L’Église catholique a payé un lourd tribut à la guerre civile qui a déchiré l’Espagne pendant près de 3 ans. Ce sont près de 7000 membres du clergé (évêques, prêtres, religieux et religieuses) qui furent assassinés. Ces massacres se produisirent, dans leur immense majorité, pendant les premiers mois de la guerre et dans le camp républicain ; ils furent perpétrés par des milices populaires qui agissaient pour leur propre compte, dans un climat propice au déchaînement de la violence sans frein.
Cependant, l’Église catholique ne fut pas seulement victime, mais aussi actrice de la guerre civile, avec un engagement et un soutien fervent et presque unanime au camp franquiste. C’est ce que relatent les textes présentés.
La traduction des textes en français est proposée par Gilles Legroux. Les textes originaux en espagnol sont à la fin de l’article.
Texte nº1
En 1936, l’évêque de Salamanque Enrique Pla y Deniel (1876-1968) est une des personnalités les plus influentes de l’Église catholique espagnole. Quand la guerre civile éclate le 18 juillet 1936, l’évêque prend fait et cause pour le camp des rebelles. Franco ayant installé provisoirement son quartier général à Salamanque, l’évêque lui cède généreusement sa résidence du palais épiscopal et son secrétaire particulier, le père Bulart, devient le chapelain particulier du général Franco. C’est dire la proximité des deux hommes.
La lettre pastorale rédigée par l’évêque de Salamanque Pla y Deniel revêt une importance particulière. Elle est datée du 30 septembre 1936, soit un jour avant que Franco ne soit nommé officiellement chef de l’État espagnol et Generalissimo. La lettre pastorale « les deux cités » est censée s’adresser aux catholiques du diocèse de Salamanque, mais compte tenu de l’importance acquise par son auteur, par son contenu et son argumentation, elle s’adresse en réalité à tous les Espagnols catholiques.
La lettre pastorale vise à légitimer le soulèvement militaire contre la République et la violence ainsi déchaînée. Sans surprise, l’évêque présente la rébellion comme un acte de défense contre la menace de révolution communiste. Si les violences politiques et les actes de vandalisme contre l’Église sont une réalité sous la Seconde République, rappelons que les violences ne viennent pas seulement de la gauche, mais aussi de la droite ; le Parti communiste espagnol n’a obtenu aux élections de février 1936 que 17 sièges sur 473 ; les destructions et les violences des mois qui précèdent le soulèvement militaire sont sans commune mesure avec celles qui seront engendrées par la guerre civile.
L’évêque, surtout, définit le conflit en cours comme une croisade contre le communisme. Le terme de croisade a évidemment une résonance particulière dans un pays catholique comme l’Espagne, profondément marquée par la Reconquista. Cela contribue à faire du soulèvement contre la République un nouveau chapitre de la glorieuse histoire de l’Espagne ; un chapitre que sont en train d’écrire les combattants du camp franquiste, qui, dans cette vision des choses, ne sont plus des rebelles, mais de « nouveaux croisés » prêts à sacrifier leur vie en « martyrs » « pour Dieu et pour l’Espagne ».
Cette pastorale marque ainsi un des premiers jalons de l’alliance entre « le sabre et le goupillon » qui sera l’un des piliers les plus solides de la dictature franquiste pendant 40 ans.
Lettre pastorale « les deux cités » de l’évêque de Salamanque Enrique Pla y Deniel (extraits) publiée le 30 septembre 1936/(extraits)
[…] L’année 1936 marquera une époque, comme un jalon, dans l’histoire de l’Espagne. Elle s’ouvrit par des signes avant-coureurs de tempête ; et se déchaîna bientôt comme un ouragan ; des églises et des maisons dédiées à la Vierge Marie commencèrent à brûler ; et ici et là, des victimes allaient tomber, chaque fois de manière plus tragique et plus épouvantable. La vengeance se substituait à la justice ; les institutions de l’État ne parvenaient pas à rétablir l’ordre public, même par des moyens extraordinaires. Les vainqueurs de la lutte électorale débordaient le gouvernement qu’ils avaient eux-mêmes imposé et menaçaient d’une révolution communiste imminente . Ils avaient même converti les enfants en pionniers de cette révolution, en mettant entre leurs lèvres tendres le slogan fatidique : « Nous sommes les enfants de Lénine ! » […]
La menace de la révolution a engendré la contre-révolution ; et ce sont elles qui s’affrontent aujourd’hui dans une lutte épique dans notre Espagne, devenue un spectacle pour le monde entier, qui l’observe non pas en simple spectateur, mais avec passion, car il voit clairement que sur le sol espagnol, deux conceptions de la vie, deux sentiments, deux forces s’affrontent, des forces qui fourbissent leurs armes pour une lutte universelle entre tous les peuples de la terre, les deux cités que le génie de l’Aigle d’Hippone, père de la philosophie historique, saint Augustin, a si merveilleusement décrites dans son immortelle Cité de Dieu : deux amours qui ont fait deux cités, l’une terrestre, l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’autre céleste, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. Ces deux amours, que l’on trouve toujours en germe dans l’humanité à travers tous les temps, ont atteint leur plénitude dans les jours que nous vivons dans notre Espagne. Le communisme et l’anarchisme sont une idolâtrie de soi qui en arrive mépris, à la haine de Dieu Notre Seigneur ; Et face à eux, ont fleuri de façon inattendue l’héroïsme et le martyre, qui dans un amour exalté offre leur propre vie en sacrifice et en holocauste à l’Espagne et à Dieu. […]
Comment expliquer alors que les prélats espagnols aient soutenu le soulèvement actuel et que le pape lui-même ait béni les combattants de l’un des deux camps ? L’explication réside dans la nature même de ce conflit, qui fait de l’Espagne un spectacle pour le monde entier. Si il revêt l’apparence d’une guerre civile, il s’agit en réalité d’une croisade. Ce fut un soulèvement, non pour perturber l’ordre établi, mais pour le rétablir. […]
Comment pourrions- nous, face à la menace communiste en Espagne, alors qu’il ne s’agit pas d’une guerre dynastique ou d’une lutte pour le pouvoir, mais d’une croisade contre le communisme pour sauver la religion, la patrie et la famille, ne pas remettre nos croix pectorales et bénir les nouveaux croisés du XXe siècle et leurs glorieux drapeaux, qui ne sont autres que le glorieux drapeau traditionnel de l’Espagne ? […]
La guerre, parce qu’elle engendre inévitablement une série de maux, n’est licite que lorsqu’elle est nécessaire. Mais la guerre, comme la souffrance, est une formidable école pour forger les hommes. N’avons-nous pas contemplé avec admiration et étonnement, en plein XXe siècle, alors que nous avions tellement déploré la frivolité, le relâchement des mœurs et l’effeminement doux et délicat, contemplé avec admiration et étonnement l’élan ardent et héroïque de milliers de jeunes hommes qui, dans les diverses milices de volontaires, s’en vont offrir généreusement leur vie sur les champs de bataille pour leur Dieu et pour l’Espagne ? Ah ! Nous qui entrons maintenant dans la vieillesse, espérons avec confiance que la génération des jeunes anciens combattants de cette croisade sera meilleure que celles de la fin du XIXe et du début de l’actuel. Celui qui a courageusement risqué sa vie pour Dieu et pour l’Espagne ne sera-t-il pas plus à même d’accomplir ses devoirs religieux et civiques, qui représentent un sacrifice bien moindre que celui de sa propre vie ? Celui qui, face aux communistes durant la guerre, a arboré sur sa poitrine médailles et insignes religieux ainsi que des rubans aux couleurs du drapeau national, n’aura plus jamais honte de sa foi après le glorieux triomphe. […]
Évêque Enrique Pla y Deniel, lettre pastorale « les deux cités », Salamanque, 30 septembre 1936
Les textes présentés sont issus des mémoires de Gumersindo de Estella (1880-1974) publiées en 2003, près de 30 ans après sa mort, sous le titre « Fusilados en Zaragoza 1936-1939 Tres años de asistencia espiritual a los reos » (Fusillés à Saragosse 1936-1939 trois ans d’assistance spirituelle aux prisonniers).
Gumersindo de Estella est un religieux franciscain de l’ordre des Capucins depuis 1900. En juillet 1936, au début de la guerre civile, il est membre d’une communauté religieuse des capucins à Pampelune. En septembre 1936, il est transféré vers un monastère de Saragosse, capitale de l’Aragon. Dans ses mémoires, Gumersindo se définit comme apolitique, mais il désapprouve l’engagement de la hiérarchie catholique en faveur de Franco et l’idéologie de la croisade qui justifie le soulèvement contre la République.
Le premier extrait décrit une messe de dimanche de Pâques célébrée dans la prison, où religion et politique sont imbriquées. Le deuxième évoque le cas d’un curé délateur, dont nous préférons croire que ce fut une exception.
Extrait nº1 : une messe de Pâques très politique
Le lendemain, c’était le [dimanche] 1er mai [1938] ; c’était une journée désignée et annoncée dans la presse de Saragosse pour la célébration de Pâques par la population carcérale. Cette fête, comme l’année précédente, mêlait religion et politique. Se rendirent à la prison le capitaine général, le maire de la ville et le gouverneur civil, accompagnés d’un important cortège et d’autres autorités subalternes. L’enceinte où on allait célébrer la messe et la communion était décoré de drapeaux espagnols et de drapeaux de la Phalange. L’autel était dressé sur un palier où convergeaient plusieurs galeries (celles du premier étage) abritant des cellules ; il était également visible depuis les couloirs du rez-de-chaussée. Les prisonniers qui allaient communier étaient alignés en formation stricte dans ces couloirs. Ils étaient 1 250. Peu comparé au nombre total de détenus. Ce petit nombre révèle l’échec du prêtre jésuite qui leur avait prêché. Le curé de Santa Engracia, paroisse où se trouve la prison, a célébré la messe. Dès le début de la distribution de la communion, j’observais si dans les lignes de ceux qui s’approchaient il y avait M. Carrascosa. Et en effet, je le vis communier avec recueillement chrétien.
La messe s’acheva et l’orchestre commença à jouer une série de marches : la marche royale, la marche de la Phalange, la marche des Requetés. Les trois devaient être chantées en chœur par les pauvres prisonniers, qui devaient rester debout, la main droite levée grande ouverte. [salut fasciste adopté par les franquistes]
Je suis descendu au rez-de-chaussée. J’ai cherché M. Carrascosa. Je l’ai longuement serré dans mes bras, profondément ému. Il l’était aussi. C’est vraiment une personne d’une grande bonté. Je l’ai félicité, lui disant qu’il était courageux car il avait su ignorer et vaincre la crainte du « qu’en diront mes amis ».
« Je suppose « , me dit-il, « que quelque chose ne vous a pas plu. »
« Vous devinez avec l’œil d’un homme sérieux et avisé ; et je vous le dis, en effet, ces drapeaux sont de trop dans cette cérémonie, et ces marches m’ont cassé les oreilles, car la politique doit rester à l’écart de ce genre de cérémonie, et aussi parce que de telles choses sont une épreuve et une pilule amère à avaler pour vous tous ; et en cette occasion, rien ne doit être chanté ni exhibé qui puisse troubler ou perturber la paix de l’âme de celui qui communie. Mon ami Carrascosa ! Les hommes sont si petits ; Dieu seul est grand… ! »
« En vérité, dit-il, tout cela nous irrite et nous trouble l’âme. Ces drapeaux représentent nos ennemis, ceux qui nous tiennent enchaînés ; et ce sont des instruments de haine qui perpétuent la haine à notre égard. Pourquoi les placent-ils sous nos yeux alors que nous ne voulons nous souvenir que de Dieu et de sa religion, qui est amour ? Veulent-ils nous préparer à pardonner à nos ennemis ? Ils s’y prennent mal par cette voie. Et ils ne dureront pas longtemps… »
— Rien, rien. Méprisons les artifices humains, les ambitions des hommes…
— Père, les choses ne tarderont pas à changer dans quelques années. Je vous l’assure…
« Et alors vous redeviendrez gouverneur », lui dis-je sur le ton de la plaisanterie.
« Je ne serai pas gouverneur ; je serai bien plus. Et je vous promets que je ne vous oublierai pas. Je n’aurai guère de pouvoir si je ne n’arrive pas à faire de vous un évêque. »
« Mais cela ne pourra pas se faire ; car si vous me nommez évêque, je ne pourrai plus me mêler aux pauvres, aux prisonniers, je devrai porter des habits de soie et je ne pourrai plus attraper de poux… »
« Mais, mon Père, les évêques alors ne seront pas comme ceux de maintenant. Vous pourrez vous habiller simplement, vous mêler au gitan le plus humble et à n’importe quel autre misérable, et attraper toutes sortes de parasites. »
« Si ça sera ainsi», dis-je en riant, « j’accepte la mitre de votre main. »
Nous nous sommes dit au revoir car on nous appelait pour le petit-déjeuner. Beaucoup s’approchaient de moi pour me serrer la main. Je leur serrais la main, en leur disant que j’étais honoré de leur amitié ; et que, s’il y avait quoi que ce soit que je puisse faire pour eux, ils pouvaient faire appel à moi comme à leur serviteur.
Je rendis visite à mon ami Carrascosa à plusieurs reprises jusqu’au jour où on me dit dans la prison : « Il a été transféré à la prison de Burgos. »
Cela me fit beaucoup de peine.
Gumersindo de Estella, Fusilados de Zaragoza – tres años de asistencia espiritual a los reos, 2003, p. 116-117
Extrait nº2 : un curé délateur
14 mai [1938], samedi, un fusillé
C’est le mois des fleurs ! Il se déroule bien tragiquement à Saragosse et en Espagne.. !
Le prisonnier d’aujourd’hui était un milicien de la République. Il m’a dit qu’il avait 33 ans, qu’il était marié ; qu’il avait trois enfants : et que son père et sa mère étaient encore vivants.
Lorsque je l’ai invité à des actions spirituelles, il m’a dit qu’il avait été toute sa vie un bon pratiquant de la religion, mais qu’en voyant les prêtres mêlés à la politique et au Mouvement de Franco, il avait cessé d’aller à l’église. Il a dit être originaire de Villahermosa, un village de la province de Castellón de la Plana. Manifestant une profonde indignation, il m’a dit que le curé l’avait dénoncé et qu’il allait mourir fusillé à cause du curé. Ce prisonnier ne mentait pas, car le juge m’a dit ensuite, qu’effectivment, il avait été dénoncé par un prêtre. « Et si on me tue à cause d’un curé, comment voulez-vous que j’aille me confesser… ? La religion me tue, et vous voulez que je pratique la religion?.. » […]Aujourd’hui, par la faute de beaucoup de pasteurs de l’Eglise, d’innombrables brebis s’égarent du troupeau de Jésus-Christ. Par la faute, l’incompréhension ou la brutalité de tant de pasteurs, le sang si précieux de Jésus-Christ est perdu. À cause de la haine politique qui empoisonne nombre de prêtres, ou à cause de l’eesprit de vengeance contre ceux qu’ils désignent comme des « rouges », ceux-ci sont persuadés que la religion les tue, les poursuit ou les hait. Et il n’y pas moyen de convaincre ces malheureux, que la religion ou l’Église n’a pas engagé un duel à mort contre eux. […]
Gumersindo de Estella, Fusilados de Zaragoza – tres años de asistencia espiritual a los reos, 2003, p.122
Extractos de la carta pastoral « las dos ciudades », 30 de septiembre de 1936
[…] El año 1936 señalará época, como piedra miliar, en la historia de España. Se abrió con presagios de tempestad; y se desencadenó bien pronto huracanada; y comenzaron a arder templos y Casas de vírgenes del Señor; y acá y allá iban cayendo víctimas cada vez en forma más trágica y desaforada. A la justicia sustituía la venganza; los órganos estatales no lograban ni aun con medios extraordinarios la normalidad del orden ciudadano. Los vencedores en una lucha de comicios desbordaban al Gobierno por ellos mismos impuesto y amenazaban con una próxima revolución comunista. Aun a los niños convertían en pioneros de la misma, poniendo en sus tiernos labios el fatídico canto ¡Somos hijos de Lenin! […]
Al apuntar la revolución ha suscitado la contrarrevolución; y ellas son las que hoy están en lucha épica en nuestra España, hecha espectáculo para el mundo entero, que la contempla no como simple espectador, sino con apasionamiento,, porque bien ve que en el suelo de España luchan hoy cruentamente dos concepciones de la vida, dos sentimientos, dos fuerzas que están aprestadas para una lucha universal en todos los pueblos de la tierra, las dos ciudades que el genio del águila de Hipona, padre de la Filosofía de la Historia, San Agustín, describió maravillosamente en su inmortal Ciudad de Dios: dos amores hicieron dos ciudades, la terrena el amor de sí hasta el desprecio de Dios, la celeste el amor de Dios hasta el desprecio propio. Estos dos amores, que en germen se hallan siempre en la humanidad en todos los tiempos, han llegado a su plenitud en los días que vivimos en nuestra España. El comunismo y anarquismo son la idolatría propia hasta llegar al desprecio, al odio a Dios Nuestro Señor; y enfrente de ellos han florecido de manera insospechada el heroísmo y el martirio que en amor exaltado a España y a Dios ofrecen en sacrificio y holocausto la propia vida. […]
¿Cómo se explica, pues, que hayan apoyado el actual alzamiento los Prelados españoles, y el mismo Romano Pontífice haya bendecido a los quel uchan en uno de los dos campos? La explicación plenísima nos la da el carácter de la actual lucha que convierte a España en espectáculo para el mundo entero. Reviste, sí, la forma externa de una guerra civil, pero en realidad es una cruzada. Fué una sublevación, pero no para perturbar, sino para restablecer el orden. […]
Cómo ante el peligro comunista en España, cuando no se trata de una guerra por cuestiones dinásticas, ni formas de gobiernos, sino de una cruzada contra el comunismo para salvar la religión, la patria y la familia no hemos de entregar los obispos nuestros pectorales y bendecir a los nuevos cruzados del siglo XX y sus gloriosas enseñas, que son por otra parte la gloriosa bandera tradicional de España? […]
La guerra, por acarrear una serie inevitable de males sólo es lícita cuando es necesaria. Pero la guerra, como el dolor, es una gran escuela forjadora de hombres. ¿No estamos contemplando con admiración y asombro en pleno siglo XX, cuando tanto habíamos estado lamentando la frivolidad y relajamiento de costumbres y la afeminación muelle y regalada, el ardoroso y heroico arranque de tantos millares de jóvenes que en las distintas milicias voluntarias van generosamente a ofrendar sus vidas en los frentes de batalla por su Dios y por España? ¡Ah! nosotros, al entrar ya en la senectud, esperamos confiadamente que la generación de los jóvenes excombatientes de esta Cruzada será mejor que las generaciones de las postrimerías del siglo XIX y principios del actual. ¿Quien valientemente ha expuesto su vida por Dios y por España no será mejor cumplidor de sus deberes religiosos y ciudadanos que representan un sacrificio mucho menor que la vida? ¿Quién ante los comunistas en la guerra ha ostentado en su pecho las medallas e insignias religiosas juntamente con los lazos de los colores de la bandera nacional, se avergonzará ya jamás de su fe por un vil respeto humano después del glorioso triunfo? […]
Obispo Enrique Pla y Deniel, carta pastoral « las dos ciudades », Salamanca, 30 de septiembre de 1936
Una misa muy política
El día siguiente era 1 de mayo; día señalado y anunciado en la prensa de Zaragoza para el cumplimiento pascual de la población penal. Tal fiesta, lo mismo este año que el anterior, fue mezcla de religión y de política. Acudió a la prisión el capitán general, el alcalde de la ciudad, el gobernador civil, todos ellos con mucho séquito y con otras autoridades subalternas. El recinto en que se iba a celebrar la misa y comunión estaba adornado con banderas españolas y con banderas de Falange. El altar se erigió en un descansillo al que convergen varias galerías (las del primer piso) en las que hay celdas; y que también se veía desde los tránsitos de la planta baja. En estos tránsitos fueron colocados en rigurosa formación los presos que iban a comulgar. Eran mil doscientos cincuenta. Pocos con relación al número de encarcelados. Este escaso número pregona el fracaso del padre jesuita que les predicó. Celebró la misa el Sr. Párroco de la de Santa Engracia, en cuya jurisdicción está la cárcel. Comenzada la distribución de comunión, me fijaba yo si en las líneas de los que se acercaban estaba el Sr. Carrascosa. Y en efecto: le vi comulgar con cristiano recogimiento.
Terminose la misa; y comenzó la música a ejecutar una serie de marchas: la marcha real; la de Falange; la de requetés. Y las tres tenían que ser coreadas por los pobres presos, los cuales tuvieron que estar con la mano derecha levantada bien abierta.
Descendí a la planta baja. Busqué al Sr. Carrascosa. Le di un abrazo largo, sintiendo viva emoción. También se emocionó él. Es un corazonazo. Le felicité, le dije que era un valiente porque supo despreciar y vencer el temor al «qué dirán mis amigos».
-Ya adivino -me dijo él que a Vd. no le ha parecido bien una cosa.
-Adivina Vd. con vista de hombre formal y juicioso; y yo le digo que, en efecto, esas banderas sobran en este acto, y que esas marchas me han corroído los oídos y las entrañas, porque la política debe estar muy lejos de esta clase de actos, y también porque esas cosas son un reto y un trágala a todos Vds.; y en este acto nada se debe cantar ni exhibir que pueda molestar o turbar la paz del alma al que comulga. ¡Amigo Carrascosa! Los hombres son muy pequeños; ¡Dios solo es grande…!
-En verdad -dijo él, que todo eso nos molesta y nos turba el alma. Esas banderas capitanean a nuestros enemigos, a los que nos tienen encadenados; y son un instrumento de odio y mantienen el odio con-tra nosotros. ¿Por qué nos las ponen ante los ojos cuando nosotros no queremos acordarnos más que de Dios y de su religión que es amor? ¿Así quieren prepararnos para perdonar a nuestros enemigos? Por este camino van mal. Y no pueden durar muchos años…
-Nada, nada. Sintamos desprecio para los artificios humanos, para las ambiciones de los hombres…
-Padre, no pasarán muchos años sin que venga cambio de cosas. Yo le aseguro a Vd….
-Entonces Vd. volverá a ser gobernador – le dije en tono de broma.
-No seré gobernador; seré algo más. Y yo le prometo a Vd. que no le echaré en olvido. Poco habré de poder si no consigo hacerle obispo.
-Pero esto no podrá ser; porque si Vd. me hace a mi obispo, yo no podré alternar con los pobres, con los encarcelados, tendré que vestir hábitos de seda y no podré coger piojos…
-Pero, padre, los obispos entonces no serán como los de ahora. Se podrá vestir Vd. sencillamente, alternar con el último gitano y con cualquier desgraciado, podrá Vd. coger toda clase de parásitos.
-Si ha de ser así – le dije riéndome-, acepto una mitra de mano de Vd.
Nos despedimos, porque llamaron a desayunar. Muchos se me acercaban estrechando mi mano. Y yo se la apretaba diciéndoles que me honraba con su amistad; y que si en algo podía me mandasen como a criado suyo.
Varias veces visité a mi amigo Carrascosa hasta que un día me dijeron en la prisión: «Ha sido trasladado al penal de Burgos».
Lo sentí muy de veras.
Gumersindo de Estella, Fusilados de Zaragoza – tres años de asistencia espiritual a los reos, 2003, p.116-117
Un cura delator
14 de mayo, sábado, un fusilado
¡El mes de las flores! ¡Bien trágico va transcurriendo en Zaragoza y en España!
El reo de este día era un miliciano de la República. Me dijo que tenía 33 años; que era casado; que tenía tres hijos; y además vivían su padre y su madre.
Al invitarle a actos espirituales, me dijo que durante toda su vida había practicado bien la religión ; pero al ver a los curas mezclados en la política y Movimiento de Franco, cesó de asistir a la iglesia. Era él, según se expresó, de Villahermosa, pueblo de Castellón de la Plana. Manifestando profunda indignación, me dijo que el cura le había delatado y que moría fusilado por culpa del cura. No mentía este reo, porque el juez también me dijo que, en efecto, había sido delatado por un sacerdote. « Y si por culpa de un cura me matan, ¿cómo quiere Vd que me confiese…? A mí me mata la religión, ¿quiere Vd. que yo practique que la religión…?». […]Hoy por culpa de muchísimos pastores de la Iglesia, se están perdiendo muchísimas ovejas del redil de Jesucristo. Por culpa e incomprensión o brutalidad de muchísimos pastores se malogra la sangre preciosísima de Jesucristo. Por los odios políticos de que están envenenados muchos sacerdotes o por su espíritu de revancha contra los denominados rojos, éstos están persuadidos de que la religión les mata o sea la Iglesia no tiene entablado duelo a muerte contra ellos. […]
Gumersindo de Estella, Fusilados de Zaragoza – tres años de asistencia espiritual a los reos, 2003, p. 122

