La Deutsche Zollverein entre 1834 et 1919
bleu = membres fondateurs
vert = adhésion jusqu’en 1866
jaune = adhésion postérieure
rouge = frontière de la confédération germanique en 1828
rose = déplacement de la frontière après 1834 —–>

« (…) De Magdebourg, je gagnai Preussisch-Münde et voulais passer jusqu’à Hannover-Münde, mais n’y parviens pas (…). Tout principicule (1), et Dieu sait s’ils sont nombreux, avait son propre poste-frontière et sa monnaie propre. Il m’est arrivé de devoir en un seul jour changer trois fois mon argent, et chaque fois à perte. À peine avait-on fait un mille, qu’on tombait sur la barrière d’octroi et qu’on entendait : Qui est-ce qui lui a permis de venir comme ça dans notre principauté (ou duché) ; montre ton passeport ! Alors on vous gribouillait quelque chose sur le passeport, et bien souvent on se voyait vidé des lieux (…).

Donc je voulais, puisque j’avais échoué du côté hanovrien pour gagner Hambourg, tenter ma chance du côté du Mecklembourg. Je me rendis à Reibnitz et passai la frontière ; j’avais parcouru déjà deux milles en territoire mecklembourgeois, lorsqu’il me fallut à la nuit consigner mon passeport au maire du village, sans quoi personne n’aurait pu m’héberger ; mais le maire m’a proprement tancé pour l’audace que j’avais de pénétrer dans cet État sans autorisation. Il me remit un billet de logement pour un paysan chez qui je pus passer la nuit et le lendemain matin je fus refoulé de l’autre côté de la frontière (…).

Entre Lindow et Liebenwald, il y avait une auberge sur la route ; il faisait très chaud et j’y entrai pour boire un verre de bière. Dans la salle, un voyageur de mise cossue faisait les cent pas. (…) Il s’approcha de moi, me tendit la main et me demanda en dialecte haut-rhénan :  » L’ami, où vas-tu comme ça ?  » – Je lui dis que je voulais aller à Hambourg, mais qu’au vu de mon passeport prussien, je me faisais repousser à toutes les frontières. Il sourit avec compassion et dit :  » Notre gouvernement est sûrement meilleur, nous pouvons voyager où nous voulons.  » –  » Sous quel gouvernement êtes-vous ?  » demandai-je alors. –  » Sous le gouvernement français, répondit-il ; puis il ajouta : J’habite à Strasbourg sur le Rhin. « . (…)  »

1) Petit prince, souverain d’un très petit État (sens très péjoratif).

Carl SCHOLL, « Souvenirs de la vie d’un vieil artisan de Memel », rapportés par Jacques DROZ, « Histoire de l’Allemagne. 1. La Formation de l’unité allemande 1789-1871 ». Paris, Hatier, 1970.