Monsieur le Premier ministre d’Israël, cher Bibi, merci pour ces mots.
Mesdames et messieurs les membres du gouvernement,
Monsieur le président du CRIF,
Monsieur le président des fils et fils des déportés juifs de France,
Monsieur le président de l’Union des déportés d’Auschwitz,
Monsieur le président de la Fondation de la mémoire de la Shoah,
Monsieur le président du Comité français pour Yad Vashem,
Messieurs les Grands rabbins,
Madame la maire de Paris,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs les représentants du corps diplomatique,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
Si je suis ici parmi vous en ce jour sombre et solennel, c’est en effet pour que se perpétue le fil tendu en 1995 par Jacques Chirac, à qui je veux tout particulièrement rendre hommage aujourd’hui, maintenu par Dominique de Villepin en 2005, Nicolas Sarkozy et François Fillon en 2007, poursuivi enfin par François Hollande en 2012.
Récemment encore, ce que nous croyons établi par les autorités de la République sans distinction partisane, avéré par tous les historiens, confirmé par la conscience nationale s’est trouvé contesté par des responsables politiques français prêts à faire reculer la vérité. C’est faire beaucoup d’honneur à ces faussaires que de leur répondre, mais se taire serait pire, ce serait être complice.
Alors oui, je le redis ici, c’est bien la France qui organisa la rafle puis la déportation et, donc, pour presque tous, la mort des 13.152 personnes de confession juive arrachés les 16 et 17 juillet 1942 à leurs domiciles, dont plus de 8.000 furent menés au Vel’ d’Hiv avant d’être déportés à Auschwitz. Parmi elles, 4.115 enfants de 2 à 16 ans, dont aujourd’hui nous honorons plus particulièrement la mémoire et pour lesquels, je souhaiterais que nous fassions silence.
(l’assistance se lève et observe une minute de silence)
Merci.
Je récuse les accommodements et les subtilités de ceux qui prétendent aujourd’hui que Vichy n’était pas la France, car Vichy ce n’était certes pas tous les Français, vous l’avez rappelé, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France.
Les 16 et 17 juillet 1942 furent l’œuvre de la police française, obéissant aux ordres du gouvernement de Pierre Laval, du commissaire général aux questions juives, Louis Darquier de Pellepoix et du préfet René Bousquet.
Pas un seul Allemand n’y prêta la main.
Je récuse aussi ceux qui font acte de relativisme en expliquant qu’exonérer la France de la rafle du Vel’ d’Hiv serait une bonne chose. Et que ce serait ainsi s’inscrire dans les pas du général de Gaulle, de François Mitterrand qui, sur ce sujet, restèrent mutiques. Mais il est des vérités dont l’état de la société, les traumatismes encore vifs des uns, le déni des autres a pu brider l’expression.
Les déchirures vives qui traversaient la société française ont pu faire primer l’apaisement et la réconciliation. Nos sociétés ainsi s’offrent de ces répits pendants lesquels le travail de la mémoire reste souterrain, pendant lesquels les peuples reprennent leurs forces et doivent se réconcilier peu à peu pour reconstruire, avant de trouver les mots de vérité qui les guériront vraiment. Avant aussi de retrouver le courage collectif d’affronter les fautes et les crimes.
C’est pourquoi nous n’avons pas à juger ici le parti choisi par ces deux chefs de l’État, tous deux acteurs de la Seconde Guerre mondiale et de ses complexités. Mais rappelons-nous aussi que c’est François Mitterrand qui institua cette Journée du souvenir ; et rappelons-nous surtout durant toutes ces années le combat souterrain de tant et tant pour que rien ne soit oublié.
Et puis le temps fait son œuvre.
Les témoins et les survivants parlent, les archives s’ouvrent, les historiens travaillent. La société mûrit ses drames et ses deuils. Alors la vérité se fait jour, et elle est implacable, irrévocable. Elle s’impose à tous. La cacher ou l’amoindrir insulte notre mémoire collective.
La France, en reconnaissant ses fautes, a ouvert la voie à leur réparation. C’est sa grandeur. C’est le signe d’une nation vivante qui sait regarder son passé en face. C’est là le courage d’un peuple qui ose son examen de conscience et tend la main aux victimes et à leurs enfants. Tendre la main, retisser les liens, ce n’est pas s’humilier par je ne sais quelle repentance, c’est se grandir, c’est être fort.
Je sais tous ceux qui diront que des journées comme aujourd’hui ou des propos comme ceux que je viens de prononcer, c’est encore rappeler les humiliations de notre pays, que c’est une repentance indigne : ça n’est rien de tout cela. C’est l’indispensable travail de mémoire et d’histoire, c’est la responsabilité qui est la nôtre, celle de réconcilier notre peuple jusqu’au bout, jusque dans ses pages d’ombre pour que chacun y retrouve enfin sa place.
Savoir où nous avons failli, qui a failli, c’est aussi regarder avec plus de fierté ceux qui ont dit non, ceux qui ont tendu la main à leurs frères en humilité et en humanité.
Alors oui, aujourd’hui, nous songeons aussi à ceux qui, en 1942 étaient déjà engagés dans la Résistance intérieure ou extérieure et payaient de leur vie leur combat clandestin.
Ils furent cette moisson de héros qui sauva la France et son honneur. Nous songeons aussi à tous ces Français qui offrirent aux Juifs pourchassés un refuge hospitalier, une cachette sûre et permirent de trois quarts des juifs de France de ne pas connaître le sort tragique des raflés du 16 juillet. Nous songeons à tous ces Justes avec fierté, cette fierté qui est devenue depuis le ferment de notre fierté nationale.
Mais à côté de ces héros, il y avait bien Vichy, il y avait bien L’État français. Car la France de l’État français ne se substitua pas en une nuit à la France de la Troisième République. Ministres, fonctionnaires, agents, responsables économiques, cadres, professeurs, la Troisième République fournit à l’État du maréchal Pétain la plus grande partie de son personnel. Chacun alors entama son chemin vers l’obéissance active ou passive, ou vers la Résistance.
Le fait est là : Vichy put compter sur les ressources vives du pays pour mener sa politique de collaboration. Cette pensée que Vichy fut une parenthèse en 1940 ouverte et refermée en 19045 réconforte la haute idée que certains voudraient se faire de la France.
Il est si commode de voir Vichy une monstruosité née de rien et retournée à rien ; de croire que ces agents sortis de nulle part reçurent à la libération le juste châtiment qui les élimina de la communauté nationale.
C’est commode, c’est commode, oui – mais c’est faux.
Et on ne bâtit aucune fierté sur un mensonge.
Et je vais vous dire pourquoi il importe de ne pas nourrir cette idée. Je vais vous dire pourquoi il faut toujours que nous ayons à l’esprit que l’État français de Pétain et Laval ne fut pas une aberration imprévisible née de circonstances exceptionnelles.
C’est parce que Vichy dans sa doctrine fut le moment où purent enfin se donner libre cours ces vices qui, déjà, entachaient la Troisième République : le racisme et l’antisémitisme.
Je voudrais en ce jour que ces deux mots que l’on galvaude parfois résonnent de tout leur métal. Je voudrais qu’on entende bien le poids d’abomination et de malheurs qu’il porte, car ces enfants dont nous avons vu il y a quelques instants le prénom, le nom, l’âge inscrits sur le mur du square des enfants du Vel’ d’Hiv ne furent victimes de rien d’autre que du racisme et de l’antisémitisme.
Racisme parce que leurs parents étaient étrangers quand eux-mêmes étaient pour la plupart des Français.
Antisémitisme parce qu’ils furent raflés en tant que juifs.
Le supplice de ces enfants dont Serge Klarsfeld – que je veux ici à nouveau solennellement remercier – a patiemment retrouvé les visages réunis en un livre qu’on ne lit qu’avec des larmes et une indicible révolte, ces enfants cher Serge, ce ne sont pas simplement aujourd’hui les vôtres, ce sont les nôtres.
Le supplice de ces enfants depuis l’arrachement à leur foyer, depuis leur arrivée dans cette immense étuve du Vel’ d’Hiv où pendant plusieurs jours, ils n’eurent rien en partage que la détresse, sans nourriture, sans eau jusqu’à ce que le capitaine des pompiers Pierret – plus tard reconnu Juste parmi les nations – exige qu’on leur en donne ;
Depuis le moment où ils furent déportés dans les camps de transit éperdus d’angoisse, depuis ce jour et ce moment de douleur pure où ils furent séparés de leurs parents, parce que Pierre Laval avait voulu qu’on capture des familles entières mais qu’elles ne voyagent pas ensemble ;
Jusqu’à ce qu’ils soient chargés dans des wagons plombés pour un voyage d’apocalypse qui les mènerait dès leur arrivée dans les cris, les appels sans réponse, les coups, les hurlements, la solitude la plus sèche, la plus noire à une mort d’une violence obscène, avant que leurs corps sans vie, leurs corps d’enfants ne soient humiliés par le four et la cendre ;
Ce supplice, leur supplice, qui défie l’entendement, qui défie les mots a commencé ici, le 16 juillet 1942 au matin, parce qu’en France dans la conscience de citoyen français, de dirigeants politiques français, de fonctionnaires français, de journalistes français, l’antisémitisme et le racisme avaient fait leur chemin insidieusement, lentement ; avait rendu l’infâme tolérable jusqu’à en faire une évidence, jusqu’à en faire une politique d’État : la politique collaborationniste.
C’est cela, tout cela qui fit que cette atrocité absolue pût advenir.
Seulement ni le racisme ni l’antisémitisme n’étaient nés avec le régime de Vichy, ils étaient là, vivaces, présents sous la Troisième République. L’affaire Dreyfus en avait montré la virulence. Les années trente lui rendirent un élan nouveau par l’émergence d’intellectuels, de partis, de journaux qui en avaient fait doctrine.
C’est la France de Je suis partout, de Bagatelles pour un massacre, c’est la France où Louis Darquier de Pellepoix, déjà lui, peut sans être inquiété une seconde proclamer en 1937 : « Nous devons résoudre de toute urgence le problème juif, soit par l’expulsion, soit par le massacre ». C’est la France où l’antisémitisme métastasait dans l’élite et dans la société, préparant insidieusement les esprits au pire.
Parce que oui, mes amis, la barbarie n’avance pas à visage découvert. Elle ne porte pas l’uniforme. Et lorsque les bottes nazies frappent le pavé de Paris, il est déjà trop tard.
La barbarie se forge d’abord dans les esprits. Ce sont les idées et les mots qui, progressivement font sauter les digues de nos consciences, font reculer la civilisation, qui nous habituent à écouter, à accepter des paroles que nous ne devrions même pas entendre.
Hitler, ce n’est pas d’abord le IIIe Reich. Ce n’est pas 1933. Hitler c’est d’abord et déjà Mein Kampf. Rien de tout cela n’est né avec Vichy et ce fut la faiblesse de la France de permettre que ce cancer prospère. Mais rien de tout cela non plus n’est mort avec Vichy.
Je sais bien que tous, nous nous faisons forts de lutter contre tout ce qui pourrait conduire aux mêmes situations. Mais il nous faut ouvrir les yeux, regarder la réalité en face. En France aujourd’hui, cette corruption des esprits, cet affaiblissement moral et intellectuel que sont le racisme et l’antisémitisme sont encore présents et bien présents. Ils prennent des formes nouvelles, changent de visage, choisissent des mots plus sournois.
Il suffit pourtant de s’y arrêter un instant pour percer à jour, derrière les nouvelles apparences, le vieux racisme, l’antisémitisme le plus recuit.
Le racisme ordinaire pullule dans le vocabulaire, dans les caricatures. Il ferme le marché du travail à des jeunes gens que stigmatisent un nom ou un prénom. Les conflits du monde s’invitent dans certains territoires de notre République, créant des divisions qui chassent les enfants juifs de certaines écoles ou enferment sur leur communauté des familles issues de l’immigration.
Et puis un jour, parce qu’on s’est tu, parce qu’on n’a pas voulu voir, le passage à l’acte intervient. Alors ce qui était des mots, ce qui n’était chez les uns que de la haine formulée différemment et chez les autres une forme de lâcheté ou une complaisance à ne pas vouloir voir, alors cela devient des vies fauchées et des gestes qui tuent.
Ilan Halimi, Jonathan Sandler et ses deux fils Arieh et Gabriel, Myriam Monsonego, Yohan Cohen, Philippe Braham, François-Michel Saada, Yoav Hattab l’ont payé de leur vie. Brahim Bouarram aussi. Le Père Hamel aussi. Et malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi.
Chaque synagogue, chaque mosquée, chaque église, chaque temple, chaque cimetière profané ou vandalisé doit nous alerter.
Théorie du complot planétaire, fantasmes sur la finance mondiale, iconographie insidieuse, angoisse identitaire mobilisant les clichés les plus toxiques, tout cela se diffuse à grande vitesse et atteint des esprits crédules ou perméables.
Le racisme et l’antisémitisme disposent pour réaliser leur travail de sape de moyens inédits de propagande. Les réseaux sociaux en sont les grands pourvoyeurs et nous n’avons pas encore pris la mesure de leur influence à cet égard. Nos magistrats et nos forces de l’ordre doivent y être mieux formés.
Alors oui, oui, nous luttons, nous luttons grâce à ce travail de mémoire indispensable que vous réalisez pour retrouver la trace vibrante des martyrs, leur nom, leur prénom, leur âge, leur adresse, tout ce qui rattache par un fil ténu, le plus ténu possible, de ces existences brisées à notre réalité vient nous rappeler que la barbarie est ici, au coin de la rue.
Ce que les Klarsfeld ont accompli en ce sens depuis des décennies est essentiel et mérite notre profonde gratitude.
Nous luttons, nous luttons en ne permettant pas que les propos abjects qui avilissent les esprits restent impunis.
Nous luttons pour que les propos des bourreaux ne l’emportent pas. En 1978, L’Express retrouva Louis Darquier de Pellepoix, toujours le même, exilé en Espagne. Celui-ci comme possédé encore par le démon antisémite n’affichait aucun regret de son action zélée pour la déportation. Il assura même qu’à Auschwitz, on n’avait « gazé que des poux ». Alors il trouva face à lui, à un moment où on se taisait encore beaucoup, s’élevant du quasi-silence qu’elle avait observé jusque-là sur ce sujet, la voix intransigeante et souveraine de Simone Veil. Cette même année, Serge Klarsfeld publiait le Mémorial de la déportation des juifs de France.
De telles voies sont sans prix lorsque la bête immonde émerge de l’ombre. Celle de Simone Veil vient de se taire avec ses indignations et ses combats fondamentaux. Au moment de s’effacer, elle savait que sa voix continuerait de porter à travers notamment son fils Pierre-François qui, depuis deux ans, préside le Comité français pour Yad Vashem.
Mais on se trompe à dire cela, ces voix ne s’éteignent pas. Elles ne s’éteignent jamais parce que nous avons décidé qu’elles ne s’éteindront pas ; et nous avons décidé une bonne fois pour toute que ces voix, leurs voix que certains n’avaient pas voulu entendre pendant tant et tant de décennies recouvriraient à jamais les propos abjects comme les silences coupables. Leurs voix ne s’éteindront jamais.
Et ces voix, ce furent aussi celle de Samuel Pisar qui nous a quittés en 2015, d’Élie Wiesel, de Jean-Raphaël Hirsch disparus tout deux en 2016. Et j’ai en ce jour une pensée aussi pour Henri Malberg qui échappa de peu à la rafle et qui nous a quittés voici trois jours.
Dans le monde tel qu’il va où les guerres de religion renaissent, où les conflits ethniques ressurgissent, où l’intolérance et le communautarisme se donnent la main, tout doit être fait pour que l’humanité ne consente pas à s’avilir.
Combien alors nous serons précieux, les exemples de ces déportés qui dans les camps, plongés dans la misère radicale, enveloppés dans l’ombre de la mort se haussèrent au-dessus de l’instinct de survie où on voulait les réduire pour soigner, nourrir, vêtir leurs compagnons d’infortune ; et parfois même pour peindre et dessiner comme Léon Delarbre ou Boris Taslitzky pour tenir un journal, comme Etty Hillesum, pour composer des quatuors ou des opéras, comme Germaine Tillion et pour donner avec pour seule documentation de leur mémoire des conférences sur Proust, Michel-Ange, les sciences naturelles.
Certains disaient que c’était un simulacre pour se tenir encore en vie, mais ça n’était rien de cela. C’était avoir compris que ce qui leur était nié n’était pas simplement la vie peu à peu, à petit feu, c’était leur humanité, c’était notre humanité. Et que jour après jour, quoi qu’amaigris, épuisés, défendre notre civilisation, notre histoire, nos peintres, une langue ou une philosophie, c’était refuser de céder le moindre centimètre de cette civilisation, parce que ce qui était en cause, ça n’était pas survivre, c’était vivre pleinement, totalement, c’était défendre là, dans chacun de ces endroits cette humanité dont chacune et chacun de ces hommes étaient à ce moment-là les véritables dépositaires. Et cela, nous ne l’oublierons jamais.
Et nous n’avons qu’un devoir aujourd’hui, être dignes de ce que ces êtres firent au plus noir de l’horreur, dignes de cette humanité intègre qu’ils témoignèrent alors que tout était fait précisément pour tuer leur humanité. Nous devons chaque jour, chaque minute être dignes, comme le sont les survivants de la Shoah dont l’exemple nous apporte tant. Parce que notre République, c’est justement ce projet d’une humanité constamment réinventée, en quête du meilleur d’elle-même par la solidarité, par la culture, par l’éducation.
Chasser les ombres du racisme et l’antisémitisme, c’est ne jamais céder sur cela, c’est ne jamais se satisfaire d’une République gestionnaire, c’est ne jamais faire croire qu’accepter certains propos ce serait bon pour l’unité du pays, ce serait accepter de ne pas rouvrir des plaies. Ne cédez aucun pouce de cette humanité, ne cédez rien parce qu’à chaque fois c’est notre humanité à tous qui est remise en cause.
Car chaque nation court le risque de devenir somnambule et d’accepter l’inacceptable par habitude, par lassitude.
C’est ne jamais admettre que les contraintes économiques puissent conduire au renoncement d’où naissent les pires dérives. C’est ne jamais céder sur l’école, c’est ne jamais céder sur la transmission, c’est ne jamais céder sur la culture, c’est ne jamais céder sur le combat contre l’obscurantisme et l’ignorance. Nous devons sans relâche soutenir sur le terrain ceux qui se mobilisent.
C’est ne jamais céder non plus sur ce qui nous unit, tous ces projets à hauteur d’humanité que nous offre notre temps : faire vivre la démocratie, secourir les indigents, saisir cette ambition planétaire qu’est la lutte contre le réchauffement, accueillir du mieux possible les réfugiés que la guerre jette sur les routes… parce que toutes ces causes, toutes nous grandissent.
Cette lutte c’est aussi celle que nous menons et que nous continuerons à mener partout ensemble, Monsieur le Premier ministre, contre le terrorisme obscur et le pire des fanatismes, contre tous ceux qui voudraient nous faire oublier ce que je viens de rappeler.
Alors oui, nous ne cèderons rien aux messages de haine, nous ne cèderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme. Et nous ne cèderons rien à toutes celles et ceux qui, sur tous les continents, cherchent à nous faire renoncer à la liberté, cherchent à recréer les divisions, cherchent à nous faire renoncer à cette humanité, notre démocratie, notre République.
Ne perdons pas de vue mes amis la vocation même de notre pays, celle qui unit tous ces citoyens qui donne à chacun une place, une dignité, une signification. Car c’est ce que nous pouvons opposer de mieux au puissant dissolvant que sont la haine raciste et antisémite. C’est de l’absence d’espoir, du sentiment d’inutilité et de déclassement que naissent les peurs et les haines qui nous opposent les uns aux autres. Ce sont toutes ces haines qui se fondent sur ce que l’on est, sur d’où l’on vient, sur ce que l’on croit, que nous devons combattre.
Ne nous laissons pas non plus convaincre par les prophètes de malheur qui passent leur temps à nous dire que l’horizon est sombre, que l’espoir est vain, que la France n’en a plus pour longtemps, que peut-être elle a déjà disparu, qu’elle s’habitue à ces violences et ces divisions et qui désignent des boucs émissaires. Car ils sont aussi dans ces mots, dans ces idées les ferments du désespoir et de la discorde. La République se tient debout parce qu’elle sait protéger tous ses enfants, la République se tient debout parce qu’elle sait regarder tout son passé, la République se tient debout parce qu’elle ne renonce et ne renoncera à rien de ce qu’elle est et de toutes ces valeurs. La République se tient debout parce que nous préférerons toujours ce « rêve qui Veille » dont parlait Éluard.
Les enfants du Vel’ d’Hiv auraient aimé aller à l’école de la République, obtenir un diplôme, un métier, fonder une famille, lire, aller au spectacle. Ils auraient aimé apprendre et voyager. Et leurs parents auraient voulu les voir grandir, vieillir ensemble. Tous auraient voulu aimer et être aimés. Nous leur avons redonné un nom, un prénom, des âges et des adresses.
A ces enfants, je veux dire que la France ne les oublie pas, je veux dire qu’elle les aime, je veux dire qu’elle fera tout pour que leur supplice nous exhorte sans cesse à ne céder ni à la haine, ni à la rancœur, ni au désespoir.
Nous ferons, les enfants, une France où vous auriez aimé vivre,
Nous ferons, les enfants, une France où vous vivrez toujours.
Vive la République, vive la France.
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Crédits photo : Kamil Zihnioglu / AFP
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