Le 16 avril 1953, le président Dwight D. Eisenhower déclarait dans un discours :

« Le monde entier sait qu’une ère a pris fin avec la mort de Staline. (…)Le système soviétique, élaboré par Staline et ses prédécesseurs, est né de la Première Guerre mondiale. Il a supporté l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale grâce à une opiniâtreté et un courage souvent étonnants. C’est pour faire vivre le monde dans la crainte d’une troisième guerre mondiale qu’il a survécu (…).
Une amère sagesse née de l’expérience a enseigné à ce monde que la vigilance et les sacrifices sont le prix de la liberté. Il sait que la défense de l’Europe occidentale exige d’une façon impérative une unité de buts et d’actions que permet l’O.T.A.N. (…)Il sait que l’Allemagne occidentale mérite de devenir un membre libre et égal de cette communauté, et que c’est pour l’Allemagne le seul et sûr moyen de retrouver finalement son unité. Il sait que l’agression en Corée et dans le sud-est asiatique constitue une menace pour le monde libre tout entier et qu’à cette menace doit répondre l’unité. Elle est la forme prise par le monde libre qu’affrontent les nouveaux dirigeants soviétiques. C’est un monde qui accordera toujours ce même respect à tous les autres peuples. »

Fait extraordinaire pour les observateurs de l’époque, la Pravda du 25 avril reproduisit ce discours.


Extrait des mémoires de Susan Eisenhower, petite-fille du président Eisenhower. (1952-1960)

« Il y avait les exercices habituels d’évacuation en cas d’attaque aérienne, qui étaient complètement inutiles et mes parents, comme beaucoup d’autres, se sont renseignés sur la possibilité de construire un abri. On leur a dit que notre cave serait absolument inutilisable comme abri en cas de guerre nucléaire, mais, comme beaucoup d’autres jeunes couples du pays il ont fait des stocks de boites de conserves et de nourriture lyophilisée, au cas où. (…)

Je ne me souviens pas de discussions familiales spécifiques au sujet de la guerre froide, mais l’anti-communisme nous venait naturellement, et le patriotisme était quelque chose que nous ressentions profondément, même si nous ne l’exposions pas ouvertement. Grand-papa croyait que, hormis les atrocités les plus évidentes du communisme, il volait les gens de leur singularité et les empêchait d’être auto-suffisants et de prendre des initiatives. Il croyait aussi à la relation de l’homme avec le Tout Puissant, et méprisait le communisme d’Etat pour son rejet de Dieu.

Bien qu’il eut haï ce que le régime soviétique représentait, il comprenait la différence entre des dirigeants totalitaires – autoritaires et leurs peuples. Dans ses mémoires, publiées en 1964, il a écrit : « Lorsque le jour viendra où les peuples communistes seront aussi bien informés que ceux des nations libres, alors le mécontentement, les troubles, et le ressentiment parmi des centaines de millions de gens conduiront finalement soit à des réformes dans leur gouvernement, soit à la destruction violente des dictatures communistes ».

De telles idées pleines de bon sens sur le futur de l’Union Soviétique n’étaient pas répandues à l’époque. Et si même j’ai intériorisé ses idées, étant jeune, j’ai aussi absorbé beaucoup de la crainte et de la suspicion de toute chose Soviétique ou Russe qui envahissait la société américaine. (…) [l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Union Soviétique en 1968] me paraissait la preuve du fait que le danger de la puissance soviétique était réel et omniprésent, et une menace pour notre « mode de vie américain ».

EISENHOWER, Susan, « Breaking Free: A Memoir of Love and Revolution« , Farrar, Straus, & Giroux, 1995
Traduit de: http://www.psi.net/chapterone/cspan/browse/374-26246.html (lien brisé


La théorie des dominos

« (…) Robert Richards, Copley Press : Monsieur le Président, cela vous dérangerait-il de nous faire un commentaire sur l’importance stratégique de l’Indochine pour le monde libre ? Je pense en effet que le pays n’a pas pris réellement la mesure de ce qu’elle signifiait pour nous.
Le Président [Eisenhower] : Quand on parle de choses pareilles, elles concernent naturellement à la fois le général et le particulier.

Tout d’abord, vous avez la valeur particulière d’un lieu en raison de ses productions matérielles dont le monde a besoin. Ensuite, il faut prendre en compte le risque qu’un nombre considérable d’être humains puisse passer sous la domination d’une dictature hostile au monde libre. Enfin, il y a des considérations plus générales qui pourraient suivre : vous pourriez les résumer dans le principe de la « chute des dominos ». Vous avez une rangée de dominos, vous faites tomber le premier, et il est certain que ce qui va arriver au dernier va venir très vite. Ainsi, vous pourriez avoir le commencement d’une désintégration qui aurait les influences les plus profondes.

Maintenant (…), deux des richesses naturelles d’Indochine que le monde utilise sont l’étain et le tungstène. Elles sont très importantes. Il y en a d’autres, bien sûr, comme les plantations de caoutchouc [sic] et d’autres encore.

Ensuite (…), la dictature communiste s’est déjà emparée en Asie de 450 millions de personnes ; nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de plus grandes pertes.

Maintenant, quand nous arrivons à ce qui peut arriver, à savoir la perte de l’Indochine, de la Birmanie, de la Thaïlande, de l’ensemble de la péninsule d’Asie du Sud-Est, voire de l’Indonésie, nous parlons non seulement de régions dont la perte engendrerait de multiples désavantages quant à nos approvisionnements matériels, mais nous parlons surtout de millions et de millions et de millions d’hommes.

Finalement, compte tenu de sa position géographique, la perte de l’Indochine aurait de multiples conséquences. Elle toucherait ce qu’on appelle le chaîne insulaire de défense qui s’étend du Japon vers le Sud en passant par Formose et les Philippines ; elle étendrait la menace [communiste] à l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Sur le plan économique, cette perte priverait le Japon d’une zone commerciale dont il ne peut se passer et l’obligerait ainsi à commercer avec les seules régions communistes.

Vous le voyez, les conséquences possibles de la perte de l’Indochine pour le monde libre sont tout simplement incalculables. (…) »

Dwight D. EISENHOWER, « Conférence de presse », 7 avril 1954. Traduit par B. Littardi. Source : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=10202&st=&st1= – axzz1h5TwADrU [consulté le 30 mars 2012]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_des_domino