«Peu à peu, les déportés avancent vers l’extrémité du quai. Deux SS sont au milieu de celui-ci : l’un est officier médecin. Les déportés défilent devant lui. Avec le pouce ou avec une badine, l’officier dirige les détenus, soit à droite, soit à gauche. Ainsi se constituent deux files qui vont s’amasser aux deux extrémités du quai. La file de gauche comporte des hommes de 20 à 45 ans, dont l’aspect extérieur est robuste. Les limites d’âge sont élastiques, parfois elles s’étendent de 16 ou 18 à 50 ans. L’aspect et l’allure du détenu, le fait qu’il soit plus ou moins bien rasé interviennent dans ce choix. Dans cette file sont envoyées également quelques jeunes femmes.
La file de droite comporte les hommes plus âgés : les vieillards, la plupart des femmes, les enfants et les malades. Les familles essayent de se regrouper. Parfois l’officier SS sort alors du groupe familial les éléments valides jeunes ; plus rarement ceux-ci sont laissés avec leur famille dans la colonne de droite. Dans la file de gauche, les femmes sont dirigées à pied vers le camp voisin, les hommes partent dans des camions et des remorques, entassés les uns sur les autres.
Les détenus de la file de droite sont chargés sur des camions.
Dans mon convoi, sur 1200 déportés, une proportion très grande d’hommes est retenue (environ 330), ainsi que quelques femmes. Ce chiffre est exceptionnel. Il est rare que plus de 150 à 200 hommes soient retenus par convoi.»
Témoignage du professeur Robert Waltz, 1947 in Robert Frank (dir.), Histoire 1ère L-ES, S, Paris, Belin, 1994.