Doc. 1 – persécutions et rafle

« Mon père est arrivé en France en 1921, ma mère l’année suivante. Je suis le premier Adoner né en France. A la maison, les parents parlaient yiddish, nous répondions en français. (…) Durant l’occupation, il a fallu aller se faire recenser, mon père, comme bon citoyen français obéissant… Il a ramené la radio, puis on a eu l’étoile et le tampon sur la carte d’identité… Nous marchions avec l’étoile dans la rue, boulevard Saint-Michel. On la cachait aussi pour nous balader, prendre le métro. Le 16 juillet 1942, on a raflé nos voisins (…). C’était des flics français (…). Il y a eu 12 ou 15 familles sur 50 (de l’immeuble). Le 23 septembre 1942, le soir à 21 h (…), nous étions chez un copain de l’immeuble – après 20h on n’avait pas le droit de sortir – mon frère Henri est monté : « il y la Gestapo en bas ! » (…). Nous sommes partis avec des copains pour nous sauver par les toits mais mon ami Isaac est revenu : « je ne peux pas laisser ma mère toute seule avec mes frères et sœurs… » On est tous redescendus (…). Par petits groupes, nous avons tous été emportés au poste de police du 4ème (…). Le lendemain matin, l’autobus nous emmenait à Drancy (…). On est resté très peu, sur des paillasses dégueulasses. Nous avont été déportés le 28 septembre 1942, toute notre maison. »

Témoignage de Samuel Adoner, Survivors of the Holocaust, Spielberg, 1995.

Samuel Adoner: « la Gestapo est venu nous rafler »

Doc. 2 – Extrait de la liste du convoi n°38 du 28 septembre 1942, allant de Drancy à Auschwitz, transportant les Adoner

« Drancy, le 27 septembre 1942

Départ du 28 septembre 1942

Escalier 4

1e étage Drancy IV nationalité Adresse

1- ADONER Henry 12-01-29 Paris Française 10 rue des Deux Ponts

2- ADONER Lisette 10-11-31 Paris Française 10 rue des Deux Ponts

3- ADONER Marja 1893 Varsovie Française 10 rue des Deux Ponts

née Jacobovitch

4- ADONER Mordko 15-08-87 Varsovie Française 10 rue des Deux Ponts

Maroquinier

5- ADONER Rebecca 22-12-21 Varsovie Française 10 rue des Deux Ponts

Cartonnière

6- ADONER Salomon 4-05-20 Varsovie Française 10 rue des Deux Ponts

Garçon courses

7- ADONER Samuel 5-05-25 Paris Française 10 rue des Deux Ponts

8- ADONER Zivi 7-07-37 Paris Française 10 rue des Deux Ponts

Suivent sept autres noms de Juifs déportés dans le même convoi…

CDJC/Mémorial de la Shoah

Doc. 3 – Traduction du télex du convoi n°38

« Paris, le 28-9-1942 Urgent, à présenter immédiatement !

Au RSHA, Bureau IV B-4,

Au SS Eichmann.

A Berlin

A l’inspecteur du camp de concentration

A Orianenburg

Au camp de concentration

A Auschwitz

Le 28-9-1942 à 8 heures 55 le transport n°901/33 a quitté la gare de Le Bourget-Drancy en direction d’Auschwitz avec 900 Juifs.

L’ensemble des personnes correspond aux critères requis.

Le chef du convoi est le sergent Hahn à qui ont été remis deux exemplaires de la liste du convoi. (…)

Signé : Le général SS Röthke

CDJC/Mémorial de la Shoah

Doc. 4 – Précisions sur le convoi n°38

« Le convoi n°38 a quitté la gare Le Bourget/Drancy pour Auschwitz, le 28 septembre 1942 à 8h55, avec 904 Juifs, en direction d’Auschwitz. Tel est le contenu du télex rédigé par le SS Heinrichsohn et signé par son chef Röthke, adressé à Eichmann et au camp d’Auschwitz. Sur 904 noms de partants, on compte 468 hommes et 436 femmes. Parmi les 468 hommes, environ 200 étaient âgés de 17 à 45 ans. Le convoi comptait un peu moins de 100 enfants de moins de 17 ans. Les deux tiers des 904 déportés étaient d’origine étrangère.

Le convoi est arrivé à Auschwitz dans la nuit du 29 au 30 septembre. 123 hommes ont été sélectionnés pour le travail et ont reçu les matricules 66515 à 66637. 48 femmes reçurent les matricules 21373 à 21394. D’autres hommes, de 17 à 45 ans, valides parmi les 200 qui se trouvaient dans le convoi ont été immédiatement gazés. On comptait, en 1945, 20 survivants de ce convoi. »

Serge Klarsfeld, Le mémorial de la déportation des Juifs de France, FFDJF, Paris, 2002, 1978.

Doc. 5 – La mort à l’arrivée décrite par un survivant du Sonderkommando

« Avant chaque « gazage », (…) le crématoire était cerné d’un cordon de SS (…) avec des chiens et des mitrailleuses (…). Quand ils (les gens) débouchaient dans le vestiaire, (…) aux murs étaient fixées des patères et chacun portait un numéro. Au dessous, des bancs de bois, afin que les gens puissent se dévêtir (…). La mort par le gaz durait de dix à quinze minutes. (…) Le gaz, quand il commençait à agir, se propageait de bas en haut. Et dans l’effroyable combat qui s’engageait alors (…), la lumière était coupée dans les chambres à gaz, (…) une bataille se livrait. Et c’est pourquoi les enfants et les plus faibles, les vieux, se trouvaient en dessous. Et les plus forts au dessus (…). C’était un non-sens de dire la vérité à quiconque franchissant le seuil du crématoire. Là on ne pouvait sauver personne. Là, il était trop tard. »

Témoignage de Filip Müller, in Claude Lanzmann, Shoah, Folio, Paris, 2001, pp.177-182

Doc. 6 – Itinéraire d’un survivant

« Au bout de trois jours de voyage, atroces, dans les wagons (…), des cris, des pleurs, nous étions 70-80 ; on a ouvert, des cris, des chiens : « Los ! Los ! Raus ! ». On ne savait pas ce qu’il nous arrivait (…). L’endroit s’appelait Kosel1. Mon frère et moi avons sauté du wagon. Mon père est resté avec ma mère, mes frères et sœurs (…). Quand j’ai tourné la tête, mon père, je crois qu’il m’a béni… Nous sommes descendus à 160 pour un camp de travail. Nous travaillions pour faire l’autoroute Berlin-Moscou, des travaux durs : soit les rails, soit le béton, soit le ciment, soit le sable… De là, nous sommes partis à Blechammer (…). L’hiver 42-43 a été le plus dur, il faisait -25° à -30°, nous étions habillés en petite veste. Je travaillais au béton, je prenais des sacs de ciment et je mettais le papier sur le corps, on avait des sabots de bois (…). Le plus dur, le matin, c’était l’appel avant de sortir travailler. On restait deux heures debout (…). Des gens tombaient de froid, il fallait tenir. En rentrant du travail, le chef de bloc nous faisait courir (…) et nous tapait dessus. On a eu énormément de décès, par le froid, la faim, les coups… Début 44, j’ai eu le doigt coupé en poussant un wagonnet, j’ai glissé, et crevé un sac de ciment. Un Kapo allemand m’a mis un coup, je suis tombé KO… (…). Je suis resté à l’infirmerie du camp (…). On nous a mis dans un petit camp, c’était un camp de transit pour Birkenau. Un juif turc qui travaillait là m’a sorti de la baraque. Le lendemain matin, les 400 camarades ont été directement à la chambre à gaz (…). Dans un nouveau camp, je suis resté malade du typhus 8 à 9 semaines (…). Sur 1200, on est resté 100 à 120 survivants. Là, il n’y avait pas de crématoire ni de chambre à gaz : des trous, on jetait les morts et de la chaux par-dessus (…). Puis nous sommes arrivés à Birkenau (…) : cette odeur et ce bruit de vent constamment dans la tête, le crématoire brûlait, ça brûlait, ça brûlait (…). On m’a mis au Scheisskommando, c’était bien car on n’y faisait pas l’appel et on trouvait pleins de choses à échanger, « à organiser », dans les excréments… »

Témoignage de Samuel Adoner, Survivors of the Holocaust, Spielberg, 1995.

1 Kosel est un « Kommando » d’Auschwitz.