Arlette Laguiller est née le 18 mars 1940, à Paris. Issue d’une famille modeste de Seine-Saint-Denis, elle est initiée à la discussion politique par son père. Après avoir obtenu le BEPC en 1956, elle commence à travailler au Crédit Lyonnais où elle fait carrière jusqu’à sa retraite. Au début des années 60, elle développe sa conscience politique ; ele se reconnaît dans le mouvement trotskyste et participe à de nombreuses luttes et initiatives. Arlette Laguiller participe notamment à la manifestation de Charonne en 1962, marquée par une répression policière sanglante.

Après Mai 68, elle rejoint des camarades de lutte et participe à la fondation de Lutte Ouvrière dont elle est la porte-parole de 1973 à 2008. Elle se présente à des élections la première fois en 1971 lors des élections municipales. Mais Arlette Laguiller est surtout la première femme à être candidate à la Présidentielle de 1974. Jusqu’en 2007, elle rempile, malgré la certitude de n’être jamais élue mais consciente de profiter d’un moment de médiatisation unique et élargie pour les idées qu’elle défend et auxquelles elle est toujours restée fidèle. Sa profession de foi issue de la présidentielle de 1981 dont nous présentons ici une moitié, reprend des thèmes déjà développés en 1974. Sa communauté est celle, universelle et sans nuances, des travailleurs et des travailleuses se reconnaissant dans la gauche.

Notons, enfin, qu’un certain nombre de mesures portées par Lutte Ouvrière seront adoptées par la suite par des gouvernements de gauche.


La candidature d’une travailleuse du rang

Parmi les candidats en présence, Arlette Laguiller, une employée de banque, est la seule travailleuse du rang.

Les partis de droite présentent des gens riches, de naissance ou parvenus : c’est qu’ils représentent la grande bourgeoisie et les banques.

Les grands partis de gauche ne présentent pas des travailleurs, mais des politiciens professionnels : c’est qu’ils ne représentent plus les travailleurs.

La candidature d’Arlette Laguiller, c’est l’affirmation du fait que les travailleurs doivent prendre eux-mêmes en main leurs propres affaires et celle de toute la société.

La candidature d’une femme

La candidature d’Arlette Laguiller, c’est l’affirmation du droit des femmes à jouer dans la société un rôle équivalent à celui des hommes.

Les femmes sont cantonnées dans les emplois les moins qualifiés. Elles sont, à travail égal, moins payées que les hommes. Elles sont aujourd’hui les premières victimes du chômage.

Une fois de plus aucun des quatre grands partis, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’a jugé une femme digne de le représenter dans les élections présidentielles. En parole, tous se prétendent pourtant partisans de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Alors, les femmes qui représentent 50 % du corps électoral pourraient donner une leçon aux quatre grands, en faisant que le soir du 26 avril, il y a une femme parmi les quatre premiers à la place de l’un d’eux.

Les élections ne nous feront pas faire l’économie d’une seule lutte

Pendant que les dix plus grandes sociétés françaises ont toutes vu leurs profits augmenter en 1980, toutes les couches laborieuses paient durement les frais de la crise économique.

  • les travailleurs, ouvriers et employés, dont le niveau de vie est rongé par l’inflation, et qui vivent dans la hantise des licenciements, alors que déjà 2 millions d’entre eux sont sans emploi ;
  • les jeunes, voués aux prétendus « pactes pour l’emploi », au travail intérimaire, aux contrats à durée déterminée, destinés à en faire des chômeurs partiels ;
  • les retraités, qui voient leurs pensions réduites par l’inflation ;
  • les artisans et les petits commerçants, dont les difficultés vont se multiplier dans la mesure où la crise réduit le pouvoir d’achat des consommateurs de classes populaires ;
  • les agriculteurs, dont les produits trouvent de moins en moins preneur et dont l’exode forcé continue.

Ce ne sont pourtant pas les besoins à satisfaire qui manquent. Seulement, il y a d’un côté des producteurs qui ne trouvent pas à vendre leurs produits, et de l’autre côté, en France et dans le reste du monde, des consommateurs en puissance qui ne peuvent pas acheter, faute de moyens.

C’est un système de fous, que ce système incapable d’utiliser les bras et les compétences de millions d’hommes pour diminuer la peine de tous, et permettre à chacun de vivre correctement son travail.

Les principaux candidats prétendent avoir des plans pour nous protéger de la crise. Mais ils ne disent pas que, si la crise est mondiale, si elle est inévitable dans le sens dans le système capitaliste, le vrai problème est de savoir qui la paiera. Est-ce que ce sont les classes laborieuses, par l’inflation, le chômage pour les travailleurs, les faillites pour les petits commerçants et artisans, l’obligation de quitter la terre pour les paysans, comme cela se passe depuis sept ans ? Ou bien les trusts, les monopoles et les banques, dont les bénéfices s’accroissent chaque année, malgré la crise, dans des proportions énormes ?

En fait après les élections, tous ceux qui vivent de leur travail seront obligés de contraindre le pouvoir, quel que soit l’homme qui sera élu, à satisfaire des revendications indispensables :

  • la semaine de 35 heures, la revalorisation des salaires, pensions et retraites, en fonction du coût de la vie ;
  • la garantie de vendre leur production pour les paysans et les marins-pêcheurs ;
  • la possibilité de vivre décemment de leur travail, sans être étranglés par les circuits de distribution, les banques et le fisc, pour les petits commerçants et les artisans.

Et ils auront d’autant plus de chances d’obtenir satisfaction qu’ils lutteront ensemble, conscients que tous ceux qui vivent de leur travail sans exploiter personne, ont fondamentalement les mêmes intérêts. […]*

Profession de foi d’Arlette Laguiller, candidate de Lutte Ouvrière, 1981, extrait, collection particulière

 

Complément : la présentation de la profession de foi pour la télévision ( Source : INA)