La Suisse et la construction européenne


Les grandes lignes de la politique suisse vis-à-vis de l’intégration économique du continent

Introduction

L’idée d’unifier l’Europe est ancienne, mais jusqu’à la SGM tous les efforts d’unification, utopies rêvées ou tentatives brutales d’hégémonie, échouèrent. En 1929 encore, Aristide Briand, ministre français des AE, avait vainement lancé l’idée d’une Union Européenne. Dès 1946, dans une Europe économiquement dévastée par la guerre, plusieurs voix, dont celle de Churchill à Zürich, s’élèvent pour suggérer la formation des «Etats-Unis d’Europe ».

A) Attitudes de la Suisse après la SGM

En Suisse, l’attitude face à la construction européenne n’a jamais cessé d’être ambiguë. Le pays a laissé une mauvaise image par sa collaboration économique et commerciale avec l’Allemagne nazie. Dès 1945, le Conseil Fédéral en revient à une politique de neutralité stricte, afin de restaurer le crédit international de la Confédération. Pour ne pas hypothéquer la neutralité, on renonce à demander l’adhésion à l’ONU. Toute appartenance à un bloc ou une alliance d’Etats est exclue; tout abandon de la souveraineté est écarté. Seule l’adhésion à une association d’Etats dans le domaine économique, à l’exclusion de tout transfert de compétence à un organisme central, entre en ligne de compte.

C’est ainsi qu’en 1948, la Suisse adhère à l’OECE (Organisation Européenne de Coopération Economique) chargée d’appliquer le Plan Marshall pour le redressement économique de l’Europe. L’adhésion intervient après que la Confédération ait reçu des garanties quant à la sauvegarde de sa souveraineté et de ses intérêts nationaux. La Suisse, pays vivant en grande partie de ses échanges économiques avec ses voisins immédiats, ne pouvait se désintéresser de cette organisation.

En 1949 se constitue le Conseil de l’Europe, dont le siège est à Strasbourg, regroupant au départ 10 pays et chargé de défendre la démocratie et les droits de l’homme. Une assemblée consultative, formée de délégués élus par les parlements des pays membres et un comité des ministres élaborent des recommandations n’ayant pas pouvoir de force obligatoire pour les Etats membres. En 1950, les pays membres signent la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La Suisse, craignant que le Conseil de l’Europe ne s’oriente vers une coopération politique et militaire, attendra jusqu’en 1963 pour y adhérer. Ce n’est qu’ en 1972 qu’elle signera la Convention Européenne des Droits de l’Homme, car le droit de vote féminin en est l’une des conditions (rappel: en CH seulement depuis 1971 !).

Ne pas se couper de l’Europe tout en évitant la mise en cause de la neutralité et de la souveraineté nationale, voilà la ligne que suit le Conseil Fédéral avec constance. Lors de la création de la CECA (1952), l’opinion à Berne est très réservée: on craint la Haute Autorité, premier organe de décision supranational instauré par la CECA. On craint toutefois aussi les discriminations tarifaires que la Suisse risque de subir. C’est dans ce cadre que se situe la première tentative de rapprochement importante de la Suisse: en 1956, elle propose d’étendre aux 17 membres de l’OECE les baisses tarifaires envisagées par les six de la CECA. Mais un conflit économique opposant la France et La Grande-Bretagne et surtout la création de la CEE l’année suivante (1957) vont faire échouer le projet.

B) La Suisse face à la CEE et à l’AELE

En effet, en 1957, les six pays de la CECA signent le traité de Rome, instaurant la CEE. Ce traité envisage la création d’un marché commun :

– instauration d’une union douanière (suppression des obstacles aux échanges économiques; tarif douanier extérieur commun)

– mise en oeuvre d’une politique commune (politique commerciale, agricole, des transports, de l’énergie…)

La Suisse se considère dans l’impossibilité d’adhérer à la CEE pour trois raisons principales:

– la neutralité : la CEE a un but politique à long terme; en outre les Six font partie de l’OTAN.

– la démocratie directe : la CEE prend des décisions qui ne pourraient être soumises au référendum en Suisse. Or la suisse tient à sa souveraineté.

– l’agriculture : la CEE prévoit une politique agricole commune (PAC) qui abolit les barrières douanières. La concurrence serait fatale à l’agriculture suisse.

Cependant, face au spectre de la discrimination douanière et commerciale, la Suisse recherche activement des moyens d’intégration économique qui ne mettraient pas en péril sa souveraineté nationale. C’est ainsi qu’elle participe à la création de l’AELE, qui unit dès 1959 la Grande-Bretagne, l’Autriche, le Danemark, la Norvège, la Suède, le Portugal et la Suisse. L’AELE est essentiellement une zone de libre-échange industrielle (donc non-agricole, sauf accords bilatéraux), ne comportant pas de tarifs extérieurs communs, ni de politique commerciale extérieure commune. De plus, aucun organe supranational ne viendra troubler la souveraineté helvétique. Unis au sein de l’AELE, les Etats espèrent avoir plus de poids pour contrebalancer la CEE et éviter les discriminations douanières dans leurs échanges avec les pays du Marché Commun.

Pour atteindre cet objectif, la Suisse se lance dès 1962 dans des négociations avec la CEE et se déclare prête à «harmoniser » ses relations dans divers domaines aussi vastes que la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux (mais pas des personnes!), voire même dans le domaine de l’agriculture et des transports! En outre elle adhère en 1962 à l’Organisation européenne pour la recherche spatiale et en 1963 au Conseil de l’Europe. Les négociations du Kennedy Round pour l’amélioration des échanges économiques mondiaux parviennent dès 1964 à détendre la situation entre CEE et AELE en réduisant la discrimination douanière entre les deux associations.

En 1972, la Suisse obtient un accord de libre-échange réglant le commerce avec la CEE et prévoyant la suppression des droits de douane d’ici à 1977. L’agriculture en est exclue. Du point de vue politique, ni la neutralité, ni le fédéralisme, ni la démocratie directe ne sont remis en cause. Le seul organe créé par l’accord, le Comité mixte, n’a aucun pouvoir supranational. Le traité répond pleinement aux nécessités économiques et commerciales et aux caractéristiques particulières de la Confédération. Soumis au référendum, il est largement accepté par le peuple en décembre 1972. En juillet 1977 une grande zone européenne de libre-échange comprenant l’AELE et la CEE forme un vaste marché des produits industriels libérés de droits de douane. Pour la Suisse, c’est l’âge d’or…

C) La Suisse face à l’EEE

En 1984, on entame des discussions sur un éventuel rapprochement entre la CE (Communauté Européenne, nouvelle dénomination de la CEE, comprenant 12 pays) et l’AELE. En 1989, Jacques Delors, président de la commission de la CE propose l’intensification des négociations avec l’AELE en vue de la création d’un Espace Economique Européen (EEE). Mais les temps ont changé, l’équilibre entre CE et AELE s’est rompu: la CE compte à présent 12 membres et l’AELE est réduite à la Suisse, l’Autriche, la Suède, la Norvège, la Finlande, l’Islande et le Liechtenstein.
L’accord sur l’EEE prévoit l’extension à l’AELE des quatre libertés en vigueur dans le marché unique de la CE: libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. Du point de vue théorique, l’EEE ne représente aucun danger pour les valeurs fondamentales de la Suisse. La souveraineté du pays est respectée, car l’EEE ne peut rien imposer à la Suisse sans son consentement. La neutralité suisse n’est pas mise en danger, et la démocratie directe (referendums, initiatives) n’est aucunement menacée.. L’accord est économique et n’a aucune portée politique. Il ne touche ni l’agriculture, ni la politique monétaire. Il n’implique pas forcément un passage ultérieur à la CE. Cependant, le débat sur l’adhésion helvétique soulève pourtant en Suisse d’immenses polémiques sur la neutralité, la perte de la souveraineté nationale et de la démocratie directe. Christoph Blocher et l’UDC sèment le doute dans une population qui semblait acquise à ce traité. La votation oppose villes et campagnes, Romands et Suisses alémaniques. Le 6 décembre 1992, le peuple rejette de peu l’adhésion de la Suisse à l’EEE. Tous les autres pays de l’AELE y ont adhéré dans l’intervalle… La Suisse reste le seul pays d’Europe occidentale à ne faire partie ni de l’EEE, ni de l’Union Européenne (UE, nouvelle dénomination de la CE, comptant désormais 15 membres). L’UE approfondit ses relations: coopération judiciaire, policière, suppression des contrôles douaniers, politique étrangère et sécurité militaire commune, perspective d’une monnaie commune…

D) Les accords bilatéraux I

La Suisse se retrouve dès 1992 dans une position difficile: elle est le seul pays de l’Europe occidentale à ne faire partie ni de l’UE, ni de l’EEE. Pour éviter une marginalisation accrue et une discrimination étouffante pour l’économie suisse, elle s’évertue à réaliser des accords bilatéraux avec ses différents partenaires. La procédure est lente, mais représente la seule option de négociation face à une Europe de plus en plus réticente envers les particularismes helvétiques. L’opinion publique suisse est quant à elle toujours divisée entre les partisans de la voie solitaire, s’appuyant sur le fait que l’économie suisse s’en tire pour l’instant mieux que celle de l’UE, et les partisans d’une adhésion à l’UE, craignant qu’à moyen terme, la Suisse ne se retrouve isolée au milieu de l’Europe.

Conclues politiquement en décembre 1998, à Vienne, les négociations bilatérales sectorielles entre l’Union européenne et la Suisse portent sur sept domaines. C’est donc à juste titre que l’on parle souvent des accords sectoriels entre la Suisse et l’UE.

Les sept accords ont été paraphés à Berne le 26 février 1999 et signés à Luxembourg le 21 juin 1999. Ils doivent être adoptés par la Suisse et l’UE après être passés par les procédures en vigueur dans les deux parties. Ce n’est qu’à ce moment là que les accords peuvent être ratifiés par les parties contractantes et entrer en vigueur. Mais une partie de la population suisse, hostile aux accords bilatéraux, soutient un référendum lancé par la Lega. Le peuple suisse doit donc se prononcer sur les accords bilatéraux. Le 21 mai 2000, 67% de la population approuve les accords. Seuls deux cantons (Tessin, Schwytz) les refusent. En fait les accords semblent arranger tout le monde : ceux qui veulent se rapprocher de l’UE estiment qu’on a fait un premier pas ; ceux qui refusent l’UE pensent que les accords ont permis de réduire les désavantages de la Suisse face à l’Europe, et qu’il faut s’arrêter là. Les accords sont entrés en vigueur en juin 2002.

LES SEPT ACCORDS en bref :

Transports terrestres : la Suisse porte la limite de poids pour les camions de 28 à 40 tonnes dès 2004. Contrepartie : transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail (NLFA) financé par une hausse des taxes routières.
Transports aériens : les compagnies helvétiques peuvent desservir les lignes entre la Suisse et l’UE sans devoir négocier avec chaque pays. Elles peuvent devenir actionnaires majoritaires d’une compagnie étrangère.
Libre circulation des personnes : les Suisses peuvent s’établir dans un pays de l’UE pour y travailler ou simplement y vivre (s’ils disposent des ressources suffisantes) dans les deux ans qui suivent l’entrée en vigueur de l’accord. Pour les Européens l’établissement et le travail en Suisse se fera en étapes sur 12 ans. De plus, la Suisse a la possibilité de dénoncer l’accord après 7 ans si elle s’estime « envahie » par les travailleurs étrangers.
Recherche : les scientifiques suisses pourront participer pleinement aux programmes européens.
Agriculture : échange de fruits et légumes facilité, ainsi que de fromage et de viande. Pour le fromage, libre-échange total prévu cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord.
Marchés publics : la Suisse et l’UE ont convenu d’ouvrir réciproquement leurs marchés publics, dans les secteurs de l’eau, du transport et de l’énergie, sur la base de l’accord de l’OMC.
Obstacles techniques au commerce : reconnaissance mutuelle des certificats de conformité (appareils de mesure, produits chimiques etc.) pour les produits industriels.

E) Les enjeux récents.

Dynamisés par la réussite de la votation de mai 2000 sur les accords bilatéraux, les europhiles helvétiques renoncent à retirer l’initiative « Oui à l’Europe » qui avait été lancée par les déçus de l’échec de 1992. Cette initiative vise à forcer le Conseil fédéral à entamer des négociations pour l’adhésion à l’UE. Le Conseil fédéral ne soutient pas cette initiative, estimant qu’elle va trop vite en besogne. Selon lui, il faut d’abord voir ce que donnent les accords bilatéraux avant d’envisager éventuellement d’aller plus loin. Le 4 mars 2001, le peuple suisse à une majorité claire de 76,7 % de non (avec tous les cantons négatifs) refuse cette initiative. La perspective de l’adhésion de la Suisse à l’UE semble donc écartée avant 2015 ! ! !

Depuis 2004, l’UE compte 25 pays et la Suisse apparaît de plus en plus seule au milieu du continent.

Le « paquet » des bilatérales II a été paraphé, mais doit encore être accepté par les 25 parlements européens. De plus, en Suisse, ces accords seront probablement soumis à un ou plusieurs référendums populaires, l’UDC et l’ASIN ayant annoncé qu’elles s’opposaient à certains éléments du projet. Les 9 dossiers âprement négociés ont permis à la Suisse de préserver son secret bancaire (accord sur la « fiscalité de l’épargne ») et de s’allier aux accords de Schengen réglant la libre circulation des personnes et la question du « tourisme de l’asile ». D’autres accords portent sur la lutte contre la fraude, les produits agricoles transformés, l’environnement, la statistique, les média, l’éducation et les pensions. Si le référendum aboutit, le peuple se prononcera vraisemblablement à fin 2005.

(cours d’Albert Chevalley, 2004)

Une introduction rapide aux Bilatérales

La Suisse est un membre fondateur de l’AELE en 1960. Cette association emmenée alors par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne est une réponse libre-échangiste à la formation de la CEE (Communauté économique européenne, future CE, future UE). Le départ du Royaume-Uni de cette association (pour entrer dans la CEE) lui fait perdre beaucoup d’importance.

Depuis 1972, par l’intermédiaire de l’AELE, la Suisse a un accord de libre-échange avec la CEE limité aux produits industriels. La votation fait un tabac avec 72,5 % de oui et tous les cantons favorables.

Dans les années 80, la question d’une entrée dans la Communauté européenne (CE) devient plus aiguë.

En attendant une entrée dans l’Union européenne (UE) (une demande d’adhésion est déposée le 10 mai 1992 par le Conseil fédéral ; cette demande précipitée est peut-être une cause de l’échec qui suit ; elle est gelée actuellement), le Conseil fédéral veut adhérer à l’EEE (l’Espace économique européen qui intègre l’AELE au grand marché commun de l’Union européenne (= 19 Etats : 7 de AELE + 12 de UE). La Suisse seraient alors soumis à 80 % des accords économiques de l’UE.

Mais le peuple suisse refuse d’adhérer à l’EEE le 6 décembre 1992. Le scrutin est serré au niveau du peuple (50,3 % de non pour 49,7 % de oui), mais beaucoup plus largement refusé au niveau des cantons (16 contre, 7 pour qui sont Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève et Jura).

Ainsi la Suisse se retrouve avec la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein seulement dans l’AELE, mais toute seule hors de l’EEE !

S’en est suivi des négociations, appelées les « Bilatérales », entre la Suisse et l’UE aboutissant à des accords sur 7 dossiers le 11 décembre 1998 (transports terrestres, transports aériens, libre circulation des personnes, recherche scientifique, marchés publics, agriculture et obstacles techniques au commerce).

Ces 7 accords ont été acceptés par le peuple suisse le 21 mai 2000 par 67,2 % de oui et 21 cantons acceptant sur 23 (seuls le Tessin et Schwytz refusent) suite à un référendum lancé contre eux par deux formations politiques d’extrême-droite.

Les sondages annonçaient cette large victoire, car « la bataille du 21 mai [2000] ressemble au choc de 1972, peu au flop de 1992 » (titre d’un article du Journal « La Liberté » du 18 avril 2000 qui nous a fourni quelques chiffres et réflexions repris ci-dessus).

Les 7 accords doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2001, si tous les pays de l’UE les ratifient avant. Plus probablement, ils entreront en vigueur dans le courant de l’année 2001.

(En fait, il y aura du retard dans les ratifications des pays de l’UE et les bilatérales sont entrées en vigueur seulement le 1er juin 2002.)

Autre résumé sur les Bilatérales

BILATERALES : LES SEPT DOSSIERS

  • 1. Les transports terrestres

La Suisse s’alignera en 2005 sur la limite européenne de 40 tonnes pour les camions. Elle devrait ainsi reprendre le trafic routier qui la contourne par l’Autriche et la France, mais en transférant à terme le transit des marchandises de la route sur le rail.

Berne mise sur les lois du marché pour réaliser cet objectif: la libéralisation du rail doit favoriser une baisse des tarifs, tandis que les NLFA [nouvelle transversales alpines : nouveaux tunnels du Lötschberg et du Gothard] vont contribuer à améliorer l’offre.

Simultanément, la route sera rendue moins avantageuse. D’abord, par la nouvelle taxe poids lourds (RPLP), ensuite grâce à la taxe de transit de 320 fr. en moyenne par traversée Bâle-Chiasso.

  • 2. Les transports aériens

La Suisse profitera de la libéralisation du ciel. L’accord ouvre toutes les libertés aériennes entre la Suisse et l’UE. Nos compagnies pourront survoler l’Europe des Quinze (1ère liberté), y faire des escales techniques (2e), transporter passagers et marchandises entre la Suisse et n’importe quel aéroport de l’UE (3e et 4e).

Les transporteurs suisses pourront aussi relier deux aéroports de l’UE avec une escale helvétique (Paris-Genève-Vienne par exemple – 6e liberté).

Avec les 5e et 7e, ils pourront en outre emmener des passagers d’un pays de l’Union à l’autre: Bâle-Paris-Londres (5e) ou même Paris-Londres (7e).

  • 3. La libre circulation des personnes

Les Suisses vont bénéficier de la libre circulation dans l’UE dès 2003. Ils seront dès lors sur pied d’égalité avec les autres Européens sur le marché du travail des Quinze. Chaque Helvète aura la possibilité d’Ðêtre employé en Espagne ou monter une entreprise en Suède.

En revanche, la Suisse conservera jusqu’en 2012 la possibilité de limiter le nombre de ressortissants de l’UE sur son territoire. Durant cette période, elle renoncera progressivement aux contingents pour les Européens.

En 2007, le Parlement et le souverain pourront décider de poursuivre ou non l’ouverture. En cas de non, les 6 autres accords seront aussi suspendus.

  • 4. La recherche scientifique

L’accord permet à la Suisse de participer d’office au 4e programme-cadre de recherche (PCR) de l’UE comme les Etats membres de l’EEE. Actuellement, elle ne peut collaborer qu’au cas par cas.

L’accord mettrait les scientifiques suisses pratiquement à égalité avec leurs homologues de l’UE. Ils pourront ainsi coordonner eux-mêmes un projet. La Suisse aura aussi accès aux comités qui façonnent chaque programme spécifique. C’est là que se coordonne toute la politique de la recherche européenne.

Mais la Suisse devra aussi participer au financement du PCR, à raison de 3,5% du budget global. Ce qui doublera les dépenses, de 100 à 200 mio par an.

  • 5. Les marchés publics

Cet accord prévoit que les commandes d’un Etat de l’UE ou de la Suisse doivent aller à l’entreprise la moins chère quelle que soit son origine.Il s’applique non seulement à l’échelon national, mais aussi cantonal et communal.

Concrètement, les pouvoirs publics devront lancer un appel d’offres au niveau européen pour toute commande dépassant un certain montant. Les valeurs seuil varient entre les trois niveaux politiques [national, cantonal, communal] et selon que la commande porte sur un achat ou une construction.

Réciproquement, les marchés publics des Etats, régions et communes des quinze pays de l’Union européenne seront ouverts aux entreprises suisses.

  • 6. Accord sur l’agriculture

L’accord bilatéral sur l’agriculture consiste principalement à supprimer progressivement tous les droits de douane et les limites de quantité pour le fromage. Il prévoit que l’UE renonce immédiatement à toute subvention à l’exportation et que la Suisse en fasse de même, mais par étapes de cinq ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord.

Une transition synonyme de défi pour les paysans suisses. En effet, pour que le fromage reste compétitif sur le marché communautaire sans subventions, le prix du lait devra diminuer. Le prix garanti est aujourd’hui de 87 centimes par litre contre une moyenne de 45 à 50 centimes dans l’Union européenne.

  • 7. Obstacles techniques au commerce

L’accord sur les obstacles techniques au commerce est l’un des objectifs prioritaires de Berne puisque l’UE absorbe 65% des exportations suisses.

Il consiste à faciliter les échanges de produits industriels à travers une reconnaissance mutuelle des rapports d’essai, des certificats, des marques et des déclarations de conformité. Il permet une simplification des démarches administratives et une diminution des délais avant la mise sur le marché.

Dans les faits, Berne recherche depuis 1996 à rendre sa législation eurocompatible pour les machines, le matériel de protection personnelle et les appareils médicaux.

dossier sur le télétexte de la Télévision Suisse romande du 12.12.98, pages 701 sqq, par N. Roulin

Idem un peu plus court

LES SEPT ACCORDS en bref
Transports terrestres : la Suisse porte la limite de poids pour les camions de 28 à 40 tonnes dès 2004. Contrepartie : transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail par une hausse des taxes routières.

Transports aériens : les compagnies helvétiques peuvent desservir les lignes entre la Suisse et l’UE sans devoir négocier avec chaque pays.

Libre circulation des personnes : les Suisses peuvent s’établir dans un pays de l’UE pour y travailler ou simplement y vivre (s’ils disposent des ressources suffisantes). Restrictions totalement levées pour l’établissement des Européens en Suisse dans un délai de 12 ans.

Recherche : les scientifiques suisses pourront participer pleinement aux programmes européens.

Agriculture : échange de fruits et légumes facilité, ainsi que de fromage et de viande. Pour le fromage, libre-échange total prévu cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord.

Marchés publics : la Suisse et l’UE ont convenu d’ouvrir réciproquement leurs marchés publics.

Obstacles techniques au commerce : reconnaissance mutuelle des certificats de conformité (appareils de mesure, produits chimiques etc.).

dossier sur le télétexte de la Télévision Suisse romande du 20.06.99, pages 108 sqq, par N. Roulin

Le Refus du 4 mars 2001

Le 4 mars 2001, le peuple suisse à une majorité claire de 76,7 % de non (avec tous les cantons négatifs) refusent une initiative populaire demandant l’ouverture immédiate de négociations en vue d’adhérer à l’Union européenne. Le Conseil fédéral était aussi contre cette initiative, ne voulant pas entamer tout de suite de telles négociations.

La voie des Bilatérales est ainsi confortée pour un moment (on attend encore les ratifications à ce sujet des parlements des membres de l’UE). Le Conseil Fédéral, qui ne retire pas sa demande d’adhésion à l’UE déposée en 1992, a déclaré vouloir attendre plusieurs années avant d’examiner s’il convient alors d’ouvrir des négociations d’adhésion.

Suisse et ONU

A la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse, comme les autres neutres, n’étaient pas invitées à la fondation de l’ONU.

La Guerre froide a donné à la Suisse un rôle d’intermédiaire entre les deux camps, bien qu’elle fut clairement de fait avec l’Occident, et a valorisé sa neutralité lors de nombreuses conférences internationales qui se sont déroulées sur son sol. Le besoin d’entrer à l’ONU se faisait d’autant moins sentir que Genève, grâce en bonne partie à l’héritage de la Société des Nations, abrite le siège européen de l’ONU. Paradoxalement, de nombreux suisses étaient fonctionnaires internationaux à l’ONU sans que la Suisse en fit partie.

Par contre, la Suisse a assez tôt et très systématiquement adhéré à toutes les agences spécialisées des Nations Unies, dont beaucoup ont leur siège à Genève (OIT, UIT, OMS, OMM, OMPI, HCR, etc.).

On était donc arrivé à la situation paradoxale suivante, où, alors que tous les autres pays neutres étaient devenus membres de plein droit de l’ONU, la Suisse n’avait que le statut d’observateur à l’Assemblée générale, et ce depuis 1948, alors qu’elle contribuait et participait activement aux agences spécialisées.

La situation devenait de plus en plus bizarre et incompréhensible pour l’image du pays à l’extérieur. Une initiative populaire finit par demander l’adhésion à l’ONU. En 1986, son vote fut clairement négatif avec tous les cantons (23) rejetants et 76 % des votants disant NON.

La fin de la Guerre froide allait contribuer à accélérer le dossier, même si, en 1994, le peuple suisse balaie encore la proposition d’envoyer des casques bleus suisses en mission de paix pour les Nations Unies.

En 1991-92, la Suisse s’est rallié aux sanctions de l’ONU contre l’Irak, la Yougoslavie et la Libye. En 1992, le peuple ratifie l’entrée dans les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale où la Suisse est aujourd’hui le parrain d’un groupe d’Etats d’Asie centrale ex-soviétiques, ce qui fit le bonheur de certains humoristes rebaptisant la Suisse « Helvétistan »).

En 1996, elle adhère au Partenariat pour la paix (PPP) patronné par l’OTAN et fait partie, depuis 1997, du Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA). En 1997 toujours, elle autorise le transfert de troupes et matériel de l’alliance antlantique à travers le territoire helvétique. Tout cela montre bien l’évolution des autorités sur la question de la sacro-sainte neutralité.

Mais, la Suisse n’est alors toujours qu’observatrice, avec le Vatican et Taïwan, à l’Assemblée générale de l’ONU.

Finalement, une deuxième initiative populaire demandant l’adhésion pleine et entière à l’ONU est acceptée le 3 mars 2002 par la majorité du peuple (54,6 % de OUI) et des cantons (12 OUI, dont Genève à 67 %, et 11 NON). C’est serré, mais significatif, vu l’ampleur du refus de 1986, de l’évolution favorable à l’adhésion.

Le 10 septembre 2002, la Suisse est ainsi devenue le 190e état membre des Nations Unies.

(résumé de Patrice Delpin)

mai 2004 : signature des Bilatérales bis
(en attente de ratification ou référendum)

« Les bilatérales bis en bref

Les bilatérales bis en raccourci

Les bilatérales bis comprennent au total 9 dossiers très disparates. Au nom du parallélisme approprié, Berne a voulu obtenir un résultat global équilibré. Il a utilisé l’arme de la fiscalité de l’épargne pour forcer l’UE à des concessions,en particulier sur Schengen.

  • Fiscalité de l’épargne

La Suisse est parvenue à préserver son secret bancaire. Pour ce faire, elle introduira un impôt à la source sur les revenus de l’épargne des non-résidents. Le taux culminera à 35% à partir de 2011. Le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique suivront cette voie. Berne évite ainsi l’échange automatique d’informations entre les administrations fiscales. Mesure que l’UE avait décidée en juin 2000 à Feira, au Portugal.

  • Schengen/Dublin

Le Conseil fédéral a voulu obtenir ce « gros morceau » en échange de la fiscalité. Schengen vise à organiser et surveiller la libre circulation des personnes. Cela implique la suppression des contrôles aux frontières, un système de visas ainsi qu’une très forte collaboration policière et judiciaire. Selon Berne, grâce à Schengen, il sera possible de travailler plus efficacement contre le « tourisme de l’asile ».

  • Lutte contre la fraude

La Suisse a fait de substantielles concessions dans ce domaine. Elle collaborera pleinement pour tout ce qui touche à la fiscalité indirecte (TVA…). L’UE lui reprochait notamment des procédures judiciaires trop longues et des possibilités d’enquête trop restreintes.

  • Produits agricoles transformés

Avec cet accord, l’UE s’engage à éliminer complètement les droits de douane frappant les produits suisses et renonce à ses subventions à l’exportation. La Suisse réduit aussi ses droits de douanes et subventions aux exportations. Sont concernés les produits comme le chocolat, les biscuits, les soupes…, qui auront un accès direct à un marché de 450 mio de consommateurs.

  • Environnement

La Suisse pourra participer pleinement à l’Agence européenne pour l’environnement au lieu de le faire comme actuellement sur une base informelle. Elle aura ainsi la possibilité de contribuer à l’orientation de projets, de recevoir et de donner des informations utiles. Coûts de la participation: 2,3 mio/an.

  • Statistique

Avec cet accord, la Suisse va accroître encore son intégration européenne en matière statistique. Les données pourront être mieux comparées dans des domaines aussi cruciaux que les relations commerciales, le marché du travail, la sécurité sociale, les transports ou l’environnement. Coûts: 5 mio par an.

  • Media

La Suisse pourra participer aux deux programmes MEDIA qui visent la promotion de la production audiovisuelle européenne et la formation des professionnels. La participation financière helvétique se montera annuellement à 3,75 millions d’euros, une contribution qui devrait être plus que compensée. Le budget total de MEDIA (2001-2005) se monte à quelque 400 millions d’euros.

  • Education, formation, jeunesse

Les étudiants, les personnes en formation, les jeunes en général pourront être plus mobiles grâce aux programmes communautaires Socrates (éducation générale), Leonardo Da Vinci (formation professionnelle) et Jeunesse (activités extrascolaires). Avec cet accord, Berne consolide sa position. A partir de 2007, la facture annuelle passera à 25 mio, soit le double du montant actuel.

  • Pensions

L’accord le plus mineur des bilatérales bis: il fallait éliminer la double imposition des retraites des fonctionnaires européens ayant choisi la Suisse pour leurs vieux jours.

  • Eclairage

Une procédure encore longue

Le sommet entre la Suisse et l’UE n’est que le début de la procédure qui aboutira à l’entrée en vigueur des nouvelles bilatérales. Après la réunion de mercredi à Bruxelles, il s’agira de parapher les textes complets, ce qui devrait être fait par les négociateurs d’ici la fin du mois de juin.

Puis il reviendra aux autorités des 2 parties de procéder à la signature des accords qui devront entre-temps être traduits en 19 langues. Les Parlements respectifs pourront se prononcer avant que les textes ne soient ratifiés.

Reste à savoir si les accords seront présentés en un paquet ou individuellement. La question est encore ouverte.

D’après une analyse préliminaire, tous les accords ne devront pas être forcément soumis aux Chambres fédérales.

Pour ceux sur la statistique et l’éducation, la formation professionnelle et la jeunesse, le CF devrait pouvoir passer sans cette étape. L’accord sur les produits agricoles devrait recevoir l’aval du Parlement sans être soumis au référendum facultatif. Par contre, les autres sujets y seront soumis. L’ASIN [Association pour une Suisse indépendante et neutre] a d’ailleurs déjà annoncé vouloir combattre Schengen/Dublin par ce biais.

Du côté européen, seul l’accord sur la lutte contre la fraude devra recevoir l’aval de l’UE et des 25 membres. Pour les autres, la procédure devrait se limiter à l’échelon communautaire. »

Sources: ats (Agence télégraphique suisse)
repris des pages 702-708 du télétext de la Télévision suisse romande 1 du 19.05.04

Le 5 juin 2005, le peuple suisse accepte l’accord de Shengen-Dublin qui était contesté par référendum (55% oui – 45% non).

Le 25 septembre 2005, le peuple suisse accepte d’étendre l’accord sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l’UE, accord qui était aussi contesté par référendum (56 % oui – 44 % non).

Voici 3 articles de presse sur ce dernier vote :

Un « oui » plus net que prévu à l’extension de la libre circulation

Lancer de drapeaux européen et suisse

La Suisse va ouvrir son marché du travail aux pays de l’Est. Le peuple a accepté par près de 56 % des voix d’étendre l’accord sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l’UE et de renforcer les mesures antidumping.

[ats] – Près de 1,457 million de citoyens ont voté en faveur de l’accord bilatéral. Le camp du « non » a réuni quelque 1,147 million de personnes. La netteté du score, meilleur que celui réalisé par l’accord de Schengen/Dublin (54,6 %), constitue une surprise.

Les milieux économiques et syndicaux, le Conseil fédéral et la plupart des états-majors politiques peuvent ainsi respirer, après des semaines d’inquiétude alimentée par des sondages très serrés. Les adversaires vont tenter de mettre à profit ce « succès d’estime » pour faire passer des revendications comme le retrait de la demande d’adhésion à l’UE.

La Suisse romande, où les résultats sont légèrement en dessous de ceux enregistrés lors de la votation sur Schengen/Dublin, ne peut plus se vanter de constituer à elle seule la partie la plus europhile du pays. Les deux Bâle, Zurich et Berne ont enregistré des scores d’acceptation plus élevés que certains cantons romands.

Les champions du « oui » ont été les Vaudois, avec 65,5 % des voix. Ils sont talonnés par les Neuchâtelois (65,2 %) et les Bâlois de la ville (63,6 %). A Fribourg, le taux d’acceptation a atteint 59,1 %, alors qu’il s’élève à 58,6 % dans le Jura et à 58,1 % à Genève.

Dans les autres cantons bilingues, les Bernois ont adopté l’extension par 60,2 % des suffrages, alors que les Valaisans ferment la marche avec 53 %.

Les résultats ne laissent pas apparaître de barrière des röstis. L’opposition s’est confinée à six petits cantons conservateurs (SZ, UR, OW, NW, AI, GL) et au Tessin. Les Tessinois ont remporté la palme du rejet le plus net, avec 63,9 % des voix.

En revanche, 7 cantons de Suisse orientale, centrale et du Plateau qui avaient refusé Schengen/Dublin ont basculé dans le camp du « oui ».

Ce « oui » élargit aux Estoniens, Lettons, Lituaniens, Polonais, Slovaques, Slovènes, Hongrois, Tchèques, Chypriotes et Maltais les droits conférés par l’accord sur la libre circulation des personnes avec les 15 premiers membres de l’UE. L’ouverture aux pays de l’Est se fera progressivement. L’accord bilatéral s’accompagne d’un renforcement du dispositif de lutte contre le dumping salarial.

repris de http://fr.bluewin.ch/infos/index.php/suisse/i/20050925:brf023

L’EEE a creusé le Röstigraben. Les bilatérales l’ont refermé

Analyse – Une nette majorité se révèle de part et d’autre de la Sarine. Premier décryptage.

ANNE KAUFFMANN

Publié le 26 septembre 2005 dans la Tribune de Genève

C’est donc un «oui» à 56%. Comment la victoire des partisans de l’extension de la libre circulation s’est-elle construite? Pourquoi cette majorité des deux côtés de la Sarine? Quels autres clivages ce vote révèle-t-il? Pour les certitudes il faudra attendre des études approfondies du scrutin, puisqu’aucun sondage «sortie des urnes» n’a été réalisé hier. Voici donc un premier décryptage avec trois observateurs de la politique suisse, Claude Longchamp, directeur de l’institut gfs de Berne, Pascal Sciarini, politologue, professeur à l’Idheap et Uli Windisch, sociologue, professeur à l’Université de Genève.

Fini le Röstigraben

Oui, Ja, mais No. Le Röstigraben? Impossible, hier, à la lecture des résultats de distinguer le moindre fossé entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. Certes, c’est le canton de Vaud qui compte le taux le plus élevé de «oui» (65,5%), mais des cantons comme Berne (60,23%) et Zurich (59,41%) acceptent, par exemple, plus largement l’extension de la libre circulation que le Jura (58,57%) ou Genève (58,14%). Uli Windisch y voit la confirmation de l’une de ses certitudes: «J’ai toujours dit que sur des questions fondamentales pour le pays, il n’y a pas de grandes divergences. Et ce vote était crucial!» Pascal Sciarini va plus loin: «On constate là une homogénéisation étonnante, c’est la première fois que cela se produit dans une votation relative à la politique étrangère. Il y a un phénomène de rapprochement. Par rapport à d’autres votations liées à l’Union européenne, en Suisse romande les «oui» diminuent, mais ils progressent en Suisse alémanique.» Seule réelle fausse note dans cette harmonie fédérale, le «No» des Tessinois à 63,91%. «C’était attendu, commente Claude Long&endash;champ. Sur les questions européennes, ce canton campe sur ses positions conservatrices. Il ne bouge pas, au contraire de la Suisse alémanique.»

  • Le «oui» des villes

Pour le directeur de l’institut gfs, le clivage ville-campagne n’a pas disparu. Mais désormais le phénomène paraît concerner uniquement la Suisse alémanique. «C’est le grand basculement de ce vote, assure Claude Longchamp. En Suisse alémanique, la plupart des petites villes et des agglomérations moyennes ont voté «oui». C’est là que le pragmatisme proeuropéen qui explique la montée des «oui» en Suisse alémanique a le plus progressé. Auparavant, dans ce type de vote, le «oui» ne gagnait que dans les grands centres.»

Pour Uli Windisch, «même s’il n’est pas considérable, ce clivage ne doit pas être minimisé». Tout comme celui qui sépare plusieurs cantons de Suisse centrale de leurs voisins. «Ces derniers temps, la Suisse centrale a été systématiquement minorisée. C’est un problème dont on doit prendre conscience. Le constat est le même en ce qui concerne le Tessin.»

Impossible, hier soir, de savoir si les jeunes Suisses ont davantage voté «non» que leurs aînés. C’était ce que prévoyaient plusieurs sondages. Moins europhiles, les jeunes Suisses? Pascal Sciarini met en garde contre les généralisations. «Il faut savoir que de toute manière, les jeunes vont peu voter.

Ensuite, ils ne sont pas systématiquement plus «ouverts» que d’autres classes d’âge. En principe c’est peut-être le cas, mais quand on en vient aux situations concrètes, c’est différent. Tout simplement parce qu’ils sont les plus menacés par le chômage.» Claude Longchamp, lui, doute que les jeunes se soient exprimés différemment de leurs aînés «sauf peut-être parmi les 18-25 ans, les plus inquiets. On a surestimé leur élan européen après le 6 décembre 1992. Ne faisons pas l’erreur contraire aujourd’hui.»

  • Riches contre pauvres ?

Dans tous les sondages, les personnes les moins formées et les moins payées disaient vouloir voter «non». Pour nos interlocuteurs, cette différence-là, s’est, à coup sûr, exprimée dans les urnes. «A mon avis, c’est là que s’est manifesté le véritable fossé», affirme Pascal Sciarini. L’ouverture et la mobilité ne font pas peur à ceux qui sont bien formés, qui parlent plusieurs langues. Ils peuvent en profiter. Les milieux populaires, eux, se sentent menacés.» Une raison de plus, selon Uli Windisch, pour que la Suisse engage des réformes énergiques.

repris de http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/l_evenement/rostigraben__26_09.html

La Suisse met fin à treize ans de frénésie européenne

* Les Suisses ont accepté par 56% l’extension de la libre circulation. Un score bien plus net que prévu.

* Le rattrapage du non à l’EEE a pris fin. Il n’y aura pas de bilatérales III. Une période s’est achevée.

* Reste à savoir comment le Conseil fédéral interprétera ce scrutin. Les avis divergent déjà.

Adrien BRON

Publié le 25 septembre 2005 dans la Tribune de Genève

Une époque a pris fin hier. L’acceptation de l’extension de la libre circulation aux dix nouveaux pays membres de l’Union européenne (Hongrie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Chypre et Malte), clôt le chapitre des négociations bilatérales.

Du moins dans leur version spectaculaire, destinée à raccrocher tant bien que mal le wagon suisse au train européen. Pendant treize ans, depuis le refus de l’Espace économique européen, le thème a été l’une des préoccupations majeures du gouvernement. Après deux paquets d’accords, un ajout en cours de route et trois votations populaires positives, la question européenne sort de la liste des sujets brûlants de la politique fédérale.

Il n’y aura pas de bilatérales III. La Suisse a déjà obtenu beaucoup de ses partenaires européens. A Bruxelles, on a le sentiment d’avoir consacré bien du temps aux Helvètes. Par ailleurs, personne n’envisage l’hypothèse d’une adhésion prochaine de la Suisse à l’Union.

Bien sûr, les Suisses seront peut-être appelés à se pencher à nouveau sur les séquelles des bilatérales. Si la Bulgarie et la Roumanie rejoignent l’Union, en 2007, il faudra à nouveau négocier l’élargissement de la libre circulation. En outre, en 2009, le référendum pourra être saisi pour confirmer l’accord avec l’Union. Mais après le résultat d’hier, la droite nationaliste réfléchira à deux fois avant de se lancer dans la bagarre. Et à moins d’une détérioration majeure du marché du travail, l’émotion sur ces votes éventuels n’atteindra pas le niveau du scrutin d’hier.

Les discussions à venir avec Bruxelles se contenteront d’aborder des domaines ponctuels, à commencer par le libre passage du courant électrique. En outre, la Suisse devra veiller à établir la pérennité des accords bilatéraux. L’idée d’un accord-cadre pour formaliser la collaboration entre Berne et l’UE fait son chemin [on évoque à Bruxelles une union douanière]. Reste qu’après une année où il a engagé toute son énergie dans la confirmation des bilatérales, le monde politique suisse va lever le pied sur le thème. Et ce repli va marquer les rapports entre les partis.

L’UDC est le parti qui a le plus à perdre d’un éloignement du thème européen. Des récentes études montrent que le sujet a été le terreau de son succès. On peut donc compter sur l’Union démocratique du centre pour entretenir la flamme. Elle réclame une nouvelle fois le retrait de la demande d’adhésion de 1992, bloquée depuis treize ans, ainsi qu’une déclaration que l’adhésion n’est plus un objectif pour la Suisse. Samuel Schmid a rappelé hier que le gouvernement a déjà refusé plusieurs fois cette démarche mais qu’il en parlerait à nouveau en octobre.

Chez les radicaux et le PDC, on se réjouit de pouvoir à nouveau se poser la question européenne tranquillement. Leur positionnement peu clair sur la chose leur a fait du tort, électoralement parlant. Beaucoup dans leurs rangs ne seront pas opposés à un retrait de la demande, histoire de tout remettre à plat. Enfin, à gauche, le Parti socialiste est soulagé. Il a misé gros en se positionnant comme le seul parti résolument favorable à l’adhésion. En cas de «non», il aurait eu fort à faire pour masquer la défection d’une partie de son électorat.

Une chose est sûre: avec l’UE, l’essentiel est désormais sauvé après le traumatisme du 6 décembre 1992. Et pour le reste, rien ne presse.

repris de http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/l_evenement/finfrenesie__26_09.html