La guerre civile espagnole s’internationalisa rapidement par l’intervention de l’Italie fasciste, de l’Allemagne nazie, puis de l’URSS stalinienne. Le document que nous présentons constitue un des premiers  jalons de cette internationalisation de la guerre d’Espagne, considérée comme le prélude à la Seconde Guerre mondiale.

Il s’agit du texte de la lettre que le général Franco adressa le 23 juillet 1936 au chancelier allemand Adolf Hitler. Moins d’une semaine après le soulèvement militaire contre le gouvernement républicain, Franco, stationné et bloqué avec ses troupes au Maroc espagnol, s’adressa directement au chancelier nazi pour solliciter un soutien logistique et militaire. 

Hitler reçut la lettre par l’intermédiaire de Johannes Bernhardt, un homme d’affaires fidèle au régime nazi qui travaillait au Maroc espagnol. Bernhardt la lui remit en personne dans la nuit du 25 au 26 juillet 1936 à Bayreuth, où Hitler venait d’assister à une représentation de l’opéra de Wagner, Siegfried.

Peut-être particulièrement bien disposé après sa bonne soirée à l’opéra,  le Führer décida de répondre favorablement à la demande de ce général espagnol quasi inconnu. Mais il fit plus, puisqu’il fournit 20 avions de transport Junkers Ju 52, le double de ce que demandait Franco, 6 avions de chasse Heinkel He 51, en plus de diverses fournitures militaires. 

Cette aide est considérée comme décisive pour plusieurs raisons :

  • Grâce aux avions allemands, Franco a  pu réaliser, en août 1936, ce qui constitue le pont aérien militaire de l’histoire, au-dessus du détroit de Gibraltar, et ainsi transporter ses troupes (au moins 14 000 hommes) vers la péninsule, qu’il s’agissait de conquérir.
  • L’aide allemande accordée au général Franco, et à lui seul, lui donna  un avantage décisif face aux autres généraux rebelles, ce qui lui permit, deux mois plus tard, de s’imposer comme le  chef unique du camp national

Cette aide du régime nazi accordée au général Franco dans sa lutte idéologique « contre la démocratie corrompue  et contre les forces destructrices du communisme » n’est qu’une première étape, bientôt suivie d’une intervention militaire directe en Espagne de la légion Condor. C’est aussi le début d’un compagnonnage entre les deux dictateurs qui a duré au moins jusqu’en 1943.


« Votre Excellence,

Notre mouvement national et militaire a pour objectif de  lutter contre la démocratie corrompue dans notre pays et contre les forces destructrices du communisme, organisées sous le commandement de la Russie. Je me permets de m’adresser à Votre Excellence par cette lettre, qui vous sera remise par deux messieurs allemands qui partagent avec nous ces événements tragiques actuels. Tous les bons  Espagnols sont fermement résolus  à entreprendre ce grand combat, pour le bien de l’Espagne et de l’Europe. Le transport rapide de nos forces militaires aguerries du Maroc vers la péninsule ibérique se heurte à de sérieuses difficultés, liées à la déloyauté de la Marine espagnole.

En ma qualité de commandant supérieur de ces forces, je prie Votre Excellence de me fournir les moyens de transport aérien suivants :

10 avions de transport de la plus grande capacité possible ; je sollicite également :

20 canons antiaériens de 20 mm

6 avions de chasse Heinkel

Une quantité maximale de mitrailleuses et de fusils, avec leurs munitions en abondance. 

Également des bombes aériennes de différents types, jusqu’à 500 kg.

Excellence, l’Espagne a toujours honoré ses engagements tout au long de son histoire.

Général Francisco Franco, 23 juillet 1936.

 

Traduction proposée par Gilles Legroux


Version originale de la lettre en espagnol

« Excelencia,

Nuestro movimiento nacional y militar tiene como objeto la lucha contra la democracia corrupta en nuestro país y contra las fuerzas destructivas del comunismo, organizadas bajo el mando de Rusia. Me permito dirigirme a V.E. con esta carta, que le será entregada por dos señores alemanes, que comparten con nosotros los trágicos acontecimientos actuales. Todos los buenos españoles se han decidido firmemente a empezar esta gran lucha, para el bien de España y de Europa. Existen severas dificultades de transportar rápidamente a la Península las bien comprobadas fuerzas militares de Marruecos, por falta de lealtad de la Marina de Guerra Española.

En mi calidad de jefe superior de estas fuerzas ruego a V.E. me facilite los siguientes medios de transporte aéreo:

10 aviones de transporte de la mayor capacidad posible; además solicito:

20 piezas antiaéreas de 20 mm

6 aviones de caza « Heinkel »

La cantidad máxima de ametralladoras y de fusiles con sus municiones en abundancia. 

Además bombas aéreas de varios tipos, hasta 500 kgs.

Excelencia, España ha cumplido en toda su historia con sus compromisos. »

General Francisco Franco, el 23 de julio de 1936.