Jean-Louis Tixier-Vignancour [1907-1989] fut le premier candidat classé à l’extrême droite à se présenter aux élections présidentielles, sous la cinquième République. Après des études à Louis-le-Grand, il choisit la carrière d’avocat puis se lance en politique. Membre de la Ligue d’extrême-droite les Camelots du Roi, il devient député des Basses Pyrénées en 1936. En 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain puis fait carrière sous le régime de Vichy. Frappé d’indignité nationale après la guerre, Tixier-Vignancour retrouve son métier d’avocat et défend notamment Louis -Ferdinand Céline et obtient pour lui une amnistie en 1951. Il ne renonce pas pour autant à la vie politique. En 1954, il fonde le Rassemblement national français puis, redevenu éligible en 1956, il se présente et redevient député. En 1965,  avec pour directeur de campagne un certain Jean-Marie Le Pen, Tixier-Vignancour se présente en 1965 comme un opposant résolu de général de Gaulle qui, lui,  brigue un second mandat. Il reproche  à celui-ci, entre autres choses,  l’abandon de l’Algérie française.

Les extraits choisis sont extraits de la profession de foi du candidat Tixier-Vignancour, telle qu’elle a été diffusée aux électeurs pendant la campagne présidentielle de 1965. Ils sont intéressants, car on constate qu’il y a près de 60 ans déjà, dans un contexte économique, sociale et culturelle très différent du nôtre, la vie quotidienne des Français était déjà un thème de campagne : le logement, déjà  le prix de l’essence, l’école, le manque d’enseignants, la question des retraites, le système hospitalier… Non, vous ne rêvez pas, nous sommes bien en 1965 !

Le 5 décembre 1965, Tixier-Vignancour arriva en quatrième position avec 1 260 208 voix, soit 5,20 % des suffrages exprimés.  Identifié comme  candidat anti-gaulliste et pro « Algérie française », ce n’est probablement pas  la dimension sociale du programme qui séduisit  ses électeurs…

 


Le logement

Vous connaissez comme moi l’inquiétude des jeunes ménages qui ne peuvent trouver un logement à la mesure de leurs ressources, les difficultés, les drames que suscite cette situation dans les familles. La France est au  dernier rang de la construction européenne. Il n’y a plus de problème du Iogement en  Angleterre, en  Belgique. Depuis quinze ans. l’Allemagne a construit 7.300.000 logements tandis  que nous en construisions 3.100.000, à un prix supérieur des deux tiers à celui que paient nos voisins.  Ces chiffres se passent de commentaires. Nous ne sommes en tête que pour le nombre de taudis, de  maisons  délabrées, aussi bien dans les campagnes que dans nos grandes  villes. L’Etat gaulliste n’a pas fait son devoir. On vous trompe quand on vous dit le contraire.

La circulation

Automobilistes, vous savez comme moi que des six pays du Marché Commun, la  France est celui où l’essence coûte le plus cher : 95 [centimes de francs] contre 87 en Italie, 76 en Belgique, 70 en Allemagne, 68 aux  Pays-Bas, 65 au Luxembourg. C’est aussi le pays où la circulation devient un cauchemar sanglant  faute d’autoroutes, d’ouvrages routiers et par manque d’entretien des routes secondaires.  Notre territoire est double de celui de l’Allemagne Fédérale, mais celle-ci dispose de 3.300 kilomètres  d’autoroutes alors que nous n’en n’avons que 350 ! Nous sommes battus par la petite Hollande  (814 km) et par l’Italie (1.700).  Ce qui n’empêche pas l’Etat gaulliste de  s’approprier le produit de la vignette, primitivement destiné aux vieillards. Je me suis  engagé publiquement à supprimer cet impôt antidémocratique et vexatoire.

Notre jeunesse

Mères de famille, souvenez vous de la dernière rentrée scolaire : locaux souvent vétustes, manque  de places dans les écoles maternelles, dans les écoles primaires, dans les lycées, dans les  Facultés ; insuffisance honteuse de l’enseignement technique ; pénurie de professeurs et d’instituteurs ; absurdité des programmes  sans cesse bouleversés au dépens de la santé des élèves et de leur véritable formation.

Là encore, l’État gaulliste ment quand il vous dit qu’il s’est occupé de notre jeunesse à qui l’enseignement doit être largement dispensé si nous voulons assurer notre avenir.

Nos hôpitaux sont vétustes et surchargés. Nos vieux travailleurs souffrent de la faim et du froid. Les remboursements de la Sécurité Sociale et de la Mutualité agricole sont devenus dérisoires par la faute de l’État. De graves menaces pèsent, malgré tous les démentis, sur les régimes de retraites, dont celui des cadres. Je m’engage à mettre immédiatement à l’étude pour pour les travailleurs d’obtenir une retraite digne à 60 ans. […]

Extraits de la profession de foi de Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat aux élections présidentielles de 1965