Les complots militaires et/ou civils pour renverser la seconde République espagnole proclamée en avril 1931 furent nombreux. La première tentative de coup d’Etat, celle du général Sanjurjo, eut lieu en août 1932. La dernière, celle de juillet 1936, déboucha sur 3 ans de guerre civile et sur la victoire des ennemis de la seconde République.
Le texte que nous présentons est en rapport direct avec cette dernière conspiration qui fut fatale à la République espagnole. Cette directive réservée nº1 n’était pas destinée à être rendue publique. Elle s’adressait aux généraux espagnols et officiers supérieurs qui, depuis plusieurs mois, conspiraient pour renverser le gouvernement espagnol de Front populaire. Cette directive a été rédigée par le général Emilio Mola, nommé quelques jours plus tôt chef des conjurés. Il prétend agir comme chef d’Etat-major du général Sanjurjo, le militaire le plus gradé d’Espagne, qui vit en exil au Portugal depuis sa tentative avortée de coup d’Etat, en août 1932. Emilio Mola est un militaire de grande expérience, ayant servi au Maroc espagnol comme son homologue Francisco Franco… Au sein du groupe des conspirateurs, Mola est surnommé le directeur (el drirector).
Cette directive nº1 est intéressante car c’est peu ou prou le plan qui a été appliqué lors du soulèvement militaire de juillet 1936. L’introduction vise à justifier la rebellion, avec les arguments classiques des militaires putschistes : lutte contre le chaos, rétablissement de « la paix et la justice par l’ordre », au nom de l’amour de la patrie. La directive prévoit que la conquête du pouvoir doit reposer sur une action militaire associant les civils hostiles au régime, ce qui sera effectivement le cas pendant la guerre civile. Le but politique de la prise de pouvoir est l´établissement d’« une dictature militaire ».
Enfin, l’ennemi politique et idéologique est clairement désigné : « syndicats inspirés de l’étranger, « socialistes, francs-maçons, anarchistes, communistes, etc. », ennemi contre lequel l« ‘action doit être extrêmement violente pour réduire au plus vite l’ennemi, qui est fort et bien organisé » et dont les dirigeants doivent être durement réprimés. Cette directive fut, et c’est le moins qu’on puisse dire, appliquée à la lettre pendant la guerre civile et même au delà…
Directive réservée nº1 du 25 avril 1936 (extraits)
Les circonstances gravissimes que traverse la Nation, en raison d’un pacte électoral qui a eu pour conséquence immédiate que le Gouvernement soit prisonnier des organisations révolutionnaires, conduisent fatalement l’Espagne à une situation chaotique, et il n’y a pas d’autre moyen pour l’éviter que l’action violente. Pour cela, les éléments qui aiment la Patrie doivent absolument s’organiser pour la rebellion, dans le but de conquérir le pouvoir et d’imposer la paix et la justice par l’ordre. Cette organisation est éminemment offensive, elle doit être réalisée le plus tôt possible, conformément aux bases suivantes :
Base 1. La conquête du pouvoir doit être réalisée en profitant du premier moment favorable, et les Forces armées doivent y contribuer, conjointement aux apports en hommes, en matériel et en éléments de toutes sortes, que fourniront les groupes politiques, les associations et les individus isolés qui n’appartiennent pas aux sectes et aux syndicats inspirés de l’étranger, « socialistes, francs-maçons, anarchistes, communistes, etc. »
Base 2. Pour l’exécution du plan, deux organisations agiront de manière indépendante, bien que liées de la manière indiquée ci-dessous : civile et militaire. La première aura un caractère provincial ; la seconde, la base territoriale des Divisions organiques.
[Suivent des directives d’ordre technique sur les modalités de la prise de pouvoir dans les provinces]
Base 5. Une fois le mouvement lancé et l’état de guerre déclaré, les comités civils et militaires seront immédiatement fusionnés, dans les lieux où se trouve une garnison, pour procéder d’un commun accord, selon les inspirations et les ordres qu’ils recevront du Directeur du mouvement. Dans ce cas, les comités civils et militaires seront subordonnés au capital du chef de Division. On prendra en compte que l’action doit être extrêmement violente pour réduire au plus vite l’ennemi, qui est fort et bien organisé. Bien entendu, tous les dirigeants des partis politiques, sociétés ou syndicats non affiliés au mouvement seront emprisonnés, et on appliquera des peines exemplaires auxdits individus pour étouffer les mouvements de rébellion ou les grèves.
Base 6. Une fois le pouvoir conquis, une dictature militaire sera établie dont la mission immédiate sera d’établir l’ordre public, d’imposer l’État de droit et de renforcer de manière appropriée l’armée pour consolider la situation de fait, qui deviendra de droit.
[…]
Directive réservée nº1, rédigée par le général Emilio Mola, « le directeur », 25 avril 1936
Traduction proposée par Gilles Legroux
Version originale en espagnol
Instrucción reservada nº1 (extractos)
Las circunstancias gravísimas por las que atraviesa la Nación, debido a un pacto electoral que ha tenido como consecuencia inmediata que el Gobierno sea hecho prisionero de las Organizaciones revolucionarias, lleva fatalmente a España a una situación caótica, que no existe otro medio que evitar mediante la acción violenta. Para ello los elementos amantes de la Patria tienen forzosamente que organizarse para la rebeldía, con el objeto de conquistar el poder e imponer desde el orden la paz y la justicia. Esta organización es eminentemente ofensiva, se ha de efectuar en cuanto sea posible, con arreglo a las siguientes bases :
Base 1.ª.La conquista del poder ha de efectuarse aprovechando el primer momento favorable, y a ella han de contribuir las fuerzas Armadas, conjuntamente con las aportaciones que en hombre y material y elementos de todas clases faciliten los grupos políticos sociedades e individuos aislados que no pertenezcan a sectas y sindicatos que reciben inspiraciones del extranjero, « socialistas, masones, anarquistas, comunistas etc ».
Base 2.ª Para la ejecución del plan actuarán independientemente, aunque relacionadas en la forma que más abajo se indica, dos organizaciones: civil y militar. La primera tendrá carácter provincial; la segunda, la territorial de las Divisiones orgánicas.
Base 3.ª Dentro de cada provincia, Comité provincial (primer orden) compuesto por un número de miembros variables elegidos entre los miembros de orden, milicias afectas a la causa y personas representativas de las fuerzas o entidades económicas de composición lo más reducida posible. A estos comité compete:
a) Designar el Comité suplente, organizar los del partido judicial (segundo orden) y dictar las normas porque se han de regir estos y los de ayuntamiento (tercer orden), que serán organizados por los de segundo orden.
b) Nombrar presidente, secretario y agente de enlace con los Comités militares de guarnición o territoriales, según que la provincia sea o no sea cabeza de División orgánica.
c) Tener designados los individuos con instrucción militar, pertenecientes o no a las milicias contra-revolucionarias, que les pidan los comités militares, por conducto de los agentes de enlace, para reforzar los cuerpos armados en el momento de la movilización, en la inteligencia que dichos individuos han de estar dispuestos a la lucha y a morir por nuestra Santa Causa.
d) Tener designado al personal técnico y obrero que en el momento oportuno a de encargarse de los servicios municipales, correos, teléfonos, telégrafos, estaciones, radios (estos tres últimos bajo la dirección de ingenieros militares, si los hubiera), agua, luz, gas, electricidad, panificación y demás para la vida regular de toda población, en inteligencia que en primer término habrán de ser empleados los funcionarios u obreros que presten servicios en ellos y sepan con toda seguridad que han de ser entusiastas colaboradores.
e) Tener preparado el personal auxiliar de la policía gubernativa en donde convenga incrementar las plantillas o sustituir total o parcialmente los funcionarios de la escala técnica.
f) Tener preparadas las personas que han de hacerse cargo del ayuntamiento de la capital y aprobar los nombres que propongan para los de los pueblos.
g) Hacer rápidamente las estadísticas de vehículos de tracción mecánica y de sangre y tener designados los que han de incorporarse a la unidades armadas, a petición de los Comités militares, desde luego con sus conductores.
h) Organizar las defensas contra las alteraciones de orden público en las poblaciones donde no haya fuerzas armadas. Podrán delegar esta defensa en los pueblos en los Comités de segundo y tercer orden.
i) Tener designadas, de acuerdo con el jefe del Comité militar territorial, la persona que al producirse el movimiento a de encargarse del Gobierno Civil de la provincia (siempre que sea posible es preferible que de dicho Gobierno se encargue el jefe más caracterizado de la Guardia Civil de la provincia; si no es persona de carácter, es preferible una persona civil).
j) Prestar cuantos auxilios les pidan las autoridades militares, una vez producido el movimiento, especialmente todo lo referente al abastecimiento de tropas y ganado.
k) Facilitar los recursos que sean necesarios tanto antes como después del movimiento . Estos siempre antes han de estar justificados y ser los más limitados posibles, porque la explendidez conduce al abuso.
[…]
Base 5.ª Producido el movimiento y declarado el estado de guerra se procederá en el acto a refundir en uno solo los comités cíviles y militares, en los lugares donde haya guarnición, para proceder de común acuerdo, según las inspiraciones y órdenes que reciban del Director del movimiento. Llegado este caso, los comités provinciales cívico-militares quedaran subordinados al de la capitalidad de la cabecera de la División. Se tendrá en cuenta que la acción ha de ser en extremo violenta para reducir lo antes posible al enemigo, que es fuerte y bien organizado. Desde luego serán encarcelados todos los directivos de los partidos políticos, sociedades o sindicatos no afectos al movimiento aplicándoles castigos ejemplares a dichos individuos para estrangular los movimientos de rebeldía o huelgas.
Base 6.ª Conquistado el poder se instaurará una dictadura militar que tenga por misión inmediata establecer el orden público, imponer el imperio de la Ley y reforzar convenientemente el Ejército para consolidar la situación de hecho, que pasará a ser de derecho.
[…]
Instrucción reservada nº1, general Emilio Mola, « el director », 25 de abril de 1936