19 textes

LE MASSACRE DE BOSTON

Dès 1768 des troupes anglaises sont envoyées à Boston pour empêcher la contrebande. Les colons sont mécontents de cette présence, et dès janvier 1770 des bagarres ont éclaté. Le 5 mars c’est le drame. Un habitant de la ville, membre des Fils de la Liberté, raconte :

 » Je vis le capitaine Preston à la tête de 6 ou 8 soldats disposés en cercle, le fusil à la hauteur de la poitrine, baïonnette au canon ; le capitaine se tenait devant les fusils. Je vins à lui immédiatement et lui demandai si les fusils étaient chargés. Il me répondit qu’ils étaient avec de la poudre et des balles. Je lui dis : j’espère que vous n’avez pas l’intention de les décharger sur les habitants. Sa réponse fut : en aucune façon (…). Je vis à ce moment une boule de neige ou un morceau de glace tomber parmi les soldats ; le soldat à la droite de l’officier recula et déchargea son arme, puis quelques secondes plus tard le soldat à sa gauche, et tous les autres l’un après l’autre. Après le premier coup, j’entendis le mot « Feu! », mais qui le prononça, je n’en sais rien. Après le premier coup, l’officier avait tout son temps pour interdire aux autres soldats de tirer ; je ne l’ai pas entendu leur parler (…).  »

Le capitaine témoigne à son tour :

« Lundi soir vers 8 heures, deux soldats furent attaqués et rossés (…). Vers 9 heures, des sentinelles vinrent m’informer que les habitants de la ville se rassemblaient pour attaquer les troupes, que les cloches sonnaient pour donner le signal (…). Quelques minutes plus tard, je rejoignis les gardes ; une centaine de personnes se dirigeaient vers la Douane où l’on dépose l’argent du roi. Elles entourèrent immédiatement la sentinelle et menacèrent de se venger sur elle avec leurs bâtons et d’autres armes. Un citadin m’informa que leur intention était de s’emparer du soldat et probablement de le mettre à mort (…). La foule ne cessait d’augmenter et devenait plus violente, donnant des coups de bâton et de gourdin, et lançait des cris: « Venez donc. racaille. dos saignants. scélérats. homards [les soldats britanniques portaient une tunique rouge] ; tirez si vous l’osez, tirez et allez au diable, nous savons que vous n’oserez pas.  »

Preston essaie de parlementer, la foule se fait menaçante. Le capitaine exprime son intention de ne pas tirer.

« Pendant que je parlais, l’un des soldats reçut un coup de bâton, fit un pas sur le côté et immédiatement tira. Je me tournais vers lui et lui demandai pourquoi il avait tiré sans ordres. Je fus frappé par un gourdin sur le bras, ce qui me priva de son usage pour quelque temps mais aurait pu, si j’avais reçu le coup sur la tête, me tuer. A ce moment-là, mes hommes subirent une attaque générale à coup de bâton, on leur lança des boules de neige. Nos vies étaient menacés. Quelques personnes se mirent à cirer derrière nous: « Nom de nom, pourquoi ne tirez-vous pas ? » Immédiatement, trois ou quatre soldats firent feu, l’un après l’autre puis d’autres encore au milieu de la même confusion.  »

(Extrait de John Miller, « Sam Adams, a Pioneer in Propaganda ».

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Le lundi 5 septembre 1774, les délégués de 12 colonies (seule la Géorgie est absente) se réunissent à PhiIadelphie en Congrès. Le Congrès adopte le 14 une série d’adresses [1] au Roi, aux Américains, etc. John Jay, député de New York, jeune avocat et futur homme d’Etat important, fait adopter une adresse au peuple de la Grande-Bretagne :

« Quand une nation qui a été conduite à la grandeur par la main de la liberté, et qui est en possession de toute la gloire que peuvent donner l’héroïsme, la munificence [2] et l’humanité, descend à la tâche ingrate de forger des chaînes pour ses amis et ses enfants ; quand, au lieu de soutenir la liberté, elle se fait l’avocat de la servitude et de l’oppression, on a raison de soupçonner que cette nation a cessé d’être vertueuse, ou qu’elle est singulièrement négligente dans le choix de ceux qui la gouvernent.
Dans tous les siècles, au milieu des conflits sans nombre, parmi des guerres longues et sanglantes soutenues au dedans et au dehors contre les attaques de puissants ennemis, contre la trahison d’amis dangereux, les Anglais, vos grands et glorieux ancêtres, ont maintenu leur indépendance. Ils vous ont transmis, à vous leur postérité, les droits de l’homme et les bienfaits de la liberté.
Nous sommes fils de mêmes aïeux ; nos pères ont eu leur part de ces droits, de ces libertés, de cette Constitution dont vous êtes si justement fiers ; (…).
Sachez donc que nous nous regardons comme devant être aussi libres que nos concitoyens de la Grande-Bretagne ; nous le sommes, et nous avons droit de l’être. Nul pouvoir sur la terre n’a le droit de nous prendre notre propriété sans notre consentement.
(…)
Nous croyons que chez le peuple anglais il y a encore beaucoup de justice, beaucoup de vertu, beaucoup d’esprit public. C’est à cette justice que nous en appelons. On vous répète que nous sommes des séditieux, impatients de gouvernement, avides d’indépendance. Ce sont des calomnies. Permettez-nous d’être aussi libres que vous l’êtes, nous regarderons toujours notre union avec vous comme notre plus grande gloire et notre plus grand bonheur ; nous serons toujours prêts à contribuer de toutes nos forces à la prospérité de l’Empire. Vos ennemis seront les nôtres, votre intérêt sera notre intérêt.
(…)
Replacez-vous dans la situation où nous étions après la dernière guerre, et l’ancienne harmonie sera rétablie. »

John Jay, Adresse au Peuple de la Grande­Bretagne, 1774 (traduit par M. Devèze et R. Marx, Textes et documents d’histoire moderne, Paris : S.E.D.E.S., 1967, pp. 379-381).

[1] Une adresse : une requête qui exprime les voeux, les sentiments d’une assemblée politique, le plus souvent destinée au roi, ici au peuple.
[2] La munificence : la grandeur dans la générosité, la largesse.

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LES RÉSOLUTIONS DU « STAMP ACT CONGRESS » (19 octobre 1765)

« Les membres du Congrès éprouvent sincèrement les plus vifs sentiments d’affection et de devoir envers la personne et le gouvernement de Sa Majesté ; (…) ils sont profondément sensibles aux difficultés actuelles et imminentes des colonies britanniques de ce continent. Ayant étudié avec autant de réflexion que l’heure le permet la situation desdites colonies, ils estiment qu’ils ont l’indispensable devoir de proclamer leurs humbles opinions au sujet des libertés et droits fondamentaux des colons et des souffrances qu’il endurent à la suite des lois récemment votées par le Parlement.
1. Les Sujets de Sa Majesté dans les colonies doivent la même allégeance à la Couronne de Grande-Bretagne que les sujets du royaume, et toute la soumission due au Parlement de Grande-Bretagne.
2. Les sujets-liges de sa Majesté dans les colonies peuvent prétendre à tous les droits et libertés inaliénables des sujets du royaume de Grande-Bretagne.
3. La liberté d’un peuple et le droit reconnu des Anglais sont fondés essentiellement sur le fait qu’aucun impôt ne peut être décidé sans leur consentement ou celui de leurs représentants.
4. Le peuple des colonies n’est pas et, de par les circonstances locales, ne peut pas être représenté à la Chambre des Communes de Grande-Bretagne.
5. Les seuls représentant des colonies sont leurs élus. Aucun impôt n’a jamais et ne peut être constitutionnellement exigé d’elles, sinon par leurs assemblées législatives
6. Toutes les rentrées fiscales de la Couronne sont des dons gratuits du peuple. Il n’est pas raisonnable ni conforme aux principes et à l’esprit de la Constitution britannique que le peuple britannique attribue à sa Majesté les biens des colons.
7. Tout jugement par jury est un droit inaliénable et inestimable de tout sujet britannique des colonies.
8. La dernière loi du Parlement, intitulée « loi pour décider et lever certains droits de timbres et autres droits dans les colonies et plantations d’Amérique » par l’imposition des habitants des colonies, et les autres lois qui étendent la juridiction des cours d’Amirauté poursuivent manifestement le but de détruire les droits et les libertés des colons.
9. Les impôts décidés par les dernières lois du Parlement seront, du fait de la situation particulière des colonies, extrêmement accablants et dangereux. La rareté du métal monétaire rendra impossible leur paiement.
10. La Grande-Bretagne tire finalement des colonies des revenus commerciaux. En payant pour les produits qu’elles doivent acheter là-bas, les colonies contribuent largement aux revenus de la Couronne.
11. Les restrictions frappant leur commerce, décidées par les dernières lois du Parlement, rendront les colonies incapables d’acheter les produits de la Grande-Bretagne.
12. Le développement, la propriété et le bonheur des colonies dépendent de la jouissance libre et entière de leurs droits et libertés, et de leurs relations avec la Grande-Bretagne dans l’affection et l’intérêt des deux parties.
13. Les sujets britanniques des colonies ont le droit d’adresser des pétitions au roi et au Parlement.
En conclusion, les colonies ont l’indispensable devoir à l’égard du meilleur des souverains, de la mère patrie et d’eux-mêmes, de s’employer, par une adresse loyale et respectueuse à Sa Majesté, par d’humbles supplications au Parlement, à obtenir l’abrogation de la « Loi pour décider et lever… » et de toutes les décisions parlementaires étendant la juridiction de l’Amirauté ainsi que des autres lois récentes qui restreignent le commerce américain. »

Cité dans Henry S. COMMAGER, Documents of American History, New York, Appelton-Croft-Century, 8e ed., 1968, t I.p. 57-58.

Extrait un peu plus court du même texte

Neuf colonies sur 13 envoyèrent 27 représentants au Stamp Act Congress réuni à New York, qui prit les résolutions suivantes le 19 octobre 1765 :

« Les membres du Congrès éprouvent sincèrement les plus vifs sentiments d’affection et de devoir envers la personne et le gouvernement de Sa Majesté [le roi] ; (…) ils sont profondément sensibles aux difficultés actuelles et imminentes des colonies britanniques de ce continent. Ayant étudié avec autant de réflexion que l’heure le permet la situation desdites colonies, ils estiment qu’ils ont l’indispensable devoir de proclamer leurs humbles opinions au sujet des libertés et droits fondamentaux des colons et des souffrances qu’ils endurent à la suite des lois récemment votées par le Parlement [de Londres].
1. Les Sujets de Sa Majesté dans les colonies doivent la même allégeance à la Couronne de Grande-Bretagne que les sujets du royaume, et toute la soumission due au Parlement de Grande-Bretagne.
(…)
3. La liberté d’un peuple et le droit reconnu des Anglais sont fondés essentiellement sur le fait qu’aucun impôt ne peut être décidé sans leur consentement ou celui de leurs représentants.
(…)
5. Les seuls représentant des colonies sont leurs élus. Aucun impôt n’a jamais et ne peut être constitutionnellement exigé d’elles, sinon par leurs assemblées législatives. (…)
8. La dernière loi du Parlement, intitulée « loi pour décider et lever certains droits de timbres et autres droits dans les colonies et plantations d’Amérique » par l’imposition des habitants des colonies, [… et d’autres lois] poursuivent manifestement le but de détruire les droits et les libertés des colons.
(…)
11. Les restrictions frappant leur commerce, décidées par les dernières lois du Parlement, rendront les colonies incapables d’acheter les produits de la Grande-Bretagne.
12. Le développement, la propriété et le bonheur des colonies dépendent de la jouissance libre et entière de leurs droits et libertés, et de leurs relations avec la Grande-Bretagne dans l’affection et l’intérêt des deux parties.
13. Les sujets britanniques des colonies ont le droit d’adresser des pétitions au roi et au Parlement.
En conclusion, les colonies ont l’indispensable devoir à l’égard du meilleur des souverains, de la mère patrie et d’eux-mêmes, de s’employer, par une adresse [1]  loyale et respectueuse à Sa Majesté, par d’humbles supplications au Parlement, à obtenir l’abrogation de la « Loi pour décider et lever… » et de toutes les décisions parlementaires (…) ainsi que des autres lois récentes qui restreignent le commerce américain. »

Cité dans Henry S. COMMAGER, Documents of American History, New York, Appelton-Croft-Century, 8e ed., 1968, t I.p. 57-58.

[1] Une adresse : une requête qui exprime les voeux, les sentiments d’une assemblée.

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ÉMEUTE ET BOYCOTT

1765 . La lutte contre le Stamp Act revêt aussi une forme violente. Dans des villes comme New York, la foule intervient. Autre exemple: à Boston elle apprend par les journaux que Andrew Oliver (= représentant du gouvernement anglais) vient d’être chargé de vendre le papier timbré, donc de percevoir le droit du timbre.

 » Quelques jours plus tard, une effigie rembourrée est pendue à un arbre, appelé le grand arbre dans la partie sud de Boston (plus tard désigné sous le nom d’arbre de la Liberté). Des pancartes indiquaient qu’il s’agissait du distributeur des timbres. Les gens, qui passaient par là, s’arrêtaient pour voir et la rumeur amena les autres à venir de tous les quartiers de la ville, beaucoup même des villes environnantes (…). Avant la nuit, l’image fut enlevée et transportée dans la maison communale, où siégeaient le gouverneur et le Conseil. Quarante ou cinquante commerçants, décemment habillés, la précédaient. Une foule de plusieurs milliers descendit King Street jusqu’à l’entrepôt d’Oliver, près duquel M. Oliver avait fait construire dernièrement un bâtiment qu’il destinait, croyait-on, au bureau des timbres. L’entrepôt fut rasé en quelques minutes. Puis la foule se dirigea vers Fort Hill, mais la maison de M Oliver se trouvant sur le chemin elle tenta de s’y engouffrer et n’y parvenant pas elle brisa les fenêtres, démolit les portes, entra, saccagea une partie de l’ameublement et poursuivit l’émeute jusqu’à minuit.  »

Comme si l’avertissement n’était pas suffisant :

 » Dans la soirée du 26 août, la foule se rassembla dans King Street, attirée par un grand feu et bien approvisionnée de boissons fortes. Elle vint perturber la maison du comptable de l’amirauté, mit un peu plus à mal celle du contrôleur des douanes, dont elle pilla les vins et les alcools, et se rendit, avec une rage due à l’ivresse, jusqu’à la maison du lieutenant-gouverneur. Les portes furent immédiatement brisées à coups de hache, ce qui ouvrit, en même temps que par les fenêtres, un chemin à la foule. En un instant elle emplit la maison.  »

(Extrait de John Denovo, « Selected Readings »).

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Les raisons d’une révolte : le refus des taxes

Audition de l’Américain Benjamin Franklin, en 1766, au sujet du droit de timbre imposé par le roi d’Angleterre.

« Q: Quel est votre nom et lieu de résidence

R: Franklin, de Philadelphie.

Q: Les Américains paient-ils des taxes ?

R : Oui, beaucoup, et des taxes très lourdes.

Q: Dans quel but sont levées ces taxes ?

R : Pour subvenir aux établissements civils et militaires et pour résorber les lourdes dettes contractées pendant la dernière guerre*.

Q: Le peuple est-il en mesure de payer ces taxes

R : Non. Les régions frontières tout le long du continent ont été fréquemment ravagées par l’ennemi, très appauvries et elles ne peuvent payer que peu de taxes (…)

Q : Pensez-vous que le peuple d’Amérique paierait des droits de timbre s’ils sont modérés ?

R: Non, jamais, sauf contraint par la force des armes. »

* Il s’agit de la Guerre de Sept Ans menée contre la France et l’Autriche de 1756 à 1763 et qui s’est déroulée en partie au Canada.

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BOSTON TEA PARTY

Après une période d’accalmie, la crise latente ouverte entre les colonies américaines et le gouvernement anglais s’est réveillée en 1773. Pour aider la Compagnie des Indes à écouler ses stocks de thé, autorisation lui avait été donnée de les vendre directement en Amérique. Les marchands de thé américains se sont alors lnsurgés, et à Boston quelques jeunes gens déguisés en Peaux-Rouges ont jeté à la mer la cargaison de trois navires :

« Aussi incertaine que soit notre situation, le calme actuel des gens est tel qu’ un étranger pourrait difficilement croire qu’avant hier, pendant la nuit, ou plutôt le soir, dix mille livres de thé de la Compagnie des Indes ont été détruites; et pourtant, c’est tout à fait vrai…

Tout fut organisé très régulièrement et très rapidement… Jeudi matin, à dix heures, dans le temple Old South, notre ville et toutes celles des environs avaient organisé une assemblée générale et tous avaient voté unanimement que les cargaisons de thé devraient quitter le port dans l’après midi ; ils envoyèrent une délégation et M. Rotch, propriétaire d’un des bateaux, à la maison des douanes pour demander un permis de sortie. Le contrôleur leur répondit qu’il n’avait pas le pouvoir de le leur accorder, avant que les droits aient été au préalable payés. Ils envoyèrent alors M. Rotch à Milton pour demander un laissez passer du gouverneur qui leur répondit que « selon les règles du gouvernement et son devoir envers le roi, il ne pouvait pas accorder un laissez passer avant qu’ils aient produit un permis de sortie venant du bureau des douanes ».

M. Rotch revint donc avec ce message… et le lut ; il y eut alors de tels cris que, bien que je fusse alors chez moi en train de boire mon thé, je décidai de sortir pour voir ce qu’il se passait. Il y avait alors tant de gens dans le temple que je ne pus pas aller plus loin que le porche où le président était en train de dire que l’assemblée était dissoute ; de grands cris s’élevèrent alors à l’intérieur et à l’extérieur, et trois hourras… je rentrai chez moi sans rien dire pour terminer mon thé, mais on vint rapidement me dire qu’il se passait quelque chose ; ne voulant rien croire avant de l’avoir vu de mes propres yeux, je sortis pour satisfaire ma curiosité. On me dit que deux cents personnes environ s’étaient rassemblées sur Fort Hill et descendaient deux par deux au port Griffin où le Hall, le Bruce et le Coffin sont à quai, avec cent quatorze caisses de ce malheureux produit à bord; les deux premiers n’avaient que ce produit, mais le dernier, arrivé la veille, était chargé de beaucoup d’autres choses qu’ils prirent grand soin de ne pas endommager; avant neuf heures du soir, toutes les caisses étaient mises en pièces et jetées par dessus bord.

On dit que ceux qui l’ont fait sont des Indiens de la baie de Narragansett. Vrai ou faux, ils apparaissaient comme tels à celui qui les regardait. Ils étaient vêtus de couvertures, avec la tête entourée d’une écharpe et leur teint était cuivré ; chacun tenait à la main une petite hache et un pistolet… et personne ne comprenait ce qu’ils disaient. Personne ne fut molesté, à l’exception d’un certain capitaine Connor, un loueur de chevaux d’ici, arrivé depuis quelques années de notre chère Irlande, qui avait décousu la doublure de son manteau et celle de sa veste et avait profité de l’occasion pour les remplir de thé ; mais ils s’en aperçurent et le traitèrent assez durement. Ils lui ôtèrent ses vêtements, le recouvrirent de boue, et par dessus le marché le blessèrent grièvement. Et c’est uniquement parce qu’ils n’avaient pas du tout envie de créer davantage de désordre qu’ils ne l’ont pas enduit de goudron et de plumes. »

Extraits de John Anderson : Lettres.

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JOHN ADAMS DECRIT LA « BOSTON TEA PARTY »

(lettre du 17 décembre 1773)

« La nuit dernière, trois cargaisons de thé de Chine furent jetées à la mer. Ce matin, un navire de guerre fait voile.
C’est la manifestation la plus magnifique de toutes. Dans ce dernier effort des Patriotes, il y a une dignité, une majesté, une sublimité que j’admire grandement. Le peuple ne devrait jamais se soulever sans accomplir quelque chose de mémorable, de remarquable et de frappant. La destruction du thé est hardie, courageuse, intrépide, déterminée à tel point que je ne puis pas ne pas la considérer comme une page épique de notre histoire.
Néanmoins, c’est une atteinte à la Propriété. Une autre manifestation du pouvoir populaire de la sorte pourrait bien détruire des vies. Bien des gens souhaitent qu’il y ait autant de cadavres flottant dans les eaux du port que de caisses de thé. Un plus petit nombre de vies suffirait pourtant à supprimer les causes de nos malheurs.
Le plaisir malicieux qu’ont pris le gouverneur Hutchinson, les consignataires du thé et les officiers des douanes à noter la détresse du peuple, sa lutte pour faire retourner le thé à Londres et finalement la destruction du thé, tout cela n’a pas manqué d’étonner. Il est difficile d’imaginer des hommes si endurcis et qui s’abandonnent à tel point à leurs sentiments.
Quelles mesures le Ministère va-t-il prendre à la suite de ces événements ? S’en irritera-t-il ? Osera-t-il s’en irriter ? Nous punira-t-il ? Comment ? En mettant des troupes en garnison chez nous ? En annulant la charte ? En décidant d’autres taxes ? En limitant notre commerce ? En sacrifiant quelques personnes ? Que fera-t-il ?
La question est de savoir si la destruction du thé était nécessaire. Je crois très fermement qu’elle l’était ; elle était indispensable. Il ne pouvait pas être réexpédié : le gouverneur, l’amiral, la douane ne l’auraient pas accepté. Ils avaient le pouvoir de garder le thé, mais il ne pouvait pas dépasser le fort ni quitter les bateaux de guerre. Il fallait trancher l’alternative : le détruire ou le débarquer. Le laisser débarquer, c’était se soumettre au principe de l’imposition par le Parlement, contre lequel le continent lutte depuis dix ans. C’était renoncer à dix ans d’efforts. C’était nous soumettre, nous et notre postérité, pour toujours aux contremaîtres égyptiens – aux exactions, aux indignités, aux reproches et au mépris, à la désolation et à l’oppression, à la pauvreté et à la servitude. »

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LA RÉVOLUTION AMÉRICAINE VUE PAR L’ANGLAIS THOMAS PAINE (1737-1809)

Un récent émigrant venu de Grande-Bretagne, Thomas Paine, ami de Benjamin Franklin, écrivit ce texte publié en 1776 qui sera vendu à plus de cent mille exemplaires.

 » O vous amis de l’humanité ! Vous qui osez vous opposer non seulement à la tyrannie mais au tyran, avancez-vous ! L’oppression ravage chaque recoin du Vieux Monde. La liberté a été pourchassée sur toute la surface du globe. L’Asie et l’Afrique l’ont bannie depuis longtemps. L’Europe la regarde comme une étrangère, et l’Angleterre lui a signifié son congé. Ah! recueillez la fugitive et préparez à temps un asile pour le genre humain (…)
Nul homme ne souhaitait la réconciliation plus ardemment que moi avant la date fatidique du 19 avril 1775, mais à l’instant même où furent annoncés les événements de la journée, je pris le parti de renier à jamais le Pharaon endurci et morose d’Angleterre et de mépriser le scélérat qui, soi-disant père de son peuple, apprend sans broncher la nouvelle du massacre de ses sujets et s’endort en paix, l’âme toute maculée de leur sang.
Un seul honnête homme a plus de valeur pour la société, et au regard de Dieu, que tous les brigands couronnés de l’histoire. (…)
Le soleil n’a jamais éclairé une aussi grande et digne cause. Ce n’est point le sujet d’un jour, d’une année ou d’un siècle : la postérité entière est de fait mêlée à cette querelle et elle se ressentira peu ou prou, jusqu’à la fin des âges, de nos faits et gestes d’aujourd’hui. »

(Thomas Paine, cité dans Bernard Vincent, Thomas Paine ou La religion de la liberté, Aubier, Paris 1987.)

Suite et autres extraits du même texte

« Le soleil n’a jamais éclairé une aussi grande cause. Ce n’est point l’affaire d’une ville, d’un comté, d’une province, d’un royaume, mais d’un continent, de la huitième partie du globe habitable. Ce n’est point l’intérêt d’un jour, d’une année, d’un siècle : la postérité entière est comprise dans cette querelle, et elle se ressentira jusqu’à la fin des âges de la manière dont nous la terminerons. (…)
On dit que l’Angleterre est « notre mère », mais il se trouve que c’est faux, ou seulement partiellement vrai. Les mots de « parents » et de « mère patrie » ont été adoptés par ces jésuites que sont le roi et ses parasites : leur dessein d’une bassesse toute papiste était de prédisposer en leur faveur la crédulité de nos esprits non prévenus. C’est l’Europe, et non pas l’Angleterre, qui est la mère patrie de l’Amérique. (…)
C’est pendant la jeunesse des nations, autant que celle des individus, qu’on doit semer les graines des bonnes habitudes. Dans cinquante ans, il sera sans doute difficile, sinon impossible, de former un gouvernement unique sur ce continent. (…) C’est pourquoi le moment présent est le bon moment pour l’établir. (…) Nous sommes à ce moment particulier qui n’arrive aux nations qu’une seule fois ; c’est le moment de constituer un gouvernement. La plupart des nations ont laissé échapper l’occasion. (…)
Le sang des victimes appelle; la voix éplorée de la nature s’écrie : « il est temps de rompre. » (…) L’autorité de la Grande-Bretagne sur ce continent est une forme de gouvernement qui, tôt ou tard, doit avoir une fin. (…) Il est en notre pouvoir de recommencer le monde. »

Thomas Paine, Le bon sens (Common Sense) , paru le 10 janvier 1776 (extraits, traduction de l’anglais)

(Cité par E. Marientras, Les mythes fondateurs de la Nation américaine, Maspéro éd., pp.63-66, 109 et repris dans Jacques Bouillon et coll., Le XIXe siècle et ses racines, histoire/seconde, Bordas, Paris, 1981, p. 99)

idem…

Le règne de la loi

« Mais où donc, disent certains, est le roi de l’Amérique ? Je vous dirai, ami, qu’il règne au-dessus, qu’il ne détruit pas l’humanité comme la Brute royale de Grande-Bretagne. Pour que nous ne donnions pas l’impression de renoncer aux honneurs terrestres, réservons un jour solennellement pour la proclamation de la Charte ; mettons en avant la Loi divine, le Mot de Dieu ; couronnons-la et que le monde apprenne que, dans la mesure où nous approuvons le régime monarchique, c’est la loi qui règne en Amérique. Dans les gouvernements absolus, le roi est la loi ; dans les gouvernements libres, la loi doit être le roi. »

Thomas Paine, Le Sens Commun, 1776.

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Un gouvernement issu de la société

« Nous pouvons définir une république, ou du moins recourir à cette expression, comme un gouvernement qui dérive tous ses pouvoirs, directement ou indirectement, du peuple ; qui est géré par des personnes remplissant leurs charges autant qu’il leur plaît, dans le cadre d’une période limitée, ou autant que leur conduite est satisfaisante. Il est essentiel à un tel gouvernement qu’il soit issu de la société tout entière, et non d’une partie seulement ou d’une classe privilégiée ; sinon, une poignée de nobles tyranniques, exerçant leur oppression par la délégation de leurs pouvoirs, pourraient aspirer au rang de républicains et réclamer pour leur gouvernement l’honorable titre de république. Il suffit à un tel gouvernement que les personnes qui le dirigent soient désignées, directement ou indirectement, par le peuple. »

Extrait de James Madison, in Le Fédéraliste, No 39.

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Les colonies américaines et la tentation de la révolte (1774)

Le lundi 5 septembre 1774, les délégués de 12 colonies (seule la Géorgie est absente) se réunissent à PhiIadelphie en Congrès, sous la présidence de Peyton Randolph, un Virginien. La politique fiscale et commerciale du gouvernement britannique a exacerbé les passions et les partisans de la sécession sont déjà nombreux. Le Congrès vote le 14 octobre la première déclaration des droits, puis adopte une série d’adresses au Roi, aux Américains, etc. John Jay, député de New York, jeune avocat et futur homme d’Etat important, fait adopter une adresse[1] au peuple de la Grande-Bretagne : elle est une offre de réconciliation, mais fait plus que présager les arguments de la déclaration d’indépendance de 1776.

Adresse au peuple de Grande-Bretagne (1774)

 » Quand une nation qui a été conduite à la grandeur par la main de la liberté, et qui est en possession de toute la gloire que peuvent donner l’héroïsme, la munificence[2] et l’humanité, descend à la tâche ingrate de forger des chaînes pour ses amis et ses enfants ; quand, au lieu de soutenir la liberté, elle se fait l’avocat de la servitude et de l’oppression, on a raison de soupçonner que cette nation a cessé d’être vertueuse, ou qu’elle est singulièrement négligente dans le choix de ceux qui la gouvernent.

Dans tous les siècles, au milieu des conflits sans nombre, parmi des guerres longues et sanglantes soutenues au dedans et au dehors contre les attaques de puissants ennemis, contre la trahison d’amis dangereux, les Anglais, vos grands et glorieux ancêtres, ont maintenu leur indépendance. Ils vous ont transmis, à vous leur postérité, les droits de l’homme et les bienfaits de la liberté.

Nous sommes fils de mêmes aïeux; nos pères ont eu leur part de ces droits, de ces libertés, de cette Constitution dont vous êtes si justement fiers; ils nous ont soigneusement transmis ce noble héritage, garanti par la foi du serment, par des contrats solennels avec la royauté; ne vous étonnez donc pas si nous refusons de rendre notre part d’héritage à des hommes, qui ne fondent leurs prétentions sur aucun titre raisonnable, et qui ne les poursuivent que dans un seul dessein. Ils veulent avoir en leur puissance notre vie, notre propriété, pour pouvoir plus facilement vous asservir.

… Sachez donc que nous nous regardons comme devant être aussi libres que nos concitoyens de la Grande-Bretagne; nous le sommes, et nous avons droit de l’être. Nul pouvoir sur la terre n’a le droit de nous prendre notre propriété sans notre consentement.

… les propriétaires de terres dans la Grande-Bretagne ne sont-ils pas maîtres et seigneurs de leur propriété? Peut-on la leur prendre sans leur aveu? L’abandonneront-ils à la disposition arbitraire d’un homme quel qu’il soit, ou d’aucun nombre d’hommes? Vous savez qu’ils ne le feront pas.

Pourquoi donc les citoyens d’Amérique seraient-ils moins maîtres de leurs biens que vous ne l’êtes des vôtres ? Pourquoi se mettraient-ils à la disposition de votre Parlement ou de toute autre Assemblée qu’ils n’auront pas élue ? La mer qui nous sépare met-elle une différence dans le droit ? Y a-t-il quelque raison qui prouve qu’un Anglais qui vit à mille lieues du palais de ses rois doit jouir de moins de liberté que celui qui n’en est éloigné que de cent lieues ?

La raison rejette ces distinctions misérables; des hommes, libres n’en sauraient voir la raison. Et cependant, si chimériques, si injustes que soient ces distinctions, le Parlement affirme qu’il a le droit de nous lier, dans tous les cas, sans exception, avec ou sans notre aveu. Il peut nous prendre nos biens, en user quand et comme il lui plaît ; tout ce que nous possédons, nous le tenons de sa générosité et à titre précaire; nous ne pouvons le garder qu’aussi longtemps qu’on veut bien le permettre.

Ces déclarations, nous les regardons comme des hérésies politiques en Angleterre; elles ne peuvent pas plus nous dépouiller de notre propriété que les interdits du pape ne peuvent arracher aux rois le droit qu’ils tiennent des lois du pays et de la volonté du peuple …

Nous croyons que chez le peuple anglais il y a encore beaucoup de justice, beaucoup de vertu, beaucoup d’esprit public. C’est à cette justice que nous en appelons. On vous répète que nous sommes des séditieux, impatients de gouvernement, avides d’indépendance. Ce sont des calomnies. Permettez-nous d’être aussi libres que vous l’êtes, nous regarderons toujours notre union avec vous comme notre plus grande gloire et notre plus grand bonheur ; nous serons toujours prêts à contribuer de toutes nos forces à la prospérité de l’Empire. Vos ennemis seront les nôtres, votre intérêt sera notre intérêt.

Mais si vous souffrez que vos ministres se jouent follement des droits du genre humain ; si, ni la voix de la Justice, ni les préceptes de la loi, ni les principes de la Constitution, ni les conseils de l’humanité ne vous empêchent de verser le sang pour cette cause impie, sachez bien que nous ne nous soumettrons jamais à devenir les coupeurs de bois et les porteurs d’eau d’aucun ministre ni d’aucun peuple au monde.

Replacez-vous dans la situation où nous étions après la dernière guerre [1763], et l’ancienne harmonie sera rétablie. »

John Jay, Adresse au Peuple de la Grande-­Bretagne, 1774 (cité par M. Devèze et R. Marx, Textes et documents d’histoire moderne, Paris : S.E.D.E.S., 1967, pp. 379-381).

[1] Une adresse : une requête qui exprime les voeux, les sentiments d’une assemblée politique, le plus souvent destinée au roi, ici au peuple.

[2] La munificence : la grandeur dans la générosité, la largesse.

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DÉCLARATION DES DROITS

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Déclaration des droits de la Virginie (1er juin 1776)

« Déclaration des droits faits par les représentants du bon peuple de Virginie, assemblé en une libre convention. Ces droits forment pour eux et leur postérité les bases du gouvernement.
1. Tous les hommes naissent naturellement et également libres et indépendants, et possèdent certains droits inaliénables dont ils ne peuvent pas, lorqu’ils entrent dans l’état de société, priver ou dépouiller leur postérité. Ce sont : la jouissance de la vie et de la liberté, l’accession à la propriété, la recherche du bonheur et de la sécurité.
2. Tous les pouvoirs résident dans le peuple et en dérivent. Les magistrats sont des hommes de confiance et sont à tout moment responsables devant lui. (…)
5. Les pouvoirs législatif et exécutifs de l’Etat devront être séparés et seront distincts du judiciare.(…)
6. Les élections de ceux qui sont destinés à représenter le peuple dans le corps législatif doivent être libres. Quiconque a donné des preuves suffisantes d’un intérêt constant et de l’attachement qui en est la suite, pour le bien général de la communauté, y a droit de suffrage.
8. Le pouvoir d’abroger ou d’exécuter les lois, sans le consentement de ses représentants, porte préjudice au peuple. L’exercice de ce pouvoir est interdit.
10. Dans tous les procès criminels, un homme a le droit de savoir pourquoi et de quoi il est accusé, d’être confronté avec ses accusateurs et les témoins, d’apporter des preuves en sa faveur, d’être jugé sans tarder par un jury impartial choisi dans le voisinage, sans le consentement unanime duquel il ne peut être déclaré coupable ; il ne peut pas être obligé de fournir des preuves contre lui-même (…)
14. La liberté de la presse est l’un des grands remparts de la liberté. Elle ne peut jamais être limitée sinon par un gouvernement despotique.
15. Une milice bien ordonnée, composée d’hommes du peuple entraînés, est la défense appropriée, naturelle et solide d’un Etat libre. Il faut éviter, parce qu’elle menace la liberté, les armées permanentes en temps de paix. Dans tous les cas, les militaires seront placés dans une stricte subordination à l’égard du pouvoir civil, dont ils recevront leurs ordres.(…)
17. Aucun gouvernement libre, ni les bienfaits de la liberté ne peuvent être maintenus si ce n’est par une ferme adhésion à la Justice, à la Modération, à la Tempérance, à la Frugalité, à la Vertu, et par de fréquents recours aux principes fondamentaux (…) »

Texte en partie adapté. Pour une meilleure et complète traduction, voyez Antoine de Baecque, L’an 1 des Droits de l’Homme, Presse du CNRS, 1988, pp.321-323.

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Déclaration des droits des habitants de l’Etat de Pennsylvanie, juin 1776

(extraits, traduction de l’anglais)

« Article premier
Tous les hommes sont nés également libres et indépendants, et ils ont des droits certains, naturels, essentiels et inaliénables, parmi lesquels on doit compter le droit de jouir de la vie et de la liberté, et de les défendre ; celui d’acquérir une propriété, de la posséder et de la protéger; enfin, celui de chercher et d’obtenir leur bonheur et leur sûreté.
Article 2
Tous les hommes ont le droit naturel et inaliénable d’adorer le Dieu Tout-Puissant, de la manière qui leur est dictée par leur conscience et leurs lumières. Aucun homme ne doit, ni ne peut être légitimement contraint à embrasser une forme particulière de culte religieux, à établir ou entretenir un lieu particulier de culte, ni à soudoyer des ministres de religion contre son gré, ou sans son propre et libre consentement; aucun homme qui reconnaît l’existence d’un Dieu ne peut être justement privé d’aucun droit civil comme citoyen, ni attaqué en aucun manière, à raison de ses sentiments en matière de religion, ou de la forme particulière de son culte; aucune puissance dans l’Etat ne peut ni ne doit être revêtue, ni s’arroger l’exercice d’une autorité qui puisse dans aucun cas lui permettre de troubler ou de gêner le droit de la conscience dans le libre exercice du culte religieux. (…)
Article 5
Le gouvernement est, ou doit être, institué pour l’avantage commun, pour la protection et la sûreté du peuple, de la nation ou de la communauté, et non pour le profit ou l’intérêt particulier d’un seul homme, d’une famille ou d’un assemblage d’hommes qui ne font qu’une partie de cette communauté. La communauté a le droit inconstestable, inaliénable et imprescriptible de réformer, changer ou abolir le gouvernement, de la manière qu’elle juge la plus convenable et la plus propre à procurer le bonheur public. (…)
Article 7
Toutes les élections doivent être libres, et tous les hommes libres ayant un intérêt suffisant, évident et commun, et étant attachés à la communauté par les mêmes liens, tous doivent avoir un droit égal à élire les officiers, et à être élus pour les différents emplois.
Article 8
Chaque membre de la société a le droit d’être protégé par elle dans la jouissance de sa vie, de sa liberté et de sa propriété; il est, par conséquent, obligé de contribuer pour sa part aux frais de cette protection, de donner, lorsqu’il est nécessaire, son service personnel ou équivalent; mais aucun partie de la propriété d’un homme ne peut lui être enlevée avec justice, ni appliquée aux usages publics, sans son propre consentement, ou celui de ses représentants légitimes; aucun homme qui se fait un scrupule de conscience de porter les armes ne peut y être forcé justement, lorsqu’il paie un équivalent, et enfin les hommes libres de cet Etat ne peuvent être obligés d’obéir à d’autres lois qu’à celles qu’ils ont consenties pour le bien commun, par eux-mêmes ou par leurs représentants légitimes.(…) »

Texte cité dans Antoine de Baecque, L’an 1 des Droits de l’Homme, Presse du CNRS, 1988, pp.323-324.

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Déclaration unanime des Treize Etats-Unis d’Amérique (4 juillet 1776 à Boston)

Auteurs : Thomas Jefferson (futur 3e président des USA), John Adams (futur 2e président des USA) et Benjamin Franklin.
Traduction de Thomas Jefferson

« Lorsque dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à un autre, et de prendre, parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l’opinion de l’humanité l’oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.

Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructrice de ce but, le peuple a le droit de le changer ou de l’abolir, et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l’expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables, qu’à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à la sécurité future. Telle a été la patience de ces colonies, et telle est aujourd’hui la nécessité qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L’histoire du roi actuel de la Grande-Bretagne est l’histoire d’une série d’injustices et d’usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l’établissement d’une tyrannie absolue sur ces Etats (…).

En conséquence, Nous, les représentants des Etats-Unis d’Amérique assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge suprême de l’univers de la droiture de nos institutions, publions et déclarons solennellement, au nom et par l’autorité du bon peuple de ces colonies, que ces Colonies unies sont et ont droit d’être des Etats libres et indépendants; qu’elles sont dégagées de toute obéissance envers la Couronne de la Grande-Bretagne; que tout lien politique entre elles et l’Etat de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous; que, comme les Etats libres et indépendants, elles ont pleine autorité de faire la guerre, de conclure la paix, de contracter des alliances, de réglementer le commerce et de faire tous autres actes ou choses que des Etats indépendants ont droit de faire ; et, plein d’une ferme confiance dans la protection de la Divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette déclaration nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l’honneur. »

F.-R. et P. Dareste, Les constitutions modernes – Les Etats-Unis d’Amérique du Nord, Paris, 1934.
(Cité par Jacques Bouillon et coll., Le XIXe siècle et ses racines, histoire/seconde, Bordas, Paris, 1981, p. 99)

Un autre découpage extrait du même texte :

 » (…) Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis par les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer où de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement. (…)

L’histoire du roi actuel de la Grande-Bretagne est l’histoire d’une série d’injustices et d’usurpations répétées qui, toutes, avaient pour but direct l’établissement d’une tyrannie absolue sur ces Etats.

Il a entretenu, parmi nous, en temps de paix, des armées permanentes sans le consentement de nos législatures.

Il s’est coalisé avec d’autres pour détruire notre commerce avec toutes les parties du monde ; nous imposer des taxes sans notre consentement ; nous transporter au-delà des mers pour être juger à raison de prétendus délits.(…)

En conséquence, Nous, les représentants des Etats-Unis d’Amérique assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge suprême de l’univers de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement, au nom et par l’autorité du bon peuple de ces colonies, que ces colonies unies sont et ont droit d’être des Etats libres et indépendants ; qu’elles sont dégagées de toute obéissance envers la Couronne de la Grande-Bretagne ; que tout lien politique entre elles et l’Etat de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous (…). »

Jacques Dupâquier et Marcel Lachiver, « Les Temps modernes  » 4ème, Paris, Bordas, 1970 (La Déclaration d’Indépendance pp.211).

Et un plus petit extrait (autre traduction)

« Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes – que tous les hommes naissent libres et égaux, que leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur ; que pour garantir ces droits, les hommes instituent des gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés ; que si un gouvernement, quelle qu’en soit la forme, vient à méconnaître ces fins, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et d’instituer un nouveau gouvernement qu’il fondera sur de tels principes et dont il organisera les pouvoirs selon telles formes, qui lui paraîtrons les plus propres à assurer sa sécurité et son bonheur. »

Enfin le texte complet

DÉCLARATION unanime des treize Etats unis d’Amérique réunis en Congrès, le 4 juillet 1776

« Lorsque dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l’opinion de l’humanité oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.

Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l’expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu’à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés.

Mais lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. Telle a été la patience de ces Colonies, et telle est aujourd’hui la nécessité qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L’histoire du roi actuel de Grande-Bretagne est l’histoire d’une série d’injustices et d’usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l’établissement d’une tyrannie absolue sur ces Etats.

Pour le prouver, soumettons les faits au monde impartial :

Il a refusé sa sanction aux lois les plus salutaires et les plus nécessaires au bien public.

Il a défendu à ses gouverneurs de consentir à des lois d’une importance immédiate et urgente, à moins que leur mise en vigueur ne fût suspendue jusqu’à l’obtention de sa sanction, et des lois ainsi suspendues, il a absolument négligé d’y donner attention.

Il a refusé de sanctionner d’autres lois pour l’organisation de grands districts, à moins que le peuple de ces districts n’abandonnât le droit d’être représenté dans la législature, droit inestimable pour un peuple, qui n’est redoutable qu’aux tyrans.

Il a convoqué des Assemblées législatives dans des lieux inusités, incommodes et éloignés des dépôts de leurs registres publics, dans la seule vue d’obtenir d’elles, par la fatigue, leur adhésion à ses mesures. A diverses reprises, il a dissous des Chambres de représentants parce qu’elles s’opposaient avec une mâle fermeté à ses empiétements sur les droits du peuple. Après ces dissolutions, il a refusé pendant longtemps de faire élire d’autres Chambres de représentants, et le pouvoir législatif, qui n’est pas susceptible d’anéantissement, est ainsi retourné au peuple tout entier pour être exercé par lui, l’Etat restant, dans l’intervalle, exposé à tous les dangers d’invasions du dehors et de convulsions au-dedans.

Il a cherché à mettre obstacle à l’accroissement de la population de ces Etats. Dans ce but, il a mis empêchement à l’exécution des lois pour la naturalisation des étrangers; il a refusé d’en rendre d’autre s pour encourager leur émigration dans ces contrées, et il a élevé les conditions pour les nouvelles acquisitions de terres. Il a entravé l’administration de la justice en refusant sa sanction à des lois pour l’établisse ment de pouvoirs judiciaires.

Il a rendu les juges dépendants de sa seule volonté, pour la durée de leurs offices et pour le taux et le paiement de leurs appointements.

Il a créé une multitude d’emplois et envoyé dans ce pays des essaims de nouveaux employés pour vexer notre peuple et dévorer sa substance. Il a entretenu parmi nous, en temps de paix, des armées permanentes sans le consentement de nos législatures. Il a affecté de rendre le pouvoir militaire indépendant de l’autorité civile et même supérieur à elle. Il s’est coalisé avec d’autres pour nous soumettre à une juridiction étrangère à nos Constitutions et non reconnue par nos lois, en donnant sa sanction à des actes de prétendue législation ayant pour objet : de mettre en quartier parmi nous de gros corps de troupes armées; de les protéger par une procédure illusoire contre le châtiment des meurtres qu’ils auraient commis sur la personne des habitants de ces Etats; de détruire notre commerce avec toutes les parties du monde; de nous imposer des taxes sans notre consentement; de nous priver dans plusieurs cas du bénéfice de la procédure par jurés; de nous transporter au-delà des mers pour être jugés à raison de prétendus délits; d’abolir dans une province voisine le système libéral des lois anglaises, d’y établir un gouvernement arbitraire et de reculer ses limites, afin de faire à la fois de cette province un exemple et un instrument propre à introduire le même gouvernement absolu dans ces Colonies; de retirer nos chartes, d’abolir nos lois les plus précieuses et d’altérer dans leur essence les formes de nos gouvernements ; de suspendre nos propres législatures et de se déclarer lui-même investi du pouvoir de faire des lois obligatoires pour nous dans tous les cas quelconques.

Il a abdiqué le gouvernement de notre pays, en nous déclarant hors de sa protection et en nous faisant la guerre. Il a pillé nos mers, ravagé nos côtes, brûlé nos villes et massacré nos concitoyens. En ce moment même, il transporte de grandes armées de mercenaires étrangers pour accomplir l’oeuvre de mort, de désolation et de tyrannie qui a été commencée avec des circonstances de cruauté et de perfidie dont on aurait peine à trouver des exemples dans les siècles les plus barbares, et qui sont tout à fait indignes du chef d’une nation civilisée. Il a excité parmi nous l’insurrection domestique, et il a cherché à attirer sur les habitants de nos frontières les Indiens, ces sauvages sans pitié, dont la manière bien connue de faire la guerre est de tout massacrer, sans distinction d’âge, de sexe ni de condition.

Dans tout le cours de ces oppressions, nous avons demandé justice dans les termes les plus humbles ; nos pétitions répétées n’ont reçu pour réponse que des injustices répétées. Un prince dont le caractère est ainsi marqué par les actions qui peuvent signaler un tyran est impropre à gouverner un peuple libre.

Nous n’avons pas non plus manqué d’égards envers nos frères de la Grande-Bretagne. Nous les avons de temps en temps avertis des tentatives faites par leur législature pour étendre sur nous une injuste juridiction. Nous leur avons rappelé les circonstances de notre émigration et de notre établissement dans ces contrées. Nous avons fait appel à leur justice et à leur magnanimité naturelle, et nous les avons conjurés, au nom des liens d’une commune origine, de désavouer ces usurpations qui devaient inévitablement interrompre notre liaison et nos bons rapports. Eux aussi ont été sourds à la voix de la raison et de la consanguinité. Nous devons donc nous rendre à la nécessité qui commande notre séparation et les regarder, de même que le reste de l’humanité, comme des ennemis dans la guerre et des amis dans la paix.

En conséquence, nous, les représentants des Etats-Unis d’Amérique, assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge suprême de l’univers de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement au nom et par l’autorité du bon peuple de ces Colonies, que ces Colonies unies sont et ont le droit d’être des Etats libres et indépendants; qu’elles sont dégagées de toute obéissance envers la Couronne de la Grande-Bretagne; que tout lien politique entre elles et l’Etat de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous; que, comme les Etats libres et indépendants, elles ont pleine autorité de faire la guerre, de conclure la paix, de contracter des alliances, de réglementer le commerce et de faire tous autres actes ou choses que les Etats indépendants ont droit de faire; et pleins d’une ferme confiance dans la protection de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette Déclaration, nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l’honneur. »

Traduction de Thomas Jefferson.

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LES FAIBLESSES DE L’ARMÉE AMÉRICAINE

L’armée a besoin d’argent ; le Congrès décide en juin 1775 d’émettre sa propre monnaie en papier. Mais les commerçants refusent ce papier. Un sergent rapporte une scène particulièrement significative.

« Après avoir traversé la Delaware, nous fûmes placés dans l’arrière-salle d’une taverne. L’aubergiste refusa d’accepter de l’argent rebelle, comme il disait. J’allai trouver le général Putnam, et lui dit que l’homme avait tout ce qu’il voulait, mais qu’il ne prendra pas du papier-monnaie. Il l’appelle de l’argent rebelle. « Allez lui dire de ma part que s’il refuse de prendre notre argent, vous prenez ce que vous voulez sans payer. » Je vins dire à l’homme ce que le général avait dit. « Votre Yankee de général n’a pas le toupet de me donner des ordres pareils », dit-il. Je plaçais deux hommes en sentinelles à l’entrée de la cave. « Ne laissez descendre personne », dis-je. Je demandai une lumière et deux hommes pour descendre avec moi dans la cave. Nous la trouvâmes remplie de bonnes choses, une pile considérable de fromages, des jambons, un grand récipient de miel, des barils de cidre et un baril portant l’inscription : cidre royal, qui était très fort; et puis toutes sortes d’eaux-de-vie. Le propriétaire se rendit auprès du général pour se plaindre.  » Le sergent m’a dit, déclara le général, que vous refusiez de prendre le papier-monnaie. -Oui, répondit-il, je n’aime pas votre argent rebelle. » Le général s’emporta. Il appela quelques hommes. Un caporal et quatre soldats arrivèrent: « Prenez-moi ce scélérat de Tory et conduisez le au poste de garde.  » J’envoyai un jambon, un grand fromage et un seau de cidre royal au général Putnam.  »

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Circulaire de George Washington, 18 octobre 1780.

« J’ai la conviction profonde que la durée de la guerre, la plupart des revers que nous avons essuyés ainsi que les doutes que nous avons éprouvés, sont dus pour une large part à notre système d’engagements temporaires (…). Une armée d’un effectif moyen mais bien groupée, recrutée sur la base d’un engagement permanent et capable d’assimiler la discipline qu’exigent les opérations militaires, nous eût permis de marquer des points sur l’ennemi : et ce de façon infiniment plus décisive que ne l’ont permis les hordes de la milice qui, à certains moment cruciaux, n’étaient pas sur le champ de bataille mais s’y rendaient ou en revenaient. Toutes les milices sont caractérisées par la même absence de continuité dans l’action et on ne peut exercer sur elles aucune contrainte. C’est pourquoi dans la pratique, il a été impossible de retenir les hommes sous les armes même pendant la durée légale de leur engagement; d’une manière générale les engagements ont été si brefs que, la plupart du temps, il nous a fallu payer et nourrir deux équipes, celles des hommes qui rejoignaient leurs corps et celle des hommes qui le quittaient.  »

(Citée dans Daniel Boorstin, Histoire des Américains, tome I, éd. A. Colin, Paris, 1982)