Le jeudi 11 mars 2004, il y a vingt ans, aux premières lueurs du jour et en pleine heure de pointe, une série d’explosions dans trois gares madrilènes (Atocha, El Pozo, Santa Euguenia) cause la mort de 192 personnes et en blesse 1858 autres. Presque trois ans après les attentats du 11 septembre à New York, l’émotion est immense : c’est le pire attentat survenu en Europe depuis l’attentat de Lockerbie en 1988 (Ecosse). La campagne pour les élections législatives – qui doivent se tenir trois jours plus tard le  dimanche  14 mars 2004 – est immédiatement interrompue et des messages de sympathie affluent de toutes les chancelleries occidentales.

Si le crime est d’abord attribué au terrorisme de  l’ETA, le véritable coupable est confirmé quelques jours plus tard : il s’agit d’Al-Qaïda. La lenteur à admettre la responsabilité du groupe djihadiste semble avoir partiellement joué dans la défaite électorale du pouvoir en place. En effet, José Maria Aznar, chef de gouvernement depuis 1996, avait accepté de soutenir les États-Unis dans son invasion de l’Irak en 2003, à rebours de l’opinion publique espagnole. Les attentats ayant eu lieu quelques jours avant le scrutin, les révélations de l’enquête sur le véritable coupable ont miné la campagne de Mariano Rajoy, successeur désigné d’Aznar. C’est finalement José Luis Rodrigez Zapatero et le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) qui l’emportent.

Après une minutieuse enquête de plusieurs années, 29 accusés ont été jugés à Madrid en 2007. Une vingtaine a été condamnée à de lourdes peines de prison et le reste a été acquitté.

Plusieurs lieux de mémoire rendent hommage aujourd’hui aux victimes des attentats du  11 mars 2004, comme par exemple, le monument à l’entrée de la gare d’Atocha ou encore le Bosque del Recuerdo dans le parc du Retiro.

L’auteur

Juan Carlos, né en 1938, est roi d’Espagne depuis novembre  1975. Son début de règne est associé à la Transition démocratique. Hormis les traditionnels vœux prononcés au moment des fêtes, ses prises de parole à la télévision sont rarissimes. Le seul précédent est l’allocution du 23 février 1981 après la tentative de coup d’État fomenté par une partie de l’armée. Le texte de Juan Carlos ne cible encore aucune responsabilité particulière.

La suite du règne de Juan Carlos a été entachée par une série de scandales privés et par des accusations récurrentes de corruption. Le roi choisit d’abdiquer en 2014. Son fils Felipe lui succède. Au moment des attentats de Madrid, le prince des Asturies s’était déplacé avec sa mère, la reine Sofia, et sa fiancée, Letizia Ortiz-Rocasolano, sur les lieux du drame.


Le texte

Le discours en français

Palais de la Zarzuela. Madrid, 11 mars 2004

La barbarie terroriste a plongé aujourd’hui l’Espagne dans la douleur la plus profonde, la répulsion et l’indignation.

Des hommes, des femmes et des  enfants, des  citoyens libres de tous âges et de tous métiers, y compris venus  d’autres pays, qui allaient  vers leur destination, leur  école et leur travail, ont été violemment confrontés à la mort et à la souffrance.

Un scénario cauchemardesque s’est emparé de tous les foyers espagnols pour montrer la face la plus cruelle et la plus  meurtrière du terrorisme.

En ces moments tragiques, je tiens à exprimer aux familles des victimes mon affection la plus profonde ainsi que celle de toute ma famille. J’aimerais me fondre avec vous tous  dans une étreinte chargée de réconfort et de tristesse.

Nous serons toujours avec vous, avec tous ceux qui souffrent des conséquences de cette folie macabre injustifiable. Ces attentats répugnants ne  méritent que la condamnation la plus énergique et absolue.

Je m’adresse également aux blessés et à leurs familles pour leur exprimer notre chaleur, notre proximité et notre souhait de prompt rétablissement.

Votre Roi souffre avec vous tous, il partage votre indignation et a confiance en la force et l’efficacité de l’État de droit afin  que de tels assassins, vils et lâches, tombent entre les mains de la justice et purgent en prison toutes les peines que les tribunaux leur imposeront. Ils devront répondre de leurs crimes de manière irrévocable.

Les services publics et les citoyens de Madrid, toujours généreux, se sont élevés dans la tragédie pour montrer leur solidarité, leurs efforts et leur collaboration.

Les forces de sécurité travaillent sans relâche  pour défendre nos libertés.

L’Espagne au grand cœur a vibré une fois de plus en offrant son aide matérielle et son soutien moral.

À tous, notre reconnaissance la plus profonde.

Le découragement n’est pas fait pour les Espagnols.

Nous sommes un grand pays qui a largement démontré sa capacité à relever les défis et les difficultés. Un pays qui sait très bien que  face au non-sens  et à la barbarie, seules conviennent l’unité, la fermeté et la sérénité.

Unité, fermeté et sérénité dans la lutte contre le terrorisme, avec tous les outils que nous offre l’État de droit, en redoublant nos efforts conjoints pour en finir avec ce fléau, en comptant sur l’action de la police, le travail de la justice et la coopération internationale.

Unité, fermeté et sérénité au-delà des différences légitimes d’opinion, avec la volonté la plus ferme de coexistence pacifique et démocratique, garantie par notre Constitution, expression souveraine du peuple espagnol.

En ces heures de douleur immense, les Espagnols sommes  appelés, plus que jamais, à réaffirmer notre détermination à mettre fin à la violence terroriste.

Qu’il n’y ait aucun doute. Le terrorisme ne parviendra jamais à atteindre ses objectifs. Il ne parviendra pas à ébranler notre foi en la démocratie, ni notre confiance en l’avenir de l’Espagne.


La version originale

Palacio de la Zarzuela. Madrid, 11 de marzo de 2004

La barbarie terrorista ha sumido hoy a España en el más profundo dolor, repulsa e indignación.

Hombres, mujeres y niños, ciudadanos libres de todas las edades y ocupaciones, incluso de otros países, que se acercaban a sus destinos, escuelas y trabajos, se han encontrado brutalmente confrontados con la muerte y el sufrimiento.

Un escenario de pesadilla se ha apoderado de todos los hogares españoles para mostrar la cara más cruel y asesina del terrorismo.

En estos trágicos momentos, quiero hacer llegar a las familias de las víctimas mi más profundo afecto y el de toda mi Familia. Con todos querría fundirme en un abrazo cargado de consuelo y tristeza.

Siempre estaremos con vosotros, con todos aquellos que sufren las consecuencias de una locura macabra sin justificación posible. Estos repugnantes atentados sólo merecen la más enérgica y absoluta condena.

También me dirijo a los heridos y a sus familias, para expresarles nuestro calor, nuestra cercanía y nuestro deseo de pronta recuperación.

Vuestro Rey sufre con todos vosotros, comparte vuestra indignación, y confía en la fortaleza y eficacia del Estado de Derecho para que tan viles y cobardes asesinos caigan en manos de la Justicia, y cumplan en prisión todas las penas que los Tribunales les impongan. Habrán de dar cuenta de sus crímenes, de forma irremisible.

Los servicios públicos y los ciudadanos de Madrid, siempre generosos, se han crecido en la tragedia para mostrar su entrega solidaria, su esfuerzo y colaboración.

Los Cuerpos y Fuerzas de Seguridad no cesan en su labor en defensa de nuestras libertades.

La España de buen corazón ha vibrado una vez más ofreciendo su ayuda material y apoyo moral.

A todos, nuestro agradecimiento más profundo.

El desaliento no está hecho para los españoles.

Somos un gran país, que ha demostrado con creces su capacidad para superar retos y dificultades. Un país que bien sabe que, frente a la sinrazón y la barbarie, sólo cabe la unidad, la firmeza y la serenidad.

Unidad, firmeza y serenidad en la lucha contra el terrorismo, con todos los instrumentos que nos proporciona el Estado de Derecho, redoblando nuestros esfuerzos conjuntos para terminar con esta lacra, contando con la acción policial, la labor de la justicia y la cooperación internacional.

Unidad, firmeza y serenidad por encima de las legítimas diferencias de opinión, en torno a la más firme voluntad de convivencia pacífica y democrática, que garantiza nuestra Constitución, expresión soberana del pueblo español.

En estas horas de inmenso dolor, los españoles estamos llamados, más que nunca, a reafirmar nuestra determinación de acabar con la violencia terrorista.

Que no haya duda. El terrorismo nunca conseguirá sus objetivos. No conseguirá doblegar nuestra fe en la democracia, ni nuestra confianza en el futuro de España.