* (No 1) tenu à Londres le 3 Février 1830,
relatif à l’indépendance de la Grèce.

Présents: les Plénipotentiaires de Russie, de France et de la Grande-Bretagne.
Les Plénipotentiaires des trois Cours s’étant réunis au Département des affaires étrangères,
A l’ouverture de la conférence, le Plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique et celui de Sa Majesté très chrétienne témoignent au Plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale le désir de savoir sous quel point de vue il envisage l’art. 10 du traité signé récemment à Adrinople entre la Russie et l’Empire Ottoman, article qui a rapport aux affaires de la Grèce.
Les Plénipotentiaires de Sa Majesté Impériale déclarent que l’art.10 du traité en question n’invalide pas les droits des alliés de l’Empereur, n’entrave pas les délibérations des Ministres réunis en conférence à Londres, et ne met aucun obstacle aux arrangements que les trois Cours jugeraient d’un commun accord être les plus utiles et les mieux adaptés aux circonstances.
A la suite de cette déclaration, le Plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique fait part à la Conférence d’une dépêche collective, ci-jointe sub.Lit.A., par laquelle les Ambassadeurs de la France et de la Grande-Bretagne à Constantinople transmettent une déclaration de la Porte Ottomane, en date du 9 septembre, également ci-jointe sub.Lit.B., et qui annonce que la Porte, ayant déjà adhéré au traité de Londres, promet et s’engage de plus aujourd’hui, vis-à-vis des Représentants des Puissances signataires dudit traité, à souscrire entièrement à toutes les déterminations que prendra la Conférence de Londres relativement à son exécution.
La lecture de ce document fait unanimement reconnaître l’obligation où se trouve l’Alliance de procéder, avant tout, à l’établissement immédiat de l’armistice sur terre et sur mer, entre les Turcs et les Grecs.
Il est résolu, en conséquence, que les Plénipotentiaires des trois Cours à Constantinople, leurs Résidents en Grèce et leurs Amiraux dans l’Archipel recevront sans délai l’ordre de réclamer et d’obtenir des parties contendantes une prompte et entière cessation d’hostilités.
A cet effet, des instructions ci-annexées sub.Lit.C.D.E. ont été concertées et arrêtées pour les dits Plénipotentiaires et Résidents, ainsi que pour les trois Amiraux, le rétablissement de la paix entre la Russie et la Porte permettant à l’Amiral russe de reprendre part aux opérations de ses collègues d’Angleterre et de France.
Ces premières déterminations convenues, les membres de la Conférence trouvant que les déclarations Ottomanes les mettent dans le cas de concerter les mesures qui leur paraissent préférables d’adopter dans l’état actuel des choses, et désirant apporter aux dispositions antérieures de l’Alliance les améliorations les plus propres à assurer de nouveaux gages de stabilité à l’œuvre de paix dont Elle s’occupe, ont, d’un commun accord, arrêté les clauses suivantes:

1. La Grèce formera un Etat indépendant, et jouira de tous les droits politiques, administratifs, et commerciaux, attachés à une indépendance complète.

2. En considération de ces avantages accordés au nouvel Etat, et pour déférer au désir qu’a exprimé la Porte d’obtenir la réduction des frontières fixées par le protocole du 22 mars, la ligne de démarcation des limites de la Grèce partira de l’embouchure du fleuve de l’Aspropotamos, remontera ce fleuve jusqu’à la hauteur du lac d’Anghelocastro, et, traversant ce lac, ainsi que ceux de Vrachori et de Saurovitza, elle aboutira au mont Artotina, d’où elle suivra la crête du mont Oxas, la vallée de Calouri et la crête du mont Oeta, jusqu’au golfe de Zeitoun, qu’elle atteindra à l’embouchure du Sperchius.
Tous les territoires et pays situés au sud de cette ligne, que la Conférence a indiqués sur la carte ci-jointe, appartiendront à la Grèce, et tous les pays et territoires situés au Nord de cette même ligne continueront à faire partie de l’Empire Ottoman.
Appartiendront également à la Grèce, l’île de Négrepont tout entière avec les îles du Diable et l’île Skyro, et les îles connues anciennement sous le nom de Cyclades, y compris l’île d’Amorgo, situées entre le 38me et 39me degré de latitude Nord, et le 26me de longitude Est, du méridien de Greenwich.

3. Le Gouvernement de la Grèce sera monarchique et héréditaire, par ordre de primogéniture. Il sera confié à un Prince qui ne pourra pas être choisi parmi ceux des familles régnantes dans les Etats signataires du traité du 6 juillet 1827, et portera le titre de Prince Souverain de la Grèce. Le choix de ce Prince fera l’objet de communications et de stipulations ultérieures.

4. Aussitôt que les clauses du présent protocole auront été portées à la connaissance des parties intéressées, la paix entre l’Empire Ottoman et la Grèce sera sensée rétablie ipso facto, et les sujets des deux Etats seront traités réciproquement, sous le rapport des droits de commerce et de navigation, comme ceux des autres Etats en paix avec l’Empire Ottoman et la Grèce.

5. Des actes d’amnistie pleine et entière seront immédiatement publiés par la Porte Ottomane et par le Gouvernement grec.
L’acte d’amnistie de la Porte proclamera qu’aucun Grec, dans toute l’étendue de ses domaines, ne pourra être privé de ses propriétés, ni inquiété aucunement, à raison de la part qu’il aura prise à l’insurrection de la Grèce. L’acte d’amnistie du gouvernement grec proclamera le même principe en faveur de tous les Musulmans ou Chrétiens qui auraient pris parti contre sa cause; et il sera de plus entendu et publié que les Musulmans qui voudraient continuer à habiter les territoires et îles assignés à la Grèce, y conserveront leurs propriétés, et y jouiront invariablement, avec leurs familles, d’une sécurité parfaite.

6. La Porte Ottomane accordera à ceux de ses sujets Grecs qui désireraient quitter le territoire turc, un délai d’un an pour vendre leurs propriétés et sortir librement du pays.
Le Gouvernement grec laissera la même faculté aux habitants de la Grèce qui voudraient se transporter sur le territoire turc.

7.Toutes les forces grecques de terre et de mer évacueront les territoires, places et îles qu’elles occupent au delà de la ligne assignée aux limites de la Grèce dans le para. 2, et se retireront derrière cette ligne dans le plus bref délai. Toutes les forces turques de terre et de mer qui occupent des territoires, places ou îles, compris dans les limites mentionnées ci-dessus, évacueront ces îles, places et territoires, et se retireront derrière les dites limites, et pareillement dans le plus bref délai.

8. Chacune des trois Cours conservera la faculté que lui assure l’art. 4 du traité du 6 juillet 1827, de garantir l’ensemble des arrangements et clauses qui précèdent. Les actes de garantie, s’il y en a, seront dressés séparément. L’action et les effets de ces divers actes deviendront, conséquemment à l’article susdit, l’objet de stipulations ultérieures des Hautes Puissances.
Aucune troupe appartenant à l’une des trois Puissances contractantes ne pourra entrer sur le territoire du nouvel Etat grec, sans l’assentiment des deux autres Cours signataires du traité.

9. Afin d’éviter les collisions qui ne manqueraient pas de résulter, dans les circonstances actuelles, d’un contrat entre les commissaires démarcateurs Ottomans, et les commissaires démarcateurs Grecs, quand il s’agira d’arrêter sur les lieux le tracé des frontières de la Grèce, il est convenu que ce travail sera confié à des Commissaires britanniques, français et russes, et que chacune des trois Cours en nommera un. Ces Commissaires, munis d’une instruction, qui se trouve ci-jointe sub. Lit. G., arrêteront le tracé des dites frontières, en suivant, avec toute l’ exactitude possible la ligne indiquée dans le para. 2, marqueront cette ligne par des poteaux, et en dresseront deux cartes, signées par eux, dont l’une sera remise au Gouvernement Ottoman, et l’autre au Gouvernement Grec.
Ils seront tenus d’achever leurs travaux dans l’espace de six mois. En cas de différence d’opinion entre les trois commissaires, la majorité des voix décidera.

10. Les dispositions du présent protocole seront immédiatement portées à la connaissance du Gouvernement Ottoman par les Plénipotentiaires des trois Cours, qui seront munis à cet effet d’une instruction commune ci-jointe sub.Lit.H. Les résidents des trois Cours en Grèce recevront aussi, sur le même sujet, l’instruction ci-jointe sub.Lit.I.
11. Les trois Cours se réservent de faire entrer les présentes stipulations dans un traité formel, qui sera signé à Londres, considéré comme exécutif de celui du 6 juillet 1827, et communiqué aux autres Cours de l’Europe, avec invitation d’y accéder, si elles le jugent convenable.

Conclusion. – Arrivés ainsi au terme d’une longue et difficile négociation, les trois Cours se félicitent sincèrement d’être parvenues à un parfait accord, au milieu des circonstances les plus graves et les plus délicates.
Le maintien de leur union dans de tels moments offre le meilleur gage de sa durée, et les trois Cours se flattent que cette union, stable autant que bienfaisante, ne cessera de contribuer à l’affermissement de la paix du monde. »

(signé)
LIEVEN. MONTMORENCY-LAVAL. ABERDEEN.

repris de http://www.mfa.gr/NR/rdonlyres/E1DA0D5F-5493-4BF4-8FD3-D5CD6C6BB96C/0/1830_london_protocol.doc