Le projet initial.

Cavour, premier ministre de Victor-Emmanuel II nouveau roi de Piémont, ne se contente pas de renforcer la puissance militaire et économique de son pays. Il obtient le soutien de Napoléon III en juillet 1858 (entrevue de Plombières).

« L’empereur a aisément convenu qu’il était nécessaire de chasser les Autrichiens d’Italie une fois pour toutes (…)

La vallée du Pô, la Romagne et les Légations formeraient un Royaume de Haute-Italie, sous la Maison de Savoie. Rome et ses environs immédiats seraient laissés au Pape (1). Le reste des États du Pape, ainsi que la Toscane, formeraient un royaume d’Italie centrale. La frontière napolitaine ne subirait aucune modification. Ces quatre Etats italiens formeraient une confédération sur le modèle de la confédération germanique, dont la présidence serait donnée au Pape. »

(Lettre de Cavour au roi de Piémont, juillet 1858.) (1) Pie IX.

La politique de Cavour en 1856.

« Ce qui s’est passé au congrès de Paris prouve deux choses : 1. que l’Autriche est décidée à persister dans son système d’oppression et de violence envers l’Italie ; 2. que les efforts de la diplomatie sont impuissants à modifier son système. Il n’y a que deux partis à prendre ou se réconcilier avec l’Autriche et le pape, ou se préparer à déclarer la guerre à l’Autriche dans un avenir peu éloigné. Si le premier parti était préférable, je devrais à mon retour à Turin conseiller au roi d’appeler au pouvoir des amis de l’Autriche et du pape. Si, au contraire, la seconde hypothèse est la meilleure, mes amis et moi nous ne craindrons pas de nous préparer à une guerre terrible, à une guerre à mort (…). C’est pourquoi j’ai l’intention d’aller à Londres, afin de consulter le gouvernement britannique. (…) Nous devons nous préparer secrètement, contracter un emprunt de 30 millions de francs (…), envoyer à l’Autriche un ultimatum qu’elle ne puisse accepter, et ouvrir les hostilités.

L’empereur Napoléon III ne peut pas être contre cette guerre. Il la désire dans le fond de son coeur. En voyant l’Angleterre décidée à entrer en lice, il nous aidera certainement. (…) Les dernières entrevues que j’ai eues avec lui et ses ministres étaient de nature à frayer le chemin vers une déclaration de guerre [à l’Autriche]. »

Lettre de Cavour, Premier ministre du Piémont, au ministre de la Justice, 12 avril 1856.

Le Sud encore à conquérir.

Il s’en faut que le Mezzogiorno soit totalement intégré au nouveau royaume :

« Le facteur devait, en conditions normales, venir une fois par semaine. Grâce aux brigands installés dans la montagne et qui le dévalisaient une fois sur deux, la semaine devenait quinzaine… Celui qui devait se rendre à Naples ne partait pas sans avoir fait auparavant son testament; celui qui avait dépassé le phare de Messine acquérait une telle réputation dans le pays que sa salive devenait un médicament pour la guérison des eczémas… »

(Témoignage cité dans Romano, Histoire de l’Italie du Risorgemento à nos jours , Éditions du Seuil, 1977.)

L’aristocratie sicilienne dispose de « clientèles » d’un genre particulier :

« Lorsqu’on sollicitait sa haute protection, un seigneur ne la refusait pas, fût-ce au plus féroce des assassins. Naturellement, le malfaiteur ainsi sauvé devenait l’homme de son protecteur, au sens le plus féodal du terme ; il avait en quelque sorte reçu de lui sa vie en fief et se trouvait désormais à son service. Dès lors, compte tenu des traditions de violence encore en vigueur et du peu de valeur attribué à la vie humaine, ce seigneur aurait eu une force d’âme surhumaine si, ayant subi un dommage ou une offense, il n’avait pas utilisé pour se venger l’instrument qu’il avait sous la main. »

(Rapport de Léopold Franchetti (1876), cité par Milza et Berstein, L’Italie, la Papauté 1870-1970, Éditions Masson.)

Mais les combats menés par les Piémontais après 1861 sont-ils seulement une lutte contre le brigandage ?

« La commission parlementaire d’enquête sur le brigantaggio publia quelques chiffres sur les pertes subies des deux côtés dans la période allant de mai 1861 à mars 1863. Les Italiens eurent 307 morts et 86 blessés, les « brigands » 1038 fusillés, 2413 morts au cours des engagements et 1768 arrêtés. Mais les chroniqueurs bourbons parlent de 10’000 Napolitains fusillés ou morts sur le champ de bataille et de 18’000 personnes fusillées ou massacrées (…). Certains écrivains marxistes et démocrates affirmeront, contre l’école traditionnelle que le Risorgimento fut en dernière analyse un pacte entre l’appareil politico-militaire piémontais et la bourgeoisie de l’Italie du Nord pour une guerre de conquête au détriment des provinces méridionales. »

(Romano, op. cit.)