La croissance des années 1920

«La production n’a pas suivi les indications des prix. Lorsqu’un prix baisse, cela est le signe que la consommation se décourage et qu’il est prudent de ralentir aussi les offres […]
La courbe de la spéculation se détache d’une manière encore plus notoire et plus audacieuse. On dirait que les comportements humains se sont divisés en deux parts : ceux qui correspondent au découragement des demandes actuelles et qui se marquent par la baisse des prix; ceux qui expriment le vouloir de progression continuée et se traduisent par la hausse des valeurs en Bourse[…] L’anticipation boursière ne veut pas consentir la baisse que les réalités […] semblaient conseiller […]
Intervenait aussi […] l’influence retardée des séquelles de la Première Guerre mondiale : une guerre universelle porte en elle les germes d’une surproduction future. Le cloisonnement du monde, auquel conduisent les hostilités, pousse les pays industriels à développer leur production agricole, c’est-à-dire à faire produire à leur sol ce qu’ils commandaient avant guerre à l’étranger, et il incite aussi corrélativement les pays agricoles à se donner les produits industriels que leur procurait normalement l’économie internationale. Le retour de la paix ne supprime pas ces productions de guerre.
Joignons à cela que les progrès techniques provoqués par la guerre se transmettent à l’économie de paix. Le potentiel accru de production se conserve et se développe […]
Dans la sphère industrielle, les progrès de la technique et de l’organisation (rationalisation) ont joué un rôle analogue. Le chômage technologique était lui aussi en puissance, prêt à apparaître à la moindre chiquenaude. »

M. Guitton, Les fluctuations économiques, 1951.

Péril rouge aux EU

« Terrible explosion à New-York

Une explosion formidable […] s’est produite jeudi à midi à Wall Street, au cœur du quartier des affaires, où sont réunies les grandes banques américaines. La catastrophe a eu lieu entre le Stock-ExchangeLa bourse. et la banque Pierpont Morgan qui a été en partie démolie […] Tous les immeubles situés dans le voisinage et qui sont d’énormes gratte-ciel de 20 à 40 étages eurent leurs vitres brisées […] Une dépêche de l’agence Reuters déclare que des fenêtres des bureaux de cette agence, qui donnent sur Wall street, on pouvait voir de nombreux blessés gisant sur la chaussée dans des mares de sang […]

On s’imagine aisément les scènes qui se déroulèrent après l’explosion. Ce fut un grouillement inouï d’une véritable population surgissant des immenses gratte-ciel ; le Bankers Trust Building dont les 30 étages abritent 10 000 personnes, l’Equitable Building aux 40 étages qui se vida en un instant de sa population de 15 000 hommes et femmes […]

On évalue les dégâts matériels à plus de 2 millions de dollars »

Le Temps, 18 septembre 1920.

« L’explosion de Wall street

II ne fait plus aucun doute aujourd’hui que l’explosion de jeudi est le résultat d’un attentat […] Selon les témoins oculaires, des bombes avaient été placées dans un camion, qui s’arrêta au bord du trottoir ; les hommes se trouvant dans le camion s’éloignèrent rapidement après l’arrêt du véhicule. Les murs des bâtiments adjacents ont des marques semblables à celles qui auraient été faites par un feu de mitrailleuses.

Ce qui semble, au surplus, indiquer qu’on est en face d’un attentat anarchiste est le fait que mercredi matin deux lettres adressées au lieutenant Arnaud, au siège de la haute-commission française, qui se trouve non loin du lieu de l’attentat, disaient à celui-ci que l’auteur croyait rendre service à M. Casenave, inspecteur des services français à New-York, et à son personnel, en les informant qu’une catastrophe se produirait à Wall Street vers 2 heures 30 […]

La théorie que l’on se trouve en présence d’un complot avec ramifications étendues inquiète beaucoup les autorités. Des patrouilles circulent autour de la résidence particulière de M. Morgan, ainsi qu’autour de celles d’autres notabilités et devant certains édifices publics.

Les quartiers financiers des grandes cités d’Amérique, d’une côte à l’autre, sont maintenant transformés en camps armés. Chaque banque et office public est rigoureusement gardé par des piquets de police et de soldats, tandis que les résidences des millionnaires sont étroitement surveillées […]

Suivant les derniers renseignements, le chiffre des morts est de 35. »

Le Temps, 19 septembre 1920.

« L’explosion de Wall street

[…] Quel que soit le résultat de l’enquête judiciaire, un fait est dès maintenant acquis, le péril rouge n’existe plus seulement en Europe, il menace directement les États-Unis. Chaque jour apporte, en effet, une nouvelle preuve de l’activité anarchiste.

C’est ainsi que des agents fédéraux ont trouvé dans une boîte aux lettres, quelques minutes avant l’explosion de jeudi, des circulaires portant la signature « Anarchistes militants américains », et contenant en orthographe et en style défectueux des passages tels que « Notre patience est à bout ! Libérez les prisonniers politiques, ou c’est votre arrêt de mort ! » ».

Le Temps, 20 septembre 1920.

Rapports de Paul Claudel, ambassadeur de France, 1928

« Washington, le 30 mai 1928.

[…] Les profits de la guerre, la supériorité des ressources naturelles, leur exploitation méthodique et intensive au milieu d’un univers appauvri dont [les États-Unis] devenaient les principaux fournisseurs, ont naturellement amené un flux des richesses du monde entier spécialement de l’Europe vers l’Amérique. Elle a remboursé toutes ses dettes et elle a passé elle-même dans une proportion de plus en plus grande au poste créditeur […] Mais une autre source de profits vient encore à l’Amérique de la sécurité politique sociale parfaite que chacun lui attribue. Elle est devenue la caisse où beaucoup de gens cherchent un abri et un placement pour leurs économies. New York s’est substitué à Londres comme le centre financier du monde entier. De là une nouvelle source de profits […]

Leurs énormes placements les ont soustraits à leur isolement et les ont rendus solidaires du monde entier. Beaucoup d’économies qui servaient de fonds de roulement à l’industrie et à l’agriculture nationale sont maintenant représentées par des titres qui, en temps de crise seraient difficilement négociables. Je n’examine pas ici la contrepartie, mais il est certain que si une crise se produisait en Amérique, les ventres de titres qui en seraient la conséquence avec le tempérament spéculatif qui existe ici seraient une catastrophe pour le monde entier […] La domination du marché financier par New York est probablement appelée dans l’avenir à déchaîner quelques ouragans […] »

Paul Claudel, ambassadeur de France à Washington, La Crise. Amérique 1927-1932. Correspondance diplomatique, Paris, Métailié, 2009.

« Washington, le 9 octobre 1928,

[…] En 1920, deux facteurs dominent la situation : réaction violente contre la politique extérieure de M. Wilson et crise économique. L’Américain moyen n’aime pas les aventures à l’étranger ; il en a une horreur instinctive. La Président a été trop loin et trop vite. Il faut que l’Amérique se replie sur elle-même, évite les contacts avec l’Europe, se remette de ses émotions […]

Le pays réclame avant tout la sécurité, c’est-à-dire, presque aucun ennemi ne la menace au dehors, la certitude de pouvoir travailler en paix. Pour cela, il faut porter un homme sûr, safe […] D’origine modeste, d’esprit étroit, foncièrement américain, sans aucune vue sur l’étranger, M. Coolidge se montrera l’homme de la situation […] Il ne cherchera donc aucunement à être un leader comme Roosevelt ou Wilson […] Il emploiera son énergie à ne rien faire […]

Le résultat de cette inactivité du gouvernement est une sorte de divorce entre la masse et ceux qui sont censés la diriger […] Ce n’est plus le peuple qui est souverain ; ce sont les innombrables associations […] qui sévissent par tout le pays […] qui touchent à tout […] et, sous couvert de morale, dictent à leurs membres jusqu’à leur vote […]

Quelles sont les caractéristiques principales de la situation créée par cet état de choses ?

Tout d’abord, une indéniable prospérité matérielle, qui ne s’étend sans doute pas également à toutes les branches de l’industrie, mais qui n’en est pas moins réelle […] Ensuite, une incontestable léthargie intellectuelle […] Et de fait quel abîme entre l’Américain moyen et celui qui a le temps de penser ! […] En plus de cette léthargie intellectuelle, léthargie morale. Cette assertion peut paraître extraordinaire dans un pays où l’on parle tellement de morale. Mais c’est justement parce que la chose n’existe pas qu’on essaie de lui donner une apparence de réalité en en parlant […]

Tout bien pesé, si l’on considère les grands problèmes qu’a laissés l’après-guerre et la situation exceptionnelle où se trouvaient les États-Unis pour aider à leur solution, l’époque apparaîtra singulièrement mesquine […] »

Paul Claudel, ambassadeur de France à Washington, La Crise. Amérique 1927-1932. Correspondance diplomatique, Paris, Métailié, 2009.

Le 11 novembre 1928, le président américain Coolidge prononce à Washington D.C. une allocution à l’occasion du dixième anniversaire de l’armistice. L’ambassadeur de France rapporte ce discours tout en l’analysant.
« […] « Depuis la guerre, l’Amérique a prêté beaucoup d’argent à l’Europe […] Pendant ce temps, l’Angleterre plaçait des prêts importants au-dehors et la France s’y constituait de longs crédits dont une partie a été rappelée chez elle. Ces deux pays en même temps faisaient de larges dépenses de caractère militaire. Or, nous ne désirons pas fournir les moyens financiers d’une future guerre. De pareils prêts ne pourront plus continuer sans un examen attentif […] Nous aimerions tout d’abord voir nos dettes gouvernementales définitivement réglées ». Puis vient le passage essentiel du discours qui semble une sorte de proposition subordonnant l’aide financière des États-Unis à une double condition […] L’une concerne la France, c’est la ratification de l’accord Mellon-Bérenger [sur les dettes françaises] ; l’autre concerne l’Angleterre, c’est la limitation des armements. — En résumé, faites ce que je vous demande ou je ferme ma caisse […]
La presse américaine dans son ensemble […] lui donne son approbation […]

En relisant cette lettre je m’aperçois qu’elle donne l’impression que M. Coolidge, en parlant comme il l’a fait, est l’expression d’une opinion unanime. Il n’en est nullement ainsi. Les alliés et en particulier la France ont conservé en Amérique de nombreuses et sincères sympathies […] »

Paul Claudel, ambassadeur de France à Washington, La Crise. Amérique 1927-1932. Correspondance diplomatique, Paris, Métailié, 2009.

Situation des EU vue par Paul Reynaud en 1929, annonce de crise
Paul Claudel, ambassadeur de France à Washington, La Crise. Amérique 1927-1932. Correspondance diplomatique, Paris, Métailié, 2009.

« Que pensez-vous de la situation économique et financière des États-Unis ? Certains estiment que la façade actuelle, d’apparence fort brillante, le développement constant de la production, montré par presque toutes les statistiques, l’ascension continue des cours à Wall Street ne pourront point longtemps se continuer et qu’une crise brutale, un jour prochain, éclatera.

– Il ne pourra s’agir d’une crise violente. Des trusts ont été formés qui détiennent une grande partie des actions des sociétés qu’ils considèrent comme les meilleures. Ces trusts auront une action régulatrice. J’estime toutefois qu’une crise pointe aux États-Unis. Des sources de richesse sont taries. Les agriculteurs se plaignent ; la situation du textile est difficile. Il y a surproduction d’automobiles ; les stocks s’accroissent faute de débouchés, et un ralentissement dans la production automobile atteindra directement les industries métallurgiques, industries de base. En outre, la hausse continuelle des titres a développé le goût de la spéculation : des Américains ont emprunté de l’argent à 9 % pour acheter des titres ne rapportant que 2 % mais qu’ils espéraient revendre à bénéfice. Des reculs comme ceux qui se sont produits ces jours derniers à Wall Street ne sauraient être négligés ; ils sont comme des signes avertisseurs.»

Interview de Paul Reynaud (homme politique français) au quotidien français Le TempsQuotidien de centre-droit interdit de parution en 1944 et remplacé par le Monde., 15 octobre 1929, in M. H. Baylac (dir), Histoire Première, Bordas, Paris, 1997, p. 32.

Les débuts de la crise aux États-Unis

«La diminution des bénéfices de certaines sociétés américaines – par suite de l’alourdissement général du marché – paraît bien être le point de départ de la crise qui s’ouvre le 24 octobre 1929. Elle pousse en effet les spéculateurs avisés à liquider les actions de ces sociétés qu’ils possèdent; le mécanisme de la baisse se déclenche et la tendance de la Bourse se renverse. La panique aidant, le krach de Wall Street en résulte. Du plan boursier, la crise passe sur le plan bancaire, les banques arrêtant net tout nouveau prêt aux spéculateurs, aux industriels, aux consommateurs. Le système dès lors se bloque, les débouchés intérieurs se fermant. Le processus suit son cours en 1930 : la production industrielle se ralentit. Le chômage massif qui s’établit constitue un nouveau coup d’arrêt à la consommation.»

Antoine Bonifacio, Le monde contemporain, Paris, Classiques Hachette, 1962, p. 46-47.

La crise vue par Fernand Gigon

– Inquiétudes à Wall Street, les réactions des banquiers et des patrons

« […] La production se développe quatre fois plus vite que la population grâce à l’introduction de la force motrice dans les usines et à la rationalisation dans la fabrication […]
Ébloui, fasciné par l’éclat de l’argent et par la facilité avec laquelle Wall Street le fait fructifier, le peuple américain retourne ses poches. A chaque seconde de chaque jour ouvrable, affirme un banquier, mille dollars prennent le chemin de New York et s’investissent dans les actions des grandes sociétés industrielles ou dans les obligations des villes et des États.
[…] En arrivant à leur bureau, ce jeudi 24 octobre entre 9 heures 30 et 10 heures, les brokers s’étonnent de l’épaisseur de leur courrier. De toutes les villes d’Amérique, directement ou par l’intermédiaire de sept et huit cents correspondants, des ordres de vente s’accumulent en vrac sur leur table de travail. Les employés se hâtent de les classer avant que s’ouvre la bourse […]
Les difficultés de la bourse précèdent toujours celles de l’industrie et de l’économie […]
J.P. Morgan […], convoque chez lui les présidents des trusts et des compagnies bancaires, leur suggère un plan de sauvetage : constituer un fond commun de plusieurs centaines de millions de dollars et l’ouvrir à ceux qui en ont besoin[…] En quelques jours, il obtient du Trésor, à Washington, vingt-cinq millions. Il les offre à la bourse à des taux raisonnables […]
Cette chute résonne dans un ciel d’été. Pour faire face à la nouvelle situation créée par ce krach, les spéculateurs anglais font revenir d’urgence leurs fonds, leur or, leurs valeurs d’Amérique.»

Le krach de Wall Street

«[…] Les patrons, enthousiasmés par ces hauts rendements, demandent à leurs ingénieurs d’inventer des machines toujours plus rentables. La prospérité est liée, pensent-ils, au nombre […]
Un Américain sur trois, grâce à son épargne, à ses économies, à ses primes versées aux sociétés d’assurance ou de rentes-vieillesse qui à leur tour les prêtent aux prestidigitateurs de Wall Street, est directement intéressé aux victoires et aux ascensions du Stock Exchange […]
La démence collective fait son apparition quand, coup sur coup, d’énormes quantités d’actions sont offertes à la vente : quinze mille Sinclair, quinze mille Standard Brand, vingt mille General Motor. Les Vendez !, Vendez ! interviennent à 10 heures 52 […]
L’hiver 1929-1930 ne s’est pas encore installé dans le pays, les ondes de choc de la culbute de Stock Exchange ne se sont pas encore apaisés que journaux, industries, affaires commencent à sentir les effets du terrible et irréversible engrenage de la récession […]
Les banques interviendront pour que la bourse se conduise comme une enfant sage et non comme la folle de la finance[…]
Ces deux pays européens [France et Angleterre] sont visés par les critiques. L’un d’eux [journaliste] écrit le surlendemain du krach : Beaucoup de marchés étrangers se réjouissent de nos difficultés […] Voici huit semaines que l’étranger commence à rapatrier les fonds de ses investissements […]»

Fernand Gigon, Jeudi noir, Paris, Laffont, 1976.

Le krach

«Brusquement, à l’automne de 1929, alors que l’euphorie paraît générale, les cours de la Bourse de New-York se mettent à baisser. Il n’est pas utile de tenter une description détaillée de ces phénomènes, étant donné que les alternances de hausse et de baisse, d’un jour à l’autre, sont de règle générale en matière boursière. Bornons-nous à indiquer les traits principaux : en septembre, la tendance générale, jusque là orientée à la hausse, se stabilise et paraît même esquisser un retournement. Dans la dernière semaine d’octobre éclate un véritable coup de tonnerre : une chute précipitée des cours, avec deux jours de véritable panique où les offres battent tous les records : le 24, où près de 13 millions de titres sont vendus ; et surtout le 29, où l’on vend 16 millions et demi de titres, et où l’indice des valeurs industrielles du New York Times perd 43 points, annulant les gains des 12 mois précédents. Et fait encore plus inusité, la chute de la Bourse va continuer, en cascades, pendant plusieurs années…»

Essais d’explication

«En fait, on peut observer qu’en Bourse la baisse suit inéluctablement la hausse. Il y a un cycle proprement boursier, auquel même les techniciens de la stabilisation de l’économie et des prix ne peuvent rien. On peut en rendre compte de la manière suivante : quand la valeur en Bourse d’une action industrielle monte rapidement, le dividende, même s’il augmente lui-même, ne peut suivre ; il en résulte que le taux de rendement de l’action diminue ; au bout d’un certain temps, l’action en question n’est plus un placement avantageux ; ceux qui cherchent un revenu dans leurs investissements, et non un gain en capital, cessent d’acheter et se mettent à vendre…

…Sans doute c’est un fait bien connu que psychologiquement la baisse appelle la baisse : ceux qui n’achètent des valeurs que pour profiter des plus-values boursières, cessent d’acheter et se mettent à vendre dès que la tendance se retourne…»

Jacques Néré, La crise de 1929, Paris, Armand Colin, 1973, p. 78-81.

 

Discours inaugural du président F. D. Roosevelt (4 mars 1933)

« Je suis certains que mes amis américains attendent qu’à l’occasion de mon installation à la présidence, je m’adresse à eux avec une franchise et une résolution que la situation présente de notre pays impose […]

Les cours des valeurs sont tombés à un niveau inimaginable ; les impôts se sont élevés ; nos possibilités de paiement se sont effondrées ; les moyens d’échange sont bloqués dans les canaux gelés du commerce ; les feuilles sèches de l’industrie jonchent partout le sol ; les fermiers ne trouvent plus de marchés pour leurs produits ; les économies amassées pendant de nombreuses années par des milliers de familles ont disparu.

Plus important encore : une foule de chômeurs ont à résoudre le terrible problème de l’existence, et un nombre tout aussi grand peine durement pour un salaire de misère. Seul un optimisme insensé peut nier les sombres réalités du moment.

Pourtant, notre détresse ne provient pas du manque de ressources. Nous ne sommes pas frappés par la plaie des sauterelles. La nature nous offre toujours ses largesses et les efforts humains les ont multipliées. L’abondance est à notre porte, mais la consommation s’affaiblit à la face de la production.

En premier lieu, la faute en incombe à ceux qui dirigent l’échange des biens de l’humanité : ils ont avoué leur échec et ont abdiqué. Les pratiques des changeurs du temple sans scrupules sont traduites devant le tribunal de l’opinion publique, rejetées par les cœurs et les esprits des hommes. En réalité, ils ont essayé, mais leurs tentatives se sont perdues en voulant suivre le modèle de schémas usés. Face à l’échec du crédit, ils n’ont proposé que de prêter davantage. Égarés par l’attrait du profit, par lequel ils ont conduit notre peuple dans une voie erronée, ils ont recours aux exhortations, implorant le retour à la confiance. Ils ne connaissent que les règles d’une génération d’égoïstes. Ils n’ont pas de vision d’avenir ; et quand il n’y a plus de vision d’avenir, le peuple est prêt de périr.

Notre plus grande tâche, la première, est de remettre le peuple au travail. Ce n’est pas un problème insoluble si nous l’affrontons avec sagesse et courage.

Elle peut s’accomplir en partie par une embauche directe par le gouvernement, en agissant comme en cas de guerre, mais en même temps en réalisant par cette embauche les travaux les plus nécessaires pour stimuler et réorganiser l’usage de nos ressources naturelles.

On peut travailler à cette tâche par des efforts précis pour élever les prix des produits agricoles, et avec eux le pouvoir d’achat qui absorbera la production de nos cités.

On peut y travailler en mettant un terme réel à la tragédie de la disparition croissante de nos petites entreprises et de nos fermes.

On peut y travailler en insistant pour amener les administrations fédérales, celles des États et les administrations locales, à réduire énergiquement leurs dépenses. On peut y travailler en unifiant les activités de secours qui souffrent encore aujourd’hui de dispersion, de gaspillage et d’inégalité. On peut y travailler en établissant un plan national et une surveillance de toutes les formes de transports et de communications et d’autres activités qui présentent nettement un caractère de service public.

On peut y travailler de bien des manières, mais jamais seulement en paroles. Il nous faut agir et agir vite.»

Cité dans H. S. Commanger, Documents of American History, vol II, p. 419-421.

Un autre extrait du même discours
Discours inaugural de F. D. Roosevelt (4 mars 1933)

« D’abord, laissez-moi vous dire que je suis intimement persuadé que la seule chose que nous ayons à craindre, c’est la crainte elle-même. Si nous comparons les dangers qui nous guettent avec ceux que nos ancêtres ont surmontés grâce à leur foi et à leur ignorance de la peur, nous pouvons encore nous montrer reconnaissants. La nature nous offre encore ses munificences et les efforts de l’homme les ont multipliées. L’abondance est à notre porte. La mesure de notre reconstruction dépendra de la façon dont nous saurons appliquer dans notre société d’autres valeurs plus nobles que les seuls profits mercantiles […] Mais la reconstruction ne se fera pas exclusivement par un changement des valeurs éthiques. La nation demande que l’on agisse et que l’on agisse tout de suite.
Notre grande tâche prioritaire est de remettre les gens au travail. Elle pourra être accomplie en partie à travers un recrutement direct du gouvernement, si ce dernier s’attelle à cette tâche comme il le ferait pour une situation d’urgence en pleine guerre […]
Nous pouvons faciliter la réalisation de cet objectif en accroissant les prix des produits agricoles et, avec eux, le pouvoir d’achat des agriculteurs. Nous pouvons la faciliter en insistant pour que le gouvernement fédéral, ceux des États et les gouvernements locaux agissent tout de suite pour réduire de façon draconienne leur propre coût de fonctionnement. Nous pouvons la faciliter en unifiant les activités de secours aux victimes de la crise […] Nous pouvons la faciliter en planifiant et en surveillant, au niveau national, toutes les formes de transport, de communications et de services qui ont manifestement un caractère d’intérêt public […]
Finalement, dans notre marche vers l’emploi, nous aurons besoin de deux garde-fous destinés à prévenir un retour des maléfices de l’ordre ancien: il devra y avoir une stricte surveillance de toutes les activités bancaires, financières et d’investissement; il faudra mettre un terme aux agissements de ceux qui spéculent avec l’argent des autres; il faudra s’assurer que notre devise sera à la fois adéquate et saine […]
Nos relations commerciales internationales, en dépit de leur extrême importance, ne sont, au regard de la situation actuelle et des impératifs qu’elle entraîne, que secondaire face à l’établissement d’une politique nationale saine […]
Il faut espérer que l’équilibre normal entre l’autorité de l’exécutif et celle du législatif sera parfaitement adéquate pour faire face à la tâche sans précédent à laquelle nous sommes confrontés. Mais au cas où le Congrès se montrerait incapable d’adopter ces mesures ou d’en proposer lui-même, et au cas où la situation nationale exigerait encore des décisions urgentes et critiques, je ne me déroberai pas devant la voie claire que me dictera le devoir. Je demanderai au Congrès les seules dispositions encore susceptibles de me permettre de faire face à la crise : un pouvoir exécutif assez large pour pouvoir mener une guerre contre nos difficultés […] »

Cité dans H. S. Commanger, Documents of American History, vol II, p. 419-421.

Un extrait plus court du même discours

«Notre tâche fondamentale, la plus importante, est de mettre les gens au travail. Ce n’est pas un problème insoluble si nous l’affrontons sagement et courageusement. Cela peut être accompli en partie grâce à un recrutement direct effectué par le gouvernement lui-même, en traitant la tâche comme nous traiterions le cas imprévu d’une guerre […]

Nous devons agir et agir vite […]

Je demanderai au Congrès l’unique instrument qui reste pour affronter la crise: un pouvoir exécutif étendu pour faire la guerre à cette situation critique.»

Cité dans J.-P. Martin et D. Royot, Histoire et Civilisation des États-Unis, Nathan, 1984, cité dans Histoire Géographie, initiation économique, 3e, Paris, Bordas, 1989, p. 45.

Un autre extrait du même discours

« […] À travers ce programme d’action, nous nous occupons de mettre en ordre notre demeure nationale et de rééquilibrer nos revenus. Nos relations commerciales internationales, pour importantes qu’elles soient, sont, en terme d’urgence et de nécessité, secondaires à l’établissement d’une économie nationale saine. Je n’épargnerai aucun effort pour rétablir le commerce mondial par des réajustements économiques internationaux, mais l’urgence dans notre pays ne saurait attendre.

L’idée fondamentale qui guide ces moyens spécifiques de redressement national n’est pas strictement nationaliste. C’est l’affirmation, en tant que première préoccupation, de l’interdépendance des divers éléments qui composent tout ou partie des États-Unis – la reconnaissance de l’ancienne et toujours prévalente manifestation de l’esprit américain du pionnier. C’est la voie du redressement. C’est la voie directe. C’est la plus solide assurance que ce redressement durera.

Dans le domaine de la politique internationale, j’engagerai ce pays dans une politique de bon voisinage – celle du voisin qui se respecte résolument lui-même et qui, de ce fait, respecte les droits des autres, du voisin qui respecte ses obligations et respecte l’inviolabilité de ses engagements dans et avec un monde de voisins […] »

Franklin D. Roosevelt, « Discours d’investiture à la présidence des États-Unis », Washington, 4 mars 1933, traduit par Pascale Haas, cité par Barack Obama, Franklin D. Roosevelt face à la crise. Paris, Seuil, coll. « Points », 2009.


Explosion du chômage en Allemagne


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Protestations communistes en France

Document 1 : Appel à la manifestation du Comité central des chômeurs diffusé dans L’Humanité (4 janvier 1932)

Thèmes abordés :

– Le chômage en France

– Les manifestations de chômeurs

– La faiblesse des indemnités

– Les revendications de la gauche (semaine de 40 heures)

– Les attentes vis-à-vis des gouvernements (mise en place de chantiers publics pour résoudre le chômage)

« Pour les industriels, pour les banques : des milliards. Pour les chômeurs : des aumônes de misère !

Le conseil général de la Seine et le conseil municipal de Paris ont bavardé sur notre misère mais ont surtout envisagé l’aide à apporter aux industriels et commerçants […]

Travailleurs encore occupés, suivez notre exemple, luttez pour vos revendications, résistez […], nous sommes prêts à vous soutenir dans votre lutte : nous ne serons pas des briseurs de grève !

Aux chômeurs de la région parisienne : accentuons notre lutte[…]

La réduction du temps de travail sans diminution de salaires comporte un moyen de lutte efficace contre le chômage.

En outre nous voulons:

1° Fonctionnement des fonds de chômage dans toutes les communes, sous le contrôle des comités de chômeurs ;[…]

4°Relèvement de l’indemnité de chômage […];

5° Organisation de travaux sur la base de plans précis établis dans chaque localité par les comités de chômeurs (aménagement de lotissements, construction d’écoles, etc.). Ces travaux seront payés au tarif syndical […]

Chômeurs de tout le pays, suivez notre exemple. C’est seulement par la lutte que vous vaincrez. Dirigez-vous en masse vers les municipalités et les préfectures pour imposer vos revendications […]

Tous la main dans la main !

Chômeurs français, ouvriers étrangers !

Ouvriers encore dans les usines !

Front unique pour l’aboutissement de vos revendications ! »

Document 2 : Article de Marcel Cachin, directeur de L’Humanité (12 janvier 1932)

Thèmes abordés :

– La crise politique (instabilité ministérielle, perte de confiance dans le personnel politique)

– La crise économique et sociale (chômage)

– Extrapolation : la progression des extrêmes dans ce contexte (ici, le communisme)

« La Chambre [des députés] expirante rentre aujourd’hui pour sa dernière session. Elle achèvera de mourir en six semaines dans les convulsions.

Au point de vue intérieur, le Parlement avoue sa carence et son aveuglement devant la crise économique dont les conséquences s’aggravent chaque jour. Les chômeurs réclament du travail ou du pain. Le gouvernement et les députés déclarent ne pouvoir leur donner ni l’un ni l’autre. Ils leur ont refusé l’assistance-chômage. Les sans-travail sont contraints dès lors de la conquérir dans la rue […]

En cette séance de rentrée, est-ce cette crise de détresse publique qui préoccupe les députés et la bourgeoisie ?

Non ! Ils se disputent autour de huit postes de vice-présidents et de seize postes de secrétaires. Le crétinisme parlementaire donne par là la mesure du discrédit du régime.

Et puis, un autre souci, celui-là d’ordre ministériel, hante les ombres du Palais Bourbon ! Le cabinet va-t-il donner sa démission collective ? […]

Les gens clairvoyants de la bourgeoisie proclament la nécessité d’une majorité élargie, d’un gouvernement d’union nationale autour de la mère bien malade.

Et certes, nulle différence sérieuse et fondamentale ne sépare les divers clans de gauche et de droite, tous empressés à la défense du capital et de l’impérialisme[…]

Chômage, crise économique sans fin, détresse générale des travailleurs, guerres impérialistes en Asie, préparation de grands conflits européens, menaces croissantes contre l’URSS, telles sont les circonstances au milieu desquelles les députés se livrent à la politique de couloirs la plus byzantine et la plus écœurante.

Le mal est si profond que les gouvernements divers de la bourgeoisie, quels qu’ils soient, avouent qu’ils n’ont plus aucun espoir de sauver leur régime. Ils ne sont qu’à prolonger sa vie par des expédients en écrasant de plus en plus les prolétaires et en les lançant à nouveau dans les aventures[…] »

Document 3 : Article de L’Humanité (22 juin 1933)

Thèmes abordés :

– La différence entre les chiffres officiels du chômage et les chiffres réels

– L’insuffisance des indemnités

Les chômeurs feront triompher le candidat du seul parti qui les défend.

« Le douzième arrondissement compte près de 12 000 chômeurs, dont 4 200 seulement sont inscrits au fonds de chômage.

A l’horizon, aucune amélioration à cette situation. Malgré les mensonges officiels, la crise s’aggrave et le nombre des chômeurs croît sans cesse.

Le gouvernement des « gauches » a fait bien des promesses aux chômeurs, mais, en même temps, il multipliait les barrières administratives pour empêcher les inscriptions au chômage.

Des radiations sont opérées pour les motifs les plus futiles, bien souvent même sans motif, et seule, dans le 12e, l’action du Comité des chômeurs a empêché les radiations massives qui étaient prévues […]

A la Chambre, la fraction parlementaire communiste a vigoureusement combattu pour l’assurance chômage et l’augmentation des indemnités […] »

Exemples de malthusianisme en France

« […] Il est interdit d’augmenter par exploitation les superficies ensemencées en blé par rapport à la moyenne des trois années précédentes […]
Art. 2.- Le Gouvernement, par décret rendu en Conseil des ministres, pourra réviser et limiter la liste des variétés de blé de semence qui pourront être mises en vente […]
Art. 6.- Le ministre de l’Agriculture est autorisé à résorber l’excédent des disponibilité en blé par des opérations d’achats directs, de dénaturation et d’exportation […]
Art. 26.- Jusqu’au 30 novembre 1935, seront reçues, dans les recettes buralistes des contributions indirectes ou des contributions diverses, des déclarations par lesquelles des viticulteurs prendront l’engagement d’arracher partie ou totalité de leurs vignes[…]
Art. 28.- Les viticulteurs qui prendront l’engagement de ne pas compenser leurs arrachages pendant un délai de trente ans compté du 30 novembre 1935, et de ne pas consacrer les terres sur lesquelles les arrachages doivent être opérés à la culture du tabac, du lin, de la betterave à sucre ou à distillerie, obtiendront […] une indemnité. »

Journal officiel , 25 décembre 1934 ; 31 juillet 1935

L’autarcie d’expansion

« L’autarcie d’expansion est l’ensemble des moyens employés par une nation pour donner plein développement et pleine efficacité à ses forces économiques, en réunissant dans sa sphère de domination effective des forces économiques étrangères […] L’espace vital dans le plan politique apparaît comme le symétrique de l’autarcie conquérante qui souhaite étendre progressivement ses prises et reculer ses frontières. D’espaces organisés en espaces organisés et provisoirement clos, la nation ou le peuple se dotent progressivement de moyens propres à préparer une expansion ultérieure.
L’autarcie de grands espaces est constituée sur une étendue aussi vaste que possible qui fournit à la fois produits alimentaires, matières premières, pouvoir d’achat […]
Le passif de l’opération découle de l’esprit qui l’anime. Qu’elle soit de grands espaces ou non, l’autarcie est l’affirmation d’une volonté de puissance. L’État dominant se sert d’autrui pour son accroissement et sa prospérité […] Il transpose au sein d’un capitalisme d’État autoritaire et planifié l’exploitation des groupes humains à l’échelle des nations.
Dans tout cela, pas de théorie économique, mais le programme ou la description d’une politique. L’autarcie dans son double contenu de repliement et d’expansion est un empirisme sans doctrine. Elle renie le postulat universaliste et l’échange pacifique sur lesquels était construite la théorie de l’échange international.

F. Perroux, Autarcie et expansion, Paris, 1940.

Les remèdes proposés par Keynes

Bien que cette théorie montre qu’il est d’une importance vitale d’attribuer à des organes centraux certains pouvoirs de direction aujourd’hui confiés pour la plupart à l’initiative privée, elle n’en respecte pas moins un large domaine de l’activité économique. En ce qui concerne la propension à consommer, l’État sera conduit à exercer sur elle une action directrice par sa politique fiscale, par la détermination du taux de l’intérêt, et peut-être aussi par d’autres moyens. Quant au flux d’investissement, il est peu probable que l’influence de la politique bancaire sur le taux de l’intérêt suffise à l’amener à sa valeur optimum. Aussi pensons-nous qu’une assez large socialisation de l’investissement s’avérera le seul moyen d’assurer approximativement le plein emploi, ce qui ne veut pas dire qu’il faille exclure les compromis et les formules de toutes sortes qui permettent à l’État de coopérer avec l’initiative privée. Mais à part cela, on ne voit aucune raison évidente qui justifie un socialisme d’État embrassant la majeure partie de la vie économique de la communauté. L’État n’a pas intérêt à se charger de la propriété des moyens de production. S’il est capable de déterminer le volume global des ressources consacrées à l’augmentation de ces moyens et le taux de base de la rémunération allouée à leurs détenteurs, il aura accompli tout le nécessaire. Les mesures indispensables de socialisation peuvent d’ailleurs être appliquées d’une façon graduelle et sans bouleverser les traditions générales de la société. »

J. M. Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la demande, Payot, 1942.

G. Pirou, économiste libéral («La crise du capitalisme», conférence du 6 avril 1936), évoque une explication marxiste de la crise :

«[…] le monde souffre de sous-consommation, parce que les ouvriers n’ont pas un pouvoir d’achat suffisant pour racheter sur le marché l’équivalent des produits qu’ils créent, cependant que, de leur côté, les patrons saturés ne peuvent consommer tout ce qu’ils gagnent […] Elle [cette thèse] rencontre un écho dans l’opinion, lorsqu’elle souligne le scandale qui naît de la coexistence entre une production excessive qu’il faut détruire parce qu’elle ne trouve pas preneur, et la misère des masses populaires sur une grande partie du globe […] Au cours des derniers mois, il a été détruit volontairement dans le monde 900 000 wagons de blé, 150 000 wagons de riz; aux États-Unis, 6 millions de porcs, 600 000 vaches, 20 millions de tonnes de viandes de conserve ; (etc.)»

Discours sur l’état de l’Union de janvier 1938La State of the Union Address, ou discours sur l’état de l’Union, est le discours prononcé en janvier par chaque président américain.

Remarque : ce texte a été traduit par des élèves de la classe 3Sa du collègeLycée en Suisse. de Saussure au printemps 2000 dans le cadre d’un travail de groupe. Les extraits choisis de l’original anglais trouvé sur Internet sont donnés en-dessous. Cette traduction, corrigée pour quelques petits détails par mes soins sur des suggestions de Laurence Hauck, n’est pas professionnelle, mais elle mérite votre intérêt et votre indulgence… Vous pouvez de vous-même l’amender sur certains points !

Discours sur l’état de l’Union de Franklin Delano Roosevelt, janvier 1938.

Il faut augmenter les salaires …

« […] Notre survie nationale repose sur deux forces de productions à peu près équivalentes – l’agriculture et l’industrie – chacune d’entre elles employant un tiers de nos citoyens. Le dernier tiers transporte et distribue les produits des deux premiers tiers ou fournit des services spéciaux pour le tout. La première grande force, l’agriculture – et avec elle la production de bois, de minerai et d’autres ressources naturelles – s’est développée avec tant d’acharnement et si peu de retenue que nous avons vu des déserts gagner du terrain, les inondations détruire, les arbres disparaître, et le sol s’épuiser.

En même temps nous avons découvert qu’un grand nombre de notre paysannerie vit dans une pauvreté plus abjecte que celle de la plupart des fermiers européens, que nous n’allons pas appeler paysans ; que les prix de nos produits agricoles dépendent trop souvent de la spéculation de groupes non agricoles : et que les nations étrangères, désireuses de devenir autonomes ou prêtes à mettre la terre vierge sous la charrue, n’achètent plus nos excédents de coton, de blé, de saindoux, de tabac et de fruit comme elles le faisaient jadis […]

Relever le pouvoir d’achat du fermier n’est, cependant, pas assez. Il ne restera pas élevé si nous ne relevons pas également celui du tiers de la nation qui reçoit son revenu de l’emploi industriel. Des millions d’ouvriers américains reçoivent un salaire tellement bas qu’ils ont peu de pouvoir d’achat. Hormis le fait incontestable qu’ils souffrent de ces grandes difficultés humaines, ils ne peuvent pas acheter une nourriture suffisante, un abri adéquat et des soins sanitaires, ou acheter leur part de produits manufacturés […]

Je reviens encore sur le fait que le pouvoir d’achat national doit aujourd’hui augmenter. Si vous augmentez ce pouvoir d’achat pour les paysans et pour les ouvriers – en particulier ceux dans les deux groupes qui possèdent le plus bas pouvoir d’achat – vous augmenterez donc le pouvoir d’achat des ces professions qui servent ces groupes, et par conséquent de ceux de ces professions qui servent tous les groupes. J’ai essayé de vous exposer clairement, et à travers vous au peuple des États-Unis, que c’est une urgence à laquelle on doit répondre par une action complète et non partielle.

Si l’on y répond ; si le pouvoir d’achat de la nation dans l’ensemble – en d’autres termes, le total du revenu de la nation – peut être encore plus augmenté, d’autres résultats heureux découleront d’une telle augmentation […]

Pour des raisons économiques et sociales, notre intérêt principal pour le futur proche se résume en deux points : tout d’abord, l’avantage immédiat d’augmenter les salaires des groupes les moins rémunérés dans toute industrie ; et en second lieu, en raisonnant davantage en termes de salaire du travailleur pendant une période annuelle plutôt qu’en termes de sa rémunération horaire ou journalière […]»

Extraits de l’original

State of the Union Address, Jan. 1938

 » […] Our national life rests on two nearly equal producing forces – agriculture and industry – each employing one-third of our citizens. The other third transports and distributes the products of the first two or performs special services for the whole.

The first great force, agriculture – and with it the production of timber, minerals, and other natural resources – went forward feverishly without restraint and we saw deserts encroach, floods destroy, trees disappear, and soil exhausted.

At the same time we have been discovering that vast numbers of our farming population live in a poverty more abject than that of many of the farmers of Europe, whom we are wont to call peasants ; that the prices of our products of agriculture are too often dependent on speculation by non-farming groups ; and that foreign nations, eager to become self-sustaining or ready to put virgin land under the plow, are no longer buying our surpluses of cotton and wheat and lard and tobacco and fruit as they had before […]

To raise the purchasing power of the farmer is, however, not enough. It will not stay raised if we do not also raise the purchasing power of that third of the Nation which receives its income from industrial employment. Millions of American workers receive pay so low that they have little buying power. Aside from the undoubted fact that they thereby suffer great human hardship, they are unable to buy adequate food and shelter, to maintain health, or to buy their share of manufactured goods […]

Again I revert to the increase of national purchasing power as an underlying necessity of the day. If you increase that purchasing power for the farmers and for the industrial workers – especially those in both groups who have the least of it today – you will therefore increase the purchasing power of the those professions which serve these groups, and therefore those of those professions who serve all groups. I have tried to make clear to you, and through you to the people of the United States, that this is an urgency which must be met by complete and not by partial action.

If it is met ; if the purchasing power of the Nation as a whole – in other words, the total of the Nation’s income – can be still further increased, other happy results will flow from such an increase […]

For economic and social reasons, our principal interest for the near future lies along two lines: First, the immediate desirability of increasing the wages of the lowest paid groups in all industry; and second, in thinking more in terms of the worker’s total pay for a period of a whole year rather than in terms of his remuneration by the hour or the day […] »

G. Welling, «Franklin Delano Roosevelt – State of the Union Address, 1938», in http://odur.let.rug.nl/~usa/P/fr32/speeches/su38fdr.htm (original en entier)

« Discours de la quarantaine »

« […] La paix, la liberté et la sécurité de 90% de la population du monde est compromise par les 10% restants, qui menace de décomposition l’ensemble de la loi internationale et de l’ordre mondial. Il est certain que les 90% qui veulent vivre en paix dans le respect de la loi et en accord avec les standards moraux qui ont été quasiment acceptés universellement à travers les siècles peuvent et doivent trouver un moyen pour faire prévaloir leur volonté.

Il est vrai que la conscience morale du monde doit reconnaître l’importance de l’élimination des injustices et des griefs bien fondés. Mais dans le même temps, nous devons stimuler la nécessité cardinale d’honorer la sainteté des traités, de respecter les droits et les libertés d’autrui et de mettre un terme aux actes d’agression internationale.

Il semble être malheureusement vrai qu’une épidémie mondiale d’irrespect de la loi et du droit soit en train de s’étendre. Quand une maladie commence à se propager, la communauté approuve et se joint à une mise en quarantaine des malades afin de protéger sa santé de l’extension de la maladie […]

La guerre […] peut engloutir les États et les peuples lointains qui sont pourtant éloignés du champ de bataille initial. Nous sommes déterminés à tenir la guerre à l’écart, mais nous ne pouvons pas nous prémunir de ses effets désastreux ni des risques d’y être impliqués […]

Si la civilisation doit survivre, les principes du Prince de la Paix [l’enfant Jésus] doivent être rétablis […] Mais le plus important de tout, c’est que la volonté de paix des nations qui en sont éprises doit s’exprimer afin que les nations qui peuvent être tentées de violer les accords qu’elles ont signés et les droits d’autrui y renoncent […]. L’Amérique hait la guerre. L’Amérique espère la paix. Par conséquent, l’Amérique s’engagera activement dans la recherche de celle-ci. »

Franklin Delano ROOSEVELT, « Discours à Chicago », 5 octobre 1937, traduction de B. Littardi, source : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=15476&st=&st1=#axzz1hSWrdN4s [consulté le 30 mars 2012], Roosevelt pense certainement au Japon, l’Italie et l’Allemagne, http://en.wikipedia.org/wiki/Quarantine_Speech . Volonté de paix des nations qui en sont éprises doit s’exprimer afin que les nations qui peuvent être tentées de violer les accords qu’elles ont signés et les droits d’autrui y renoncent […]. L’Amérique hait la guerre. L’Amérique espère la paix. Par conséquent, l’Amérique s’engagera activement dans la recherche de celle-ci. »

Franklin Delano Roosevelt, « Discours à Chicago », 5 octobre 1937, traduction de B. Littardi, source : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=15476&st=&st1=#axzz1hSWrdN4s [consulté le 30 mars 2012]. Roosevelt pense certainement au Japon, l’Italie et l’Allemagne, http://en.wikipedia.org/wiki/Quarantine_Speech .

La crise des années 1930
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