Lettre de franchises de l’empereur Frédéric II aux Schwytzois, le 20 décembre 1240
Le texte original est en latin
En été 1236, l’empereur Frédéric II commence la guerre qui doit ramener « à l’unité de l’Empire » les villes du nord et du centre de l’Italie. Pour éviter de tomber sous la tutelle impériale, le pape Grégoire IX soutient les communes lombardes et, le dimanche des Rameaux de 1239, il lance l’interdit contre l’Empereur. Celui-ci assiège la ville de Faenza, dans l’Emilie, mais il se voit abandonner par Rodolphe le Taciturne de Habsbourg, par Hartmann de Kibourg et par d’autres grands barons de l’Empire. Les Schwytzois mettent à profit la situation précaire de l’empereur pour obtenir de lui la faveur d’être placé sous l’immédiateté impériale.
En témoignage de reconnaissance pour l’aide qu’ils lui apportent, Frédéric II les détache du comté de Habsbourg et les élève au rang de communauté impériale.
Deux après, Frédéric II, s’étant réconciliés avec ceux qui ne l’avait trahi en 1240, replacera Schwytz sous la domination des Habsbourg.
« Frédéric II, par la grâce de Dieu Empereur de Romains, Roi de Jérusalem et de Sicile, à tous les hommes de la vallée de Schwyz, à ses féaux grâce et tout bien. Ayant reçu de votre part des lettres et des messages, et agréant votre attachement et votre dévouement à notre personne, qu’ils nous ont fait connaître, nous voulons concourir favorablement et avec bienveillance à vos bonnes intentions, n’ayant pas pour peu recommandables votre dévouement et votre fidélité, d’autant plus que vous avez prouvé par des actions le zèle que vous avez toujours eu pour nous et pour l’Empire, en vous réfugiant sous nos ailes et sous celles de l’Empire, comme il convient de le faire en tant qu’hommes libres qui ne doivent hommage qu’à nous et à l’Empire. Puisque vous avez choisi de bonne et franche volonté notre domination et celle de l’Empire, nous accueillons votre fidelité à bras ouverts, et montrons à votre sincère affection la pureté de notre faveur et bienveillance, en vous prenant sous notre protection spéciale et celle de l’Empire, tant et si bien que jamais nous ne permettrons qu’on vous aliène ou vous sépare de notre domination et de celle de l’Empire ; vous donnant l’assurance, la bienveillance et la faveur que tout seigneur sérénissime doit répandre sur ses sujets dévoués et fidèles. Jouissez de la prospérité en tout pourvu que vous nous restiez fidèles et ne nous refusiez pas vos services. Donné au siège de Faenza, l’an du Seigneur 1240, au mois de décembre. Indict(ion) 14. »
Traduit dans J. Biedermann, Chartes, Pactes et Traités de la Suisse, Lausanne, 1916.
Source : Salamin Michel, Documents d’histoire suisse, 1240-1516. Collection « Recueils de textes d’histoire suisse », Imprimerie sierroise, Sierre, 1972, pp. 6-7.
La même histoire , englobant les 3 Waldstaetten, dans la Chronicon Helveticum d’Aegidius Tschudi (1505-1572, publiée en 1570).
« En ce temps-là, le pape Grégoire neuvième excommunia l’empereur Frédéric second et, prêchant croisade contre lui, le rendit si odieux, que plusieurs notables villes d’Italie, Faenza, Ravenne et d’autres encore, se déclarèrent contre lui. L’empereur rassemble aussitôt une armée pour réduire à l’obéissance ces villes rebelles et renverser les complots du pape, et ainsi envoie-t-il ses messagers aux trois Waldstaetten, Uri, Schwytz et Unterwald, pour leur demander aide, disant que le pape, injustement et sans valable cause, a entrepris de le perdre et comme quoi lui [= il] rassemble en Italie une armée pour assiéger la ville de Faenza, leur promettant, s’ils lui donnent secours, de leur témoigner en tout temps son bon vouloir. Les Waldstaetten firent cette réponse : Qu’ils étaient par leurs pères des peuples libres, ne devant service à l’Empire qu’en pays allemands, mais qu’ils avaient été molestés en leurs franchises, et que si l’empereur voulait leur faire une lettre, dument signée de son sceau reconnaissant bien qu’ils sont libres, et que c’est de libre et franche volonté qu’ils se soumettent à son commandement dans les affaires de l’Epire romain, et leur promettant de les protéger en tout temps et de ne les jamais aliéner [séparer] de l’Empire, alors eux aussi prêteraient obéissance à lui et à l’Epire, le reconnaîtraient pour leur seigneur, et lui enverraient en Italie, contre une solde convenable, le secours demandé. Les messagers impériaux donnèrent assurance aux Waldstaetten qu’il serait fait selon leur désir, et les persuadèrent d’envoyer avec eux au camp de l’empereur, où ils retournaient, des messagers porteurs de leur réponse, tandis qu’ils mettraient déjà sur pied leurs troupes, afin de montrer à l’empereur, dans ce pressant besoin, que l’effet suivait leurs paroles.
Or, il y avait dans les Waldstaetten beaucoup d’hommes braves et dispos, ce qui fit une troupe de six cents gens d’armes, deux cents de chaque pays, qui se mirent en marche. Les messagers arrivèrent au camp devant Faenza quelques jours avant eux ; l’empereur se réjouit de leur venue et surtout d’apprendre, ce que lui confirmèrent ses propres messagers, que six cents hommes de renfort les suivaient, et il remit à chacun des Waldstaetten une charte de liberté avec son sceau, où il leur octroyait ce qu’ils avaient demandé. »
Source : Salamin Michel, Documents d’histoire suisse, 1240-1516. Collection « Recueils de textes d’histoire suisse », Imprimerie sierroise, Sierre, 1972, pp. 6-7.