« Je me rappelle, dans mon enfance, les » militants » qui entouraient mon père, maire du Havre, vers 1880-1885 : c’étaient des convaincus largement désintéressés, les yeux brillant d’idéal et de passion, naïvement persuadés que le nouveau régime représentait pour la France le progrès décisif, le progrès final.
Dans leur esprit, la République ne se séparait pas de la patrie et l’on eût pu, comme sous la Révolution, les qualifier de patriotes. Elle ne comportait pas non plus de distinctions ou de conscience de classe : les employés, les ouvriers étaient simplement » républicains « , sans plus. Il en résulterait un progrès social dont bénéficierait le niveau de vie des petites gens.
C’était, ce devait être, la République des petites gens, le terme » petit » se déclinant inlassablement dans les programmes ou les discours. »
Source : A. SIEGFRIED, Mes souvenirs de la IIIe République, P. U. F., 1952.