» Ah, quand viendra la Belle ? Voilà des mille et des cent, Que Jean Guétré t’appelle République des Paysans!

Ainsi goualait, il y a une kyrielle d’années, Pierre Dupont, un bon bougre de chansonnier.

Et le populo reprenait au refrain !

Tous les gas [sic] qui avaient le « Pouvoir » dans le nez soupiraient après la République.

Elle vint, la « République », en 1848 ; mais elle ne fit que passer et on n’eut pas le temps de se rendre suffisamment compte de quoi il retournait. Sur le moment, les pétrousquins, aussi bien que les gas des villes, avaient eu confiance en elle: ils s’imaginaient que ce mot magique signifiait un nouvel alignement social.

Ce fut une déception! Quoique ça, l’épreuve n’était pas suffisante.

Quand Badingue eut réussi son coup d’État et qu’il fallut du pognon, beaucoup de pognon, pour goberger la vermine impériale, le mot « république » rayonna à nouveau.

Les impôts tombaient, dru comme grêle, sur le casaquin du populo. Aussi, chacun ruminait et songeait que si la république venait, ça changerait : foutre bas l’empire et coller à sa place une société galbeuse avec le bricheton assuré et la liberté à la clé…

C’est l’idée qu’en ces temps-là, on se faisait de la république.

Aussi, quand l’empire croula ce fut une sacrée jubilation : on allait vivre enfin, la Belle était en route!

Je t’en fous ! Elle s’est bien amenée – mais quelle garce. Au lieu de la Marianne de ses rêves, le populo a vu une affreuse pétasse réservant ses caresses à tous les charognards de la haute.

Banquiers, frocards, chats-fourrés et porte-rapière sont devenus ses clients les plus gobés et c’est avec bougrement de plaisir que cette goton les reçoit dans son plumard.  »

Source : Émile Pouget, Almanach du Père Peinard, 18 septembre 1898. Cf. Émile Pouget, Le Père Peinard, textes choisis et présentés par R. Langlais, Editions Galilée, 1976.