Vincent Hyspa [1865-1938] est un acteurécrivaincompositeurhumoriste et chanteur français originaire de Narbonne. En 1883, alors qu’il est au lycée, il devient lecteur de la revue Le Chat noir créé par Robert Salis l’année précédente, et avec qui il se met à correspondre. Il tente sa chance en 1892 et monte à Paris où il est embauché dans le cabaret éponyme de Salis, situé à Montmartre.

Machiniste, homme à tout faire, il finit par monter sur scène et commence à se distinguer. En 1892, Vincent Hyspa quitte la troupe et s’installe dans Paris où il fonde son propre cabaret Le Chien Noir. Réputé pour son humour à la fois ironique et impassible, il se distingue par ses conférences humoristiques, ancêtre du one-man show contemporain et du stand up. En 1921, ses textes sont regroupés dans un recueil intitulé l’éponge de porcelaine. Enfin, dans les années 30, Vincent Hyspa apparaît dans quelques films dont À nous la liberté de René Clair (1931), ou La belle équipe de Julien Duvivier (1936).

En parallèle, Vincent Hyspa compose un nombre important de chansons marquées par l’humour et la dérision où le politique et le social sont omniprésents. En 1903, il publie un recueil intitulé Chansons d’humour, divisé en 7 cycles. Parmi ces derniers, plusieurs font référence au président de la République dont « le prisonnier de l’Élysée », chanson qui appartient au « cycle Émile Loubet », et qui raconte l’histoire d’un président faisant le mur …


 

Dans l’palais d’l’Élysée
Entre cour et jardin anglais
Derrière la croisée
Y’a t’un prisonnier
Qui doit bien s’amuser.

Personne ne l’y va voir
(À part des tas d’gens dont il
N’avait jamais vu la poire)
Que la fill’ du portier
Qui vient fair’ ses souliers

Un jour, dit la légende,
C’était un soir,
Un soir d’espoir !
Un jour il lui demande
La clé du clos’t water
Pour aller prendre l’air.
Vêtu d’sa redingote
Et d’ses croq’neaux
Départ’mentaux
À minuit il se trotte
Sans même dire adieu
Par la porte des lieux.

Une fois dans la rue
En déguisant
Son bel accent
Et malgré l’heure indue,
Il se met à chanter :
Vive la liberté…!

Au même instant, i’ r’ssaute
Un d’ses agents
Le rattrapant par le fond d’sa culotte,
Lui dit : – À cette heur’ci
Les brav’s gens sont au lit.

Sous l’œil d’la police
Sans rouspéter,
Il dut rentrer
Par l’escalier d’service
En s’répétant en chœur :
L’agent n’fait pas l’bonheur…

Dans l’palais d’l’Elysée,
Entre cour et jardin anglais
Derrière la croisée,
Y’a t’un prisonnier
Qui doit bien s’amuser.

Vincent Hyspa Le prisonnier de l’Élysée, texte issu du répertoire Chansons d’humour, Paris, Enoch et Cie éditeurs, 1903, p. 90

Extrait du recueil « Chansons d’humour » – 1903