La période de la Commune fut prolifique en termes de productions littéraires et artistiques; et nombreuses furent les chansons composées à cette occasion. Certaines sont passées à la postérité comme Le Temps des cerises, et surtout L’Internationale. Pourtant, le texte de Paris pour un beefsteak vaut la peine d’être redécouvert pour les nombreux thèmes qu’il aborde : l’occupation allemande, la question de la reddition de Paris, la faim, le sort de l’Alsace-Lorraine …
Paris pour un beefsteak est une chanson écrite pendant et à propos du siège de Paris par Émile Deureux, un libraire de Montmartre. Le texte de sa chanson est initialement publié le 15 novembre 1870 dans le journal de Blanqui, La Patrie en danger. Pour la musique, il reprend l’air de Dis-moi Trochu, dis-moi, t’en souviens-tu ? qui date en réalité de 1817.
Paris pour un beefsteak
Vive la Paix ! La France est aux enchères ;
Demain, bourgeois, vous pourrez regoinfrer.
Bismarck attend au château de Ferrières
Que dans Paris, Thiers lui dise d’entrer.
Favre griffonne un dernier protocole,
Trochu renonce à son plan incompris…
Allons Brébant, tourne la casserole :
Pour un beefsteak, on va vendre Paris.
Allons Brébant, tourne la casserole :
Pour un beefsteak, on va vendre Paris.Que font à moi l’Alsace et la Lorraine ?
Dans ces pays, je n’ai ni champ ni bien.
Que le Prussien nous les laisse ou les prenne,
Je m’en bats l’œil, car je n’y perdrais rien.
Plus que Strasbourg, ma table m’intéresse :
Metz ne vaut pas une aile de perdrix ;
Et puis, tout ça fait bouder ma maîtresse…
Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris.
Et puis, tout ça fait bouder ma maîtresse…
Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris.J’entends des fous parler de résistance,
De lutte à mort, de patrie et d’honneur !
Mon ventre seul exige une vengeance :
Sous le nombril j’ai descendu mon cœur.
Libre aux manants de rester patriotes,
Et de mourir sous les feux ennemis ;
Moi, j’aime mieux la sauce aux échalotes…
Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris.On dit encor que la France est mourante ;
Que l’étranger lui ronge les deux flancs ;
Et que partout, sous leur botte sanglante,
Comme des serfs, nous courbent les uhlans.
Pleure qui veut de cette scène amère,
Mais que la paix mette fin à ces cris !
La viande manque chez ma cuisinière…
Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris.
La viande manque chez ma cuisinière…
Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris.Allons, c’est dit, bobonne, fais toilette ;
Au salon bleu remets des rideaux neufs.
Et toi, Manon, va battre l’omelette :
Grâce aux Prussiens, nous mangerons des œufs.
Je veux demain recevoir à ma table
Trois Bavarois, et je veux qu’on soit gris…
Vive la paix ! la Patrie est au diable !
Pour un beefsteak, on a rendu Paris.
Vive la paix ! la Patrie est au diable !
Pour un beefsteak, on a rendu Paris.