On sait peu de choses sur l’auteur Al-Harawi. Né à Mossoul et décédé à Alep en 1215, il fut un grand voyageur et un mystique. Il a pu également être chargé de missions politiques. Il est l’auteur, entre autres, d’un Guide des lieux de pèlerinage et d’un petit traité, Le Mémoire d’al-Hawari sur les ruses de guerre, dont est issu le texte ci-dessous.
Divisé en 24 chapitres, l’ouvrage délivre des conseils aux princes, tant en matière de gouvernance que dans l’art de mener la guerre. Aya Majdi, dans sa belle préface à la réédition de ce petit livre (Abibakr Al Harawi, Stratagèmes de guerre, Éditions Rivage poche, 2025, p. 7) écrit que « ce bref traité de stratégie militaire du XIIe siècle (…), est peut-être, comme ses lointains et illustres équivalents (Le Prince et L’Art de la guerre, ndlr), l’un de ces ouvrages de l’heure appelés à survivre aux circonstances qui les ont vu naître, en produit intemporel des vicissitudes de l’histoire« .
Dans le premier chapitre, Al-Harawi dresse le portrait de celui qui, selon lui, serait un « sultan idéal », agissant avec justice et réparant « les brisés », « celui dont le nom reste gravé en bien dans les mémoires et dont s’inspirent ses successeurs ».
« La première chose qui incombe au souverain est de connaître l’ampleur des bénédictions que Dieu lui a octroyées ainsi que la bienveillance dont il l’entoure. Et qu’il sache que la plus haute grâce, celle qui est à la fois la plus élevée, bénéfique et précieuse, comprend les intérêts de l’islam et des musulmans, le développement des frontières des monothéismes, l’examen attentif des affaires des sujets, et dans l’élaboration des lois régissant les créatures. Tout cela repose sur un croyant choisi par Dieu Tout-Puissant parmi ses fidèles, qu’il rend puissant dans son pays, dont il fait son légataire et qu’il assiste dans sa mission. Cela,afin d’éliminer les injustices, de châtier les injustes, de secourir ceux qui souffrent, de dispenser le bienfait, de réparer les brisés, de libérer les captifs, de rendre justice à ceux qui sont opprimés face à leurs bourreaux et de distinguer entre l’ignorant et le sage tout en ne s’épargnant aucun effort pour préserver le fruit de l’islam et garantir la régularité des affaires humaines. Une fois qu’il sera conscient de cela, qu’il le comprendra, qu’il aura médité ce fait et qu’il l’aura assimilé, il lui incombe de recevoir les grâces de Dieu Très-Haut par l’expression de sa gratitude, de son obéissance et de sa bienfaisance envers ses sujets, mais en répandant la justice tout en s’opposant à l’injustice et à l’iniquité, mais encore en ordonnant le bien et en interdisant le mal, en appliquant les châtiments ordonnés par Dieu et en vivifiant la voie du Prophète, que la bénédiction et la paix de Dieu soient sur lui. En agissant ainsi, Dieu préservera ce qu’Il lui a accordé, sera son gardien contre ses ennemis, et lui apportera assistance dans l’adversité tout en veillant sur lui. Tout cela vient de la grâce divine.
Et qu’il sache que c’est par la justice que se consolide l’ordre des affaires, tandis que l’injustice mène à leur ruine. Le plus heureux des souverains est celui dont le nom reste gravé en bien dans les mémoires et dont s’inspirent ses successeurs »
Tiré de Abibakr Al Harawi, Stratagèmes de guerre, éditions Rivage poche, 2025, extrait p. 27-28 (traduit de l’arabe par Aya Majdi).

