En févier 1939, des centaines de milliers d’Espagnols des deux sexes et de tous âges cherchèrent refuge en France, pour fuir l’avancée inexorable des troupes franquistes. Mal reçue – c’est un euphémisme -, plus de la moitié de ces réfugiés repartit vers l’Espagne dans les mois qui suivirent. Pour ceux qui restèrent sur le sol français, la défaite de juin 40 et l’occupation allemande faisaient peser de nouvelles menaces sur cette population étrangère, considérée comme indésirable par le gouvernement de Vichy.

C’est alors que le gouvernement du Mexique prit l’initiative d’ouvrir largement ses frontières aux Espagnols exilés en France. Les 4 documents présentés ici permettent d’aborder les grandes lignes de cette histoire d’accueil de migrants.

Les deux premiers documents font apparaître les deux principaux acteurs de cettte histoire. Le premier est signé par  Lázaro Cárdenas (1895¬1970), qui fut président du Mexique entre  1934 et 1940. Homme d’état  réformateur et profondément antifasciste, on voit à travers ce message que c’est à lui que revient l’initiative d’accueillir tous les exilés espagnols des deux sexes réfugiés en France qui le désireraient. Le message est daté du 1er juillet 1940, soit une semaine  après la signature de l’armistice franco-allemand et alors qu’une politique de collaboration se profile.

Le deuxième et le troisième  documents sont signés par Luis Ignacio Rodríguez (1905-1973), ministre plénipotentionaire représentant le gouvernement mexicain en France. En parfait accord avec le président Cardenas,  il est le véritable artisan de l’accord de l’accord signé avec le gouvernement de Vichy. Homme d’actions et de convictions, il parvient à rencontrer le maréchal Pétain (document 3) à Vichy le 8 juillet 1940 et à obtenir son accord.

Le document 4 est un extrait (traduit du texte espagnol) de la convention franco-mexicaine signée le 23 août 1940. Celle-ci a été négociée par Luis Ignacio Rodríguez avec quelques ministres du gouvernement de Vichy, reprenant pour l’essentiel l’accord de principe donné par le maréchal Pétain en juillet.

Les Espagnols qui  émigrèrent au Mexique en vertu de l’accord d’août 1940 furent, selon les sources, entre 2500 et 4000, soit une petite minorité. Les obstacles au départ virent surtout des autorités allemandes, peu désireux de laisser émigrer une population idéologiquement hostile et qui pourraient ensuite devenir des combattants dans les armées alliées.

Après la convention négociée avec Vichy, le ministre mexicain Luis Ignacio Rodríguez se signala également  par ses initiatives visant à protéger l’ex président de la République espagnole, Manuel Azaña. Mais ceci est une autre histoire…

 


 

 Doc.1  INSTRUCTIONS DE M. LE PRÉSIDENT [du Mexique] CÁRDENAS

Message reçu à Biarritz le 1er juillet 1940

Faites savoir  de toute urgence au gouvernement français que le Mexique est disposé à accueillir tous les réfugiés espagnols des deux sexes résidant en France. Dites lui  que ce gouvernement prend des mesures appropriées pour mettre en pratique cette résolution dans les plus brefs délais. Si le gouvernement français accepte sur le  principe notre idée, veuillez déclarer que dès le  moment de son acceptation, tous les réfugiés espagnols seront placés sous la protection du drapeau mexicain. De même, si  le gouvernement français accepte,  suggérez une façon pratique  d’atteindre nos objectifs, étant entendu que compte tenu des circonstances, nous nous adresserons aux gouvernements allemand [et] italien pour leur communiquer notre souhait.  Veuillez répondre  de toute urgence.

Président Cárdenas

Y Consulter la source en espagnol – document 1

 DOC. 2  MESSAGE AU SECRÉTARIAT DES RELATIONS EXTÉRIEURES

Télégramme d’État, Mont-Dore, 7 juillet 1940

Le maréchal Pétain m’a fixé une audience mardi prochain traiter affaire  concernant Monsieur le Président Cárdenas.

 Ministre Rodriguez

Y Consulter la source en espagnol – document 6

DOC. 3  CONFÉRENCE AVEC LE MARÉCHAL PÉTAIN

(Notes de mon journal)
Vichy, 8 juillet 1940
Le chef de l’Etat français a bien voulu  me recevoir dans l’appartement qu’il occupe, au numéro 418 de l’Hôtel du Parc, à 16h30. 
Après avoir échangé des salutations affectueuses, nous avons discuté, lui assis dans un fauteuil et moi au bord de son lit, de la mission que le gouvernement mexicain m’a confié au service des ex-combattants espagnols résidant dans  les territoires de France.
-Pourquoi cette noble intention – m’a-t-il dit – qui tend à favoriser des personnes indésirables ?
-Je vous prie de l’interpréter, Monsieur le Maréchal, comme un fervent désir d’aider et de protéger des éléments qui partagent  notre sang et notre esprit.
-Et s’ils vous  lâchent, comme avec tout le monde, étant ce qu’ils sont, des renégats de leurs coutumes et de leurs idées ?
– Nous aurions  au moins gagné des groupes de travailleurs, plus qualifiés que quiconque, pour nous aider à exploiter les ressources naturelles que nous possédons.
– [Vous avez] beaucoup de cœur et peu d’expérience.
– Maintenant, une question se pose, Monsieur le Maréchal : quel problème  peut se poser si mon pays veut servir la France en toute loyauté, désireux d’alléger le lourd fardeau qu’il porte sur ses épaules, en faisant émigrer le plus grand nombre de réfugiés hispaniques ?
– « Aucun », répondit-il avec aplomb, mais appelons cette attitude  élan d’humanité plutôt qu’une  aide à la France, car nous savons bien que dans les grandes misères les rats sont les premiers à périr et, dans notre cas, les exilés d’Espagne auraient obligatoirement  un avantage sur mes compatriotes.

De nouveaux arguments furent échangés. Lui,  pour défendre avec zèle  sa propre idéologie et les engagements pris par son régime ; moi, déterminé à remplir loyalement  ma mission.
À un moment donné, dans le feu de la discussion, en invoquant le nom du président de la République mexicaine, j’ai senti mon esprit vibrer de joie lorsque le maréchal m’a interrompu avec ces mots :

-Cárdenas, on en parle beaucoup en Europe. Je l’admire en tant que soldat et je l’envie en tant que citoyen.
Et pour finir :
-Dites lui  que je suis d’accord avec le plan qui m’est proposé. Cela ne vaut pas la peine d’en discuter en détail maintenant. Je ne sais pas non plus à qui confier une mission aussi importante. À la veille du remaniement  du gouvernement, je ne connais encore pas les noms de mes collaborateurs. Celui qui sera nommée suivra mes directives pour mener à bien avec vous cette  entreprise si  généreuse.
– Seriez-vous d’accord, Monsieur le Maréchal, que, pour formaliser cette conversation, nous échangeons des notes sur la question afin que le nouveau gouvernement qui sera issu  de l’Assemblée se trouve ainsi  face à une affaire en cours, ayant par écrit sa respectable autorisation ?
-Je n’y vois aucun inconvénient.

Etait  résolu, presque miraculeusement, avec un profond sentiment d’humanité, le sort de milliers d’hommes tenaillés par le destin.  Le Mexique réaffirmait par cette attitude  l’importance qu’il accorde au  droit des gens. J’avais envie de crier à tout le monde l’émotion qui explosait dans   mon esprit.

Y Consulter la source en espagnol – document 9

 

DOC.4   ACCORD FRANÇO-MEXICAIN (extraits)

République française, Ministère des Affaires étrangères.
Vichy, le 23 août 1940
[…]

1°) Le gouvernement et le peuple mexicains, animés d’une profonde sympathie pour les réfugiés espagnols fondée sur des raisons d’ordre historique, et désireux de pouvoir servir efficacement à la solution de ses problèmes internes le gouvernement et le peuple de France , avec lesquels il entretient des relations traditionnelles d’amitié loyale, exprime son intention d’accueillir avec plaisir sur le sol mexicain et sans distinction de sexe ou d’âge, quelle que soit leur appartenance politique ou religieuse, tous les Espagnols qui se trouvent actuellement réfugiés en France, dans ses colonies et
pays du protectorat français, sur la simple formalité de demander librement à bénéficier de ce   qui leur est offert par un pays ami au nom de la plus haute compréhension  humaine.

2°) […]  le gouvernement et le peuple mexicains expriment désormais leur décision d’aider, avec leurs propres moyens et par l’intermédiaire de leur Légation à Vichy, à la subsistance de tous les réfugiés espagnols, qui ne sont pas inclus dans les groupes qui reçoivent  une aide financière des autorités françaises pour leurs  services ou  pour d’autres raisons , mais  sont contraints de rester dans ce pays jusqu’au jour de leur émigration.

3°) Le gouvernement et le peuple de mon pays, pour achever leur œuvre d’assistance des
réfugiés espagnols résidant en France, dans ses colonies et dans les  pays sous protectorat français, ontégalement résolu de prendre en charge le transport maritime de ceux-ci vers le territoire mexicain, comptant à cet effet et dans un avenir très proche, avec des navires battant son pavillon ou celui de pays neutres.

[…]

Y Consulter la source en espagnol – document 42


Documents originaux en espagnol

INSTRUCCIONES DEL SEÑOR PRESIDENTE CÁRDENAS

Mensaje recibido en Biarritz el l de julio de 1940

Con carácter urgente manifieste usted al gobierno francés que México está dispuesto a acoger a todos los refugiados españoles de ambos sexos residentes en Francia. Diga usted que este gobierno está tomando medidas conducentes para llevar a la práctica esta resolución en el menor tiempo posible. Si el gobierno francés acepta en principio nuestra idea, expresará usted que desde el momento de su aceptación todos los refugiados españoles quedarán bajo la protección del pabellón mexicano. Asimismo, de aceptar gobierno francés sugiera usted forma práctica para realizar propósitos en la inteligencia de que en atención a las circunstancias nos dirigimos a gobiernos alemán [e] italiano comunicándoles nuestro deseo. Conteste urgentemente.

Presidente Cardenas

 

 

MENSAJE A LA SECRETARIA DE RELACIONES EXTERIORES

Telegrama de Estado, Mont-Dore, 7 de julio de 1940

Mariscal Pétain señalóme audiencia próximo martes tratar asunto refiérese señor presidente Cárdenas

 Ministro Rodriguez

 

CONFERENCIA CON EL MARISCAL PÉTAIN

(Apuntes de mi diario)
Vichy, 8 de julio de 1940
El jefe de Estado francés se sirvió recibirme en el departamento que ocupa, marcado con el número 418 del Hotel du Parc, a las 16:30 horas.
Después de cambiar saludos afectuosos, departimos, él sentado en una butaca y yo al borde de su lecho, sobre la encomienda que el gobierno de México me había dado al servicio de los excombatientes españoles residentes en los territorios de Francia.
-¿Por qué esa noble intención -me dijo- que tiende a favorecer a gente indeseable?
-Le suplico la interprete usted, señor mariscal, como un ferviente deseo de beneficiar y amparar a elementos que llevan nuestra sangre y nuestro espíritu.
-¿Y si les fallaran, como a todos, siendo como son, renegados de sus costumbres y de sus ideas?
-Habríamos ganado en cualquier circunstancia a grupos de trabajadores, capacitados como los que más, para ayudarnos a explotar las riquezas naturales que poseemos.
-Mucho corazón y escasa experiencia.
-Ahora sí cabe una pregunta, señor mariscal: ¿Qué problema puede plantearse cuando mi patria quiere servir con toda lealtad a Francia, deseosa de aligerar la pesada carga que soporta sobre sus espaldas, emigrando al mayor número de refugiados hispanos?
-Ninguno -replicó con aplomo-, pero llamemos a esa actitud impulso de humanidad, mejor que auxilio a Francia, porque de sobra conocemos que en las grandes miserias las ratas son las primeras que perecen y, en el caso nuestro, los exiliados de España estarían obligados a llevar ventajosa delantera a mis compatriotas. Nuevos argumentos sirvieron de esgrima a las palabras. Él, celoso por defender su propia ideología y los compromisos contraídos por su régimen; yo, empeñado en cumplir lealmente con mi alto propósito.
En algún instante, al calor de la discusión, invocando el nombre del señor presidente e la República mexicana, sentí que vibraba mi espíritu de alegría al interrumpirme el mariscal con estas palabras:
-Cárdenas suena mucho en Europa. Yo lo admiro como soldado y lo envidio como ciudadano.
Y para terminar:
-Diga usted que estoy conforme con el plan que se me propone. No vale la pena ahora discutirlo en su detalle. Tampoco sé a quién darle tan señalada misión. En vísperas de renovarse el gobierno, ignoro todavía el nombre de mis colaboradores. Cualquiera que resulte llevará mis directrices para realizar con usted esa empresa tan generosa.
-¿Estaría usted de acuerdo, señor mariscal, en que, para darle forma a esta conversación, nos cambiáramos notas al respecto con miras a que el nuevo gobierno que resulte de la Asamblea se encuentre ya con una situación creada, teniendo por escrito su respetable autorización?
-No tengo inconveniente en hacerlo.
Se había resuelto casi milagrosamente, con profundo sentido de humanidad, la suerte de millares de hombres atenazados por el destino. México reafirmaba con esta actitud los perfiles tan marcados que lo significan en el derecho de gentes. Sentí ganas de gritar a todo el mundo la emoción que por ello restallaba en mi espir

 

CONVENIO FRANCO-MEXICANO

República Francesa, Ministerio de Negocios Extranjeros.
Vichy, 23 de agosto de 1940
Señor ministro: En escrito de 12 de los corrientes usted ha tenido a bien comunicarme lo siguiente: « Tengo el honor de poner en conocimiento de Su Excelencia que, como resultado de las conferencias que por invitación expresa de ese Ministerio he tenido el gusto de celebrar con los representantes de los ministerios de Negocios Extranjeros, del Interior, Defensa Nacional, Guerra, Agricultura y Producción Industrial y del Trabajo, a propósito de la evacuación de los refugiados españoles residentes en Francia, en las colonias francesas y en los países de protectoradofrancés, con destino a los Estados Unidos Mexicanos, tengo la satisfacción de dirigirme a S.E. para confirmarle por escrito las instrucciones que, a este respecto, he recibido de mi gobierno, por acuerdo directo de S.E. el señor presidente de la República, general Lázaro Cárdenas, y que me ha sido especialmente grato poder comunicar verbalmente a S.E. el señor mariscal de Francia, jefe del Estado francés, en diferentes ocasiones anteriores.

1°) El gobierno y pueblo mexicanos, impulsados por una profunda simpatía hacia los refugiados españoles que se origina en motivos de orden histórico, y deseosos de poder servir con eficacia en la solución de sus problemas internos al gobierno y pueblo de Francia, con los que ha mantenido tradicionales relaciones de leal amistad, manifiesta su propósito de recibir con positiva complacencia en el suelo mexicano y sin distinción de sexos ni edades, cualquiera que sea su filiación política o religiosa, a todos los españoles que se encuentran actualmente refugiados en Francia, en sus colonias y países de protectorado francés, con la simple formalidad de que expresen libremente su solicitud de acogerse al beneficio que les ofrece un país amigo en nombre de la más alta comprensión humana.

2°) Siel Estado francés, fiel a los principios jurídicos y a las tradiciones humanitarias que han inspirado constantemente su acción, estimara oportuno hacer saber, por lo que le concierne, que mantiene y asegura a las personas que han buscado asilo en su territorio, el respeto de su vida y de su libertad, limitando sólo a los acusados por crímenes o delitos de derecho común no conexos a otros de orden político toda medida de extradición y excluyendo cualquiera represión que no sea de la competencia de los tribunales franceses, el gobierno y el pueblo mexicanos manifiestan desde ahora su decisión de acudir, con sus propios recursos y por medio de su Legación de Vichy, a la subsistencia de todos los refugiados españoles, que sin estar comprendidos en los grupos que vienen recibiendo ayuda económica de las autoridades francesas por prestaciones de ser-
vicios u otros conceptos, se vean obligados a permanecer en este país hasta el día de su emigración.

3°) El gobierno y pueblo de mi país, para completar su obra de beneficio a los refugiados españoles residentes en Francia, en sus colonias y países de protectorado francés, han resuelto además tomar a su cargo la transportación marítima de éstos hasta territorio mexicano, contando para el efecto y en fechas muy próximas con barcos que ampare su bandera o la de países neutrales. 4°) Para poder coordinar todos los trabajos que reclame esta importante emigración, se hace indispensable el funcionamiento de un servicio especial, dependiente de la Legación de México, que seguramente obtendrá la colaboración necesaria de las autoridades francesas para el mejor desempeño de su cometido. Estas ideas, expresadas en lo general, constituyen la aportación que el gobierno y el pueblo de mi país quieren dar para la solución del problema que significan
más de 100 000 refugiados en Francia. Al transmitirlas a usted con la más limpia satisfacción de mi vida, quiero agregarle el convencimiento que tengo del absoluto desinterés que las anima.
Dígnese considerarlo así, justipreciar lealmente el afecto que Francia inspira a mi patria y aceptar las seguridades de mi distinguida atención. El ministro de México, Lic. Luis J. Rodríguez ».

En debida respuesta tengo el honor de participarle que el gobierno francés ha acogido con gran simpatía esta generosa iniciativa y que, sensible a las consideraciones elevadas que la han inspirado, se felicita de poder participar, en colaboración con el gobierno y la nación mexicanos en una obra de la que hay motivos para esperar las más favorables repercusiones. Agradeciendo al señor presidente de la República, general Lázaro Cárdenas, el haber querido ofrecer una hospitalidad tan amplia a los refugiados españoles para quienes Francia, en razón de las circunstancias, no está ya en condiciones de poder asegurarles el mantenimiento de una existencia suficiente, el gobierno francés se congratula en expresarle a usted su completo acuerdo sobre el principio y sobre las modalidades del proyecto que se le ha sometido. Consciente de colaborar en esta forma a una de las empresas de emigración más considerables que hayan sido intentadas, y firmemente persuadido de que está destinada a producir importantes resultados en todos los aspectos, el gobierno francés no duda, ni por un momento, que esta obra, llevada en común con el gobierno mexicano, servirá para estrechar aún más los lazos tradicionales de amistad que unen a Francia y México. Aprovecho esta ocasión para expresarle, señor ministro, mi gratitud personal por la participación que usted ha tomado en la solución de este importante problema y le ruego acepte las seguridades de mi muy alta consideración.

Paul Baudouin, ministro de Negocios Extranjeros.